203. A son peuple Israël Dieu s’est révélé en lui faisant connaître son nom. Le nom exprime l’essence, l’identité de la personne et le sens de sa vie. Dieu a un nom. Il n’est pas une force anonyme. Livrer son nom, c’est se faire connaître aux autres ; c’est en quelque sorte se livrer soi-même en se rendant accessible, capable d’être connu plus intimement et d’être appelé, personnellement.
204. Dieu s’est révélé progressivement et sous divers noms à son peuple, mais c’est la révélation du nom divin faite à Moïse dans la théophanie du buisson ardent, au seuil de l’Exode et de l’alliance du Sinaï qui s’est avérée être la révélation fondamentale pour l’Ancienne et la Nouvelle Alliance.
205. Dieu appelle Moïse du milieu d’un buisson qui brûle sans se consumer. Dieu dit à Moïse : " Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob " (Ex 3, 6). Dieu est le Dieu des pères, Celui qui avait appelé et guidé les patriarches dans leurs pérégrinations. Il est le Dieu fidèle et compatissant qui se souvient d’eux et de Ses promesses ; Il vient pour libérer leurs descendants de l’esclavage. Il est le Dieu qui par delà l’espace et le temps le peut et le veux et qui mettra Sa Toute Puissance en œuvre pour ce dessein.
Moïse dit à Dieu : " Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis : ‘Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous’. Mais s’ils me disent : ‘quel est son nom ?’, que leur dirai-je ? " Dieu dit à Moïse : " Je Suis Celui qui Suis ". Et il dit : " Voici ce que tu diras aux Israélites : ‘Je suis’ m’a envoyé vers vous. (...) C’est mon nom pour toujours, c’est ainsi que l’on m’invoquera de génération en génération " (Ex 3, 13-15).
206. En révélant Son nom mystérieux de YHWH, " Je Suis Celui qui Est " ou " Je Suis Celui qui Suis " ou aussi " Je Suis qui Je Suis ", Dieu dit Qui Il est et de quel nom on doit L’appeler. Ce nom Divin est mystérieux comme Dieu est mystère. Il est tout à la fois un nom révélé et comme le refus d’un nom, et c’est par là même qu’il exprime le mieux Dieu comme ce qu’Il est, infiniment au-dessus de tout ce que nous pouvons comprendre ou dire : Il est le " Dieu caché " (Is 45, 15), son nom est ineffable (cf. Jg 13, 18), et Il est le Dieu qui Se fait proche des hommes :
207. En révélant son nom, Dieu révèle en même temps sa fidélité qui est de toujours et pour toujours, valable pour le passé (" Je suis le Dieu de tes pères ", Ex 3, 6), comme pour l’avenir : (" Je serai avec toi ", Ex 3,12). Dieu qui révèle son nom comme " Je suis " se révèle comme le Dieu qui est toujours là, présent auprès de son peuple pour le sauver.
208. Devant la présence attirante et mystérieuse de Dieu, l’homme découvre sa petitesse. Devant le buisson ardent, Moïse ôte ses sandales et se voile le visage (cf. Ex 3, 5-6) face à la Sainteté Divine. Devant la gloire du Dieu trois fois saint, Isaïe s’écrie : " Malheur à moi, je suis perdu ! Car je suis un homme aux lèvres impures " (Is 6, 5). Devant les signes divins que Jésus accomplit, Pierre s’écrie : " Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheur " (Lc 5, 8). Mais parce que Dieu est saint, Il peut pardonner à l’homme qui se découvre pécheur devant lui : " Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère (...) car je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi je suis le Saint " (Os 10, 9). L’apôtre Jean dira de même : " Devant Lui nous apaiseront notre cœur, si notre cœur venait à nous condamner, car Dieu est plus grand que notre cœur, et Il connaît tout " (1 Jn 3, 19-20).
209. Par respect pour sa sainteté, le peuple d’Israël ne prononce pas le nom de Dieu. Dans la lecture de l’Écriture Sainte le nom révélé est remplacé par le titre divin " Seigneur " (Adonaï, en grec Kyrios). C’est sous ce titre que sera acclamée la Divinité de Jésus : " Jésus est Seigneur ".
210. " Dieu de tendresse et de pitié "
Après le péché d’Israël, qui s’est détourné de Dieu pour adorer le veau d’or (cf. Ex 32), Dieu écoute l’intercession de Moïse et accepte de marcher au milieu d’un peuple infidèle, manifestant ainsi son amour (cf. Ex 33, 12-17). A Moïse qui demande de voir Sa gloire, Dieu répond : " Je ferai passer devant toi toute ma bonté [beauté] et je prononcerai devant toi le nom de YHWH " (Ex 33, 18-19). Et le Seigneur passe devant Moïse et proclame : " YHWH, YHWH, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité " (Ex 34, 5-6). Moïse confesse alors que le Seigneur est un Dieu qui pardonne (cf. Ex 34, 9).
211. Le nom divin " Je suis " ou " Il est " exprime la fidélité de Dieu qui, malgré l’infidélité du péché des hommes et du châtiment qu’il mérite, " garde sa grâce à des milliers " (Ex 34, 7). Dieu révèle qu’Il est " riche en miséricorde " (Ep 2, 4) en allant jusqu’à donner son propre Fils. En donnant sa vie pour nous libérer du péché, Jésus révélera qu’Il porte Lui-même le nom divin : " quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que ‘Je suis’ " (Jn 8, 28).
212. Au cours des siècles, la foi d’Israël a pu déployer et approfondir les richesses contenues dans la révélation du nom divin. Dieu est unique, hormis Lui pas de dieux (cf. Is 44, 6). Il transcende le monde et l’histoire. C’est Lui qui a fait le ciel et la terre : " Eux périssent, Toi tu restes ; tous, comme un vêtement ils s’usent (...) mais Toi, le même, sans fin sont tes années " (Ps 102, 27-28). En Lui " n’existe aucun changement, ni l’ombre d’une variation " (Jc 1, 17). Il est " Celui qui est ", depuis toujours et pour toujours, et c’est ainsi qu’Il demeure toujours fidèle à Lui-même et à ses promesses.
213. La révélation du nom ineffable " Je suis celui qui suis " contient donc la vérité que Dieu seul EST. C’est en ce sens que déjà la traduction des Septante et à sa suite la Tradition de l’Église, ont compris le nom divin : Dieu est la plénitude de l’Être et de toute perfection, sans origine et sans fin. Alors que toutes les créatures ont reçu de Lui tout leur être et leur avoir, Lui seul est son être même et Il est de Lui-même tout ce qu’Il est.
1223. Toutes les préfigurations de l’Ancienne Alliance trouvent leur achèvement dans le Christ Jésus. Il commence sa vie publique après s’être fait baptiser par S. Jean le Baptiste dans le Jourdain (cf. Mt 3, 13), et, après sa résurrection, il donne cette mission aux apôtres : " Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit " (Mt 28, 19-20 ; cf. Mc 16, 15-16).
1224. Notre Seigneur s’est volontairement soumis au Baptême de S. Jean, destiné aux pécheurs, pour " accomplir toute justice " (Mt 3, 15). Ce geste de Jésus est une manifestation de son " anéantissement " (Ph 2, 7). L’Esprit qui planait sur les eaux de la première création, descend alors sur le Christ, en prélude de la nouvelle création, et le Père manifeste Jésus comme son " Fils bien-aimé " (Mt 3, 16-17).
1229. III. Comment est célébré le sacrement du baptême ?
Devenir chrétien, cela se réalise dès les temps des apôtres par un cheminement et une initiation à plusieurs étapes. Ce chemin peut être parcouru rapidement ou lentement. Il devra toujours comporter quelques éléments essentiels : l’annonce de la Parole, l’accueil de l’Évangile entraînant une conversion, la profession de foi, le Baptême, l’effusion de l’Esprit Saint, l’accès à la communion eucharistique.
1230. Cette initiation a beaucoup varié au cours des siècles et selon les circonstances. Aux premiers siècles de l’Église, l’initiation chrétienne a connu un grand déploiement, avec une longue période de catéchuménat et une suite de rites préparatoires qui jalonnaient liturgiquement le chemin de la préparation catéchuménale et qui aboutissaient à la célébration des sacrements de l’initiation chrétienne.
1231. Là où le Baptême des enfants est devenu largement la forme habituelle de la célébration de ce sacrement, celle-ci est devenue un acte unique qui intègre de façon très abrégée les étapes préalables à l’initiation chrétienne. De par sa nature même le Baptême des enfants exige un catéchuménat postbaptismal. Il ne s’agit pas seulement du besoin d’une instruction postérieure au baptême, mais de l’épanouissement nécessaire de la grâce baptismale dans la croissance de la personne. C’est le lieu propre du catéchisme.
1232. Le deuxième Concile du Vatican a restauré, pour l’Église latine, " le catéchuménat des adultes, distribué en plusieurs étapes " (SC 64). On en trouve les rites dans l’Ordo initiationis christianæ adultorum (1972). Le Concile a par ailleurs permis que, " outre les éléments d’initiation fournis par la tradition chrétienne ", on admette, en terre de mission, " ces autres éléments d’initiation dont on constate la pratique dans chaque peuple, pour autant qu’on peut les adapter au rite chrétien " (SC 65 ; cf. SC 37-40).
1233. Aujourd’hui, donc, dans tous les rites latins et orientaux, l’initiation chrétienne des adultes commence dès leur entrée en catéchuménat, pour atteindre son point culminant dans une seule célébration des trois sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie (cf. AG 14 ; CIC, can. 851 ; 865 ; 866). Dans les rites orientaux l’initiation chrétienne des enfants commence au Baptême suivi immédiatement par la Confirmation et l’Eucharistie, tandis que dans le rite romain elle se poursuit durant des années de catéchèse, pour s’achever plus tard avec la Confirmation et l’Eucharistie, sommet de leur initiation chrétienne (cf. CIC, can. 851, 2° ; 868).
1234. La mystagogie de la célébration
Le sens et la grâce du sacrement du Baptême apparaissent clairement dans les rites de sa célébration. C’est en suivant, avec une participation attentive, les gestes et les paroles de cette célébration que les fidèles sont initiés aux richesses que ce sacrement signifie et réalise en chaque nouveau baptisé.
1235. Le signe de la croix, au seuil de la célébration, marque l’empreinte du Christ sur celui qui va lui appartenir et signifie la grâce de la rédemption que le Christ nous a acquis par sa croix.
1236. L’annonce de la Parole de Dieu illumine de la vérité révélée les candidats et l’assemblée, et suscite la réponse de la foi, inséparable du Baptême. En effet, le Baptême est d’une façon particulière " le sacrement de la foi " puisqu’il est l’entrée sacramentelle dans la vie de foi.
1237. Puisque le Baptême signifie la libération du péché et de son instigateur, le diable, on prononce un (ou plusieurs) exorcisme(s) sur le candidat. Il est oint de l’huile des catéchumènes ou bien le célébrant lui impose la main, et il renonce explicitement à Satan. Ainsi préparé, il peut confesser la foi de l’Église à laquelle il sera " confié " par le Baptême (cf. Rm 6, 17).
1238. L’eau baptismale est alors consacrée par une prière d’épiclèse (soit au moment même, soit dans la nuit pascale). L’Église demande à Dieu que, par son Fils, la puissance du Saint-Esprit descende dans cette eau, afin que ceux qui y seront baptisés " naissent de l’eau et de l’Esprit " (Jn 3, 5).
1239. Suit alors le rite essentiel du sacrement : le Baptême proprement dit, qui signifie et réalise la mort au péché et l’entrée dans la vie de la Très Sainte Trinité à travers la configuration au Mystère pascal du Christ. Le Baptême est accompli de la façon la plus significative par la triple immersion dans l’eau baptismale. Mais depuis l’antiquité il peut aussi être conféré en versant par trois fois l’eau sur la tête du candidat.
1240. Dans l’Église latine, cette triple infusion est accompagnée par les paroles du ministre : " N., je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ". Dans les liturgies orientales, le catéchumène étant tourné vers l’Orient, le prêtre dit : " Le serviteur de Dieu, N., est baptisé au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ". Et à l’invocation de chaque personne de la Très Sainte Trinité, il le plonge dans l’eau et le relève.
1241. L’onction du saint chrême, huile parfumée consacrée par l’évêque, signifie le don de l’Esprit Saint au nouveau baptisé. Il est devenu un chrétien, c’est-à-dire " oint " de l’Esprit Saint, incorporé au Christ, qui est oint prêtre, prophète et roi (cf. OBP 62).
1242. Dans la liturgie des Églises d’Orient, l’onction postbaptismale est le sacrement de la Chrismation (Confirmation). Dans la liturgie romaine, elle annonce une seconde onction de saint chrême que donnera l’évêque : le sacrement de la Confirmation qui, pour ainsi dire, " confirme " et achève l’onction baptismale.
1243. Le vêtement blanc symbolise que le baptisé a " revêtu le Christ " (Ga 3, 27) : est ressuscité avec le Christ. Le cierge, allumé au cierge pascal, signifie que le Christ a illuminé le néophyte. Dans le Christ, les baptisés sont " la lumière du monde " (Mt 5, 14 ; cf. Ph 2, 15).
Le nouveau baptisé est maintenant enfant de Dieu dans le Fils Unique. Il peut dire la prière des enfants de Dieu : le Notre Père.
1244. La première communion eucharistique. Devenu enfant de Dieu, revêtu de la robe nuptiale, le néophyte est admis " au festin des noces de l’Agneau " et reçoit la nourriture de la vie nouvelle, le Corps et le Sang du Christ. Les Églises orientales gardent une conscience vive de l’unité de l’initiation chrétienne en donnant la sainte Communion à tous les nouveaux baptisés et confirmés, même aux petits enfants, se souvenant de la parole du Seigneur : " Laissez venir à moi les petits enfants, ne les empêchez pas " (Mc 10, 14). L’Église latine, qui réserve l’accès à la sainte Communion à ceux qui ont atteint l’âge de raison, exprime l’ouverture du Baptême sur l’Eucharistie en approchant de l’autel l’enfant nouveau baptisé pour la prière du Notre Père.
1245. La bénédiction solennelle conclut la célébration du Baptême. Lors du Baptême de nouveau-nés la bénédiction de la mère tient une place spéciale.
2142. I. Le nom du Seigneur est saint
Le deuxième commandement prescrit de respecter le nom du Seigneur. Il relève, comme le premier commandement, de la vertu de religion et règle plus particulièrement notre usage de la parole dans les choses saintes.
2143. Parmi toutes les paroles de la Révélation il en est une, singulière, qui est la révélation de son Nom. Dieu confie son nom à ceux qui croient en Lui ; Il se révèle à eux dans son mystère personnel. Le don du Nom appartient à l’ordre de la confidence et de l’intimité. " Le nom du Seigneur est saint ". C’est pourquoi l’homme ne peut en abuser. Il doit le garder en mémoire dans un silence d’adoration aimante (cf. Za 2, 17). Il ne le fera intervenir dans ses propres paroles que pour le bénir, le louer et le glorifier (cf. Ps 29, 2 ; 96, 2 ; 113, 1-2).
2144. La déférence à l’égard de son Nom exprime celle qui est due au mystère de Dieu lui-même et à toute la réalité sacrée qu’il évoque. Le sens du sacré relève de la vertu de religion :
Les sentiments de crainte et de sacré sont-ils des sentiments chrétiens ou non ? Personne ne peut raisonnablement en douter. Ce sont les sentiments que nous aurions, et à un degré intense, si nous avions la vision du Dieu souverain. Ce sont les sentiments que nous aurions si nous " réalisions " sa présence. Dans la mesure où nous croyons qu’Il est présent, nous devons les avoir. Ne pas les avoir, c’est ne point réaliser, ne point croire qu’Il est présent (Newman, Parochial and Plain Sermons, v. 5, Sermon 2 [Westminster 1967] : pp. 21-22)
2145. Le fidèle doit témoigner du nom du Seigneur, en confessant sa foi sans céder à la peur (cf. Mt 10, 32 ; 1 Tm 6, 12). L’acte de la prédication et l’acte de la catéchèse doivent être pénétrés d’adoration et de respect pour le nom de Notre Seigneur Jésus Christ.
2146. Le deuxième commandement interdit l’abus du nom de Dieu, c’est-à-dire tout usage inconvenant du nom de Dieu, de Jésus Christ, de la Vierge Marie et de tous les saints :
2147. Les promesses faites à autrui au nom de Dieu engagent l’honneur, la fidélité, la véracité et l’autorité divines. Elles doivent être respectées en justice. Leur être infidèle, c’est abuser du Nom de Dieu et, en quelque sorte, faire de Dieu un menteur (cf. 1 Jn 1, 10).
2148. Le blasphème s’oppose directement au deuxième commandement. Il consiste à proférer contre Dieu – intérieurement ou extérieurement – des paroles de haine, de reproche, de défi, à dire du mal de Dieu, à manquer de respect envers Lui dans ses propos, à abuser du nom de Dieu. S. Jacques réprouve " ceux qui blasphèment le beau Nom (de Jésus) qui a été invoqué sur eux " (Jc 2, 7). L’interdiction du blasphème s’étend aux paroles contre l’Église du Christ, les saints, les choses sacrées. Il est encore blasphématoire de recourir au nom de Dieu pour couvrir des pratiques criminelles, réduire des peuples en servitude, torturer ou mettre à mort. L’abus du nom de Dieu pour commettre un crime provoque le rejet de la religion.
Le blasphème est contraire au respect dû à Dieu et à son saint nom. Il est de soi un péché grave (cf. CIC, can. 1369).
2149. Les jurons, qui font intervenir le nom de Dieu, sans intention de blasphème, sont un manque de respect envers le Seigneur. Le second commandement interdit aussi l’usage magique du Nom divin.
Le Nom de Dieu est grand là où on le prononce avec le respect dû à sa grandeur et à sa Majesté. Le Nom de Dieu est saint là où on le nomme avec vénération et la crainte de l’offenser (S. Augustin, serm. Dom. 2, 45, 19 : PL 34, 1278).
2807. Le terme " sanctifier " doit s’entendre ici, non d’abord dans son sens causatif (Dieu seul sanctifie, rend saint) mais surtout dans un sens estimatif : reconnaître comme saint, traiter d’une manière sainte. C’est ainsi que, dans l’adoration, cette invocation est parfois comprise comme une louange et une action de grâces (cf. Ps 111, 9 ; Lc 1, 49). Mais cette demande nous est enseignée par Jésus comme un optatif : une demande, un désir et une attente où Dieu et l’homme sont engagés. Dès la première demande à notre Père, nous sommes plongés dans le mystère intime de sa Divinité et dans le drame du salut de notre humanité. Lui demander que son Nom soit sanctifié nous implique dans " le Dessein bienveillant qu’il avait formé par avance " pour que " nous soyons saints et immaculés en sa présence, dans l’amour " (cf. Ep 1, 9. 4).
2808. Aux moments décisifs de son Economie, Dieu révèle son Nom, mais il le révèle en accomplissant son œuvre. Or cette œuvre ne se réalise pour nous et en nous que si son Nom est sanctifié par nous et en nous.
2809. La Sainteté de Dieu est le foyer inaccessible de son mystère éternel. Ce qui en est manifesté dans la création et l’histoire, l’Écriture l’appelle la Gloire, le rayonnement de sa Majesté (cf. Ps 8 ; Is 6, 3). En faisant l’homme " à son image et à sa ressemblance " (Gn 1, 26), Dieu " le couronne de gloire " (Ps 8, 6), mais en péchant l’homme est " privé de la Gloire de Dieu " (Rm 3, 23). Dès lors, Dieu va manifester sa Sainteté en révélant et en donnant son Nom, afin de restaurer l’homme " à l’image de son Créateur " (Col 3, 10).
2810. Dans la promesse faite à Abraham, et le serment qui l’accompagne (cf. He 6, 13), Dieu s’engage lui-même mais sans dévoiler son Nom. C’est à Moïse qu’il commence à le révéler (cf. Ex 3, 14) et il le manifeste aux yeux de tout le peuple en le sauvant des Egyptiens : " il s’est couvert de Gloire " (Ex 15, 1). Depuis l’Alliance du Sinaï, ce peuple est " sien " et il doit être une " nation sainte " (ou consacrée, c’est le même mot en hébreu : cf. Ex 19, 5-6) parce que le Nom de Dieu habite en lui.
2811. Or, malgré la Loi sainte que lui donne et redonne le Dieu Saint (cf. Lv 19, 2 : " Soyez saints, car moi, votre Dieu, je suis saint "), et bien que le Seigneur, " eu égard à son Nom ", use de patience, le peuple se détourne du Saint d’Israël et " profane son Nom parmi les nations " (cf. Ez 20 ; 36). C’est pourquoi les justes de l’Ancienne Alliance, les pauvres revenus d’exil et les prophètes ont été brûlés par la passion du Nom.
2812. Finalement, c’est en Jésus que le Nom du Dieu Saint nous est révélé et donné, dans la chair, comme Sauveur (cf. Mt 1, 21 ; Lc 1, 31) : révélé par ce qu’il Est, par sa Parole et par son Sacrifice (cf. Jn 8, 28 ; 17, 8 ; 17, 17-19). C’est le cœur de sa prière sacerdotale : " Père saint ... pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés en vérité " (Jn 17, 19). C’est parce qu’il " sanctifie " lui-même son Nom (cf. Ez 20, 39 ; 36, 20-21) que Jésus nous " manifeste " le Nom du Père (Jn 17, 6). Au terme de sa Pâque, le Père lui donne alors le Nom qui est au-dessus de tout nom : Jésus est Seigneur à la gloire de Dieu le Père (cf. Ph 2, 9-11).
2813. Dans l’eau du Baptême, nous avons été " lavés, sanctifiés, justifiés par le Nom du Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit de notre Dieu " (1 Co 6, 11). En toute notre vie, notre Père " nous appelle à la sanctification " (1 Th 4, 7), et, puisque c’est " par lui que nous sommes dans le Christ Jésus, qui est devenu pour nous sanctification " (1 Co 1, 30), il y va de sa Gloire et de notre vie que son Nom soit sanctifié en nous et par nous. Telle est l’urgence de notre première demande.
Qui pourrait sanctifier Dieu, puisque lui-même sanctifie ? mais nous inspirant de cette parole ‘Soyez saints, parce que moi je suis Saint’ (Lv 20, 26), nous demandons que, sanctifiés par le baptême, nous persévérions dans ce que nous avons commencé à être. Et cela nous le demandons tous les jours, car nous fautons quotidiennement et nous devons purifier nos péchés par une sanctification sans cesse reprise... Nous recourrons donc à la prière pour que cette sainteté demeure en nous (S. Cyprien, Dom. orat. 12 : PL 4, 526A-527A).
2814. Il dépend inséparablement de notre vie et de notre prière que son Nom soit sanctifié parmi les nations :
Nous demandons à Dieu de sanctifier son Nom, car c’est par la sainteté qu’il sauve et sanctifie toute la création... Il s’agit du Nom qui donne le salut au monde perdu, mais nous demandons que ce Nom de Dieu soit sanctifié en nous par notre vie. Car si nous vivons bien, le nom divin est béni ; mais si nous vivons mal, il est blasphémé, selon la parole de l’Apôtre : ‘Le Nom de Dieu est blasphémé à cause de vous parmi les nations’ (Rm 2, 24 ; Ez 36, 20-22). Nous prions donc pour mériter d’avoir en nos âmes autant de sainteté qu’est saint le nom de notre Dieu (S. Pierre Chrysologue, serm. 71 : PL 52, 402A).
Quand nous disons ‘Que ton Nom soit sanctifié’, nous demandons qu’il soit sanctifié en nous, qui sommes en lui, mais aussi dans les autres que la grâce de Dieu attend encore, afin de nous conformer au précepte qui nous oblige de prier pour tous, même pour nos ennemis. Voilà pourquoi nous ne disons pas expressément : Que ton Nom soit sanctifié ‘en nous’, car nous demandons qu’il le soit dans tous les hommes (Tertullien, or. 3).
2815. Cette demande, qui les contient toutes, est exaucée par la prière du Christ, comme les six autres demandes qui suivent. La prière à notre Père est notre prière si elle est priée " dans le Nom " de Jésus (cf. Jn 14, 13 ; 15, 16 ; 16, 24. 26). Jésus demande dans sa prière sacerdotale : " Père saint, garde en ton Nom ceux que tu m’as donnés " (Jn 17, 11).
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