1. I. La vie de l’homme – connaître et aimer Dieu
Dieu, infiniment Parfait et Bienheureux en Lui-même, dans un dessein de pure bonté, a librement créé l’homme pour le faire participer à sa vie bienheureuse. C’est pourquoi, de tout temps et en tout lieu, Il se fait proche de l’homme. Il l’appelle, l’aide à Le chercher, à Le connaître et à L’aimer de toutes ses forces. Il convoque tous les hommes que le péché a dispersés dans l’unité de sa famille, l’Église. Pour ce faire, Il a envoyé son Fils comme Rédempteur et Sauveur lorsque les temps furent accomplis. En Lui et par Lui, Il appelle les hommes à devenir, dans l’Esprit Saint, ses enfants d’adoption, et donc les héritiers de sa vie bienheureuse.
2. Pour que cet appel retentisse par toute la terre, le Christ a envoyé les apôtres qu’Il avait choisis en leur donnant mandat d’annoncer l’Évangile : " Allez, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde " (Mt 28, 19-20). Forts de cette mission, les apôtres " s’en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole par les signes qui l’accompagnaient " (Mc 16, 20).
3. Ceux qui à l’aide de Dieu ont accueilli l’appel du Christ et y ont librement répondu, ont été à leur tour pressés par l’amour du Christ d’annoncer partout dans le monde la Bonne Nouvelle. Ce trésor reçu des apôtres a été gardé fidèlement par leurs successeurs. Tous les fidèles du Christ sont appelés à le transmettre de génération en génération, en annonçant la foi, en la vivant dans le partage fraternel et en la célébrant dans la liturgie et la prière (cf. Ac 2, 42).
4. Très tôt on a appelé catéchèse l’ensemble des efforts entrepris dans l’Église pour faire des disciples, pour aider les hommes à croire que Jésus est le Fils de Dieu afin que, par la foi, ils aient la vie en son nom, pour les éduquer et les instruire dans cette vie et construire ainsi le Corps du Christ (cf. CT 1).
5. " La catéchèse est une éducation de la foi des enfants, des jeunes et des adultes, qui comprend spécialement un enseignement de la doctrine chrétienne, donné en général de façon organique et systématique, en vue d’initier à la plénitude de la vie chrétienne " (CT 18).
6. Sans se confondre avec eux, la catéchèse s’articule sur un certain nombre d’éléments de la mission pastorale de l’Église, qui ont un aspect catéchétique, qui préparent la catéchèse ou qui en découlent : première annonce de l’Évangile ou prédication missionnaire pour susciter la foi ; recherche des raisons de croire ; expérience de vie chrétienne ; célébration des sacrements ; intégration dans la communauté ecclésiale ; témoignage apostolique et missionnaire (cf. CT 18).
7. " La catéchèse est liée intimement à toute la vie de l’Église. Non seulement l’extension géographique et l’augmentation numérique mais aussi, et davantage encore, la croissance intérieure de l’Église, sa correspondance avec le dessein de Dieu, dépendent essentiellement d’elle " (CT 13).
8. Les périodes de renouveau de l’Église sont aussi des temps forts de la catéchèse. Ainsi voit-on à la grande époque des Pères de l’Église de saints évêques y consacrer une part importante de leur ministère. Tels sont S. Cyrille de Jérusalem et S. Jean Chrysostome, S. Ambroise et S. Augustin, et bien d’autres Pères dont les œuvres catéchétiques demeurent des modèles.
9. Le ministère de la catéchèse puise des énergies toujours nouvelles dans les Conciles. Le Concile de Trente constitue à cet égard un exemple à souligner : il a donné à la catéchèse une priorité dans ses constitutions et ses décrets ; il est à l’origine du Catéchisme Romain qui porte aussi son nom et constitue une œuvre de premier ordre comme abrégé de la doctrine chrétienne ; il a suscité dans l’Église une organisation remarquable de la catéchèse ; il a entraîné, grâce à de saints évêques et théologiens tels S. Pierre Canisius, S. Charles Borromée, S. Toribio de Mogrovejo, S. Robert Bellarmin, la publication de nombreux catéchismes.
10. Il n’est pas étonnant, dès lors, que, dans le mouvement à la suite du deuxième Concile du Vatican (considéré par le Pape Paul VI comme le grand catéchisme des temps modernes), la catéchèse de l’Église ait de nouveau attiré l’attention. Le " Directoire général de la Catéchèse " de 1971, les sessions du Synode des évêques consacrées à l’évangélisation (1974) et à la catéchèse (1977), les exhortations apostoliques qui leur correspondent, " Evangelii nuntiandi " (1975) et " Catechesi tradendæ " (1979), en témoignent. La session extraordinaire du Synode des évêques de 1985 demanda " que soit rédigé un catéchisme ou compendium de toute la doctrine catholique tant sur la foi que sur la morale " (rapport final II B a 4). Le Saint-Père, Jean Paul II, a fait sien ce vœu émis par le Synode des évêques en reconnaissant que " ce désir répond tout à fait à un vrai besoin de l’Église universelle et des Églises particulières " (Discours 7 décembre 1985). Il mit tout en œuvre pour la réalisation de ce vœu des pères du Synode.
11. III. Le but et les destinataires de ce Catéchisme
Ce Catéchisme a pour but de présenter un exposé organique et synthétique des contenus essentiels et fondamentaux de la doctrine catholique tant sur la foi que sur la morale, à la lumière du Concile Vatican II et de l’ensemble de la Tradition de l’Église. Ses sources principales sont l’Écriture Sainte, les saints Pères, la liturgie et le Magistère de l’Église. Il est destiné à servir " comme un point de référence pour les catéchismes ou compendia qui sont composés dans les divers pays " (Synode des Évêques 1985, rapport final II B a 4).
12. Ce Catéchisme est destiné principalement aux responsables de la catéchèse : en premier lieu aux évêques, en tant que docteurs de la foi et pasteurs de l’Église. Il leur est offert comme instrument dans l’accomplissement de leur charge d’enseigner le Peuple de Dieu. A travers les évêques, il s’adresse aux rédacteurs de catéchismes, aux prêtres et aux catéchistes. Il sera aussi d’utile lecture pour tous les autres fidèles chrétiens.
13. IV. La structure de ce Catéchisme
Le plan de ce Catéchisme s’inspire de la grande tradition des catéchismes qui articulent la catéchèse autour de quatre " piliers " : la profession de la foi baptismale (le Symbole), les sacrements de la foi, la vie de la foi (les Commandements), la prière du croyant (le Notre Père).
14. Première partie : La profession de la foi
Ceux qui par la foi et le Baptême appartiennent au Christ doivent confesser leur foi baptismale devant les hommes (cf. Mt 10, 32 ; Rm 10, 9). Pour cela, le Catéchisme expose d’abord en quoi consiste la Révélation par laquelle Dieu s’adresse et se donne à l’homme, et la foi, par laquelle l’homme répond à Dieu (première section). Le symbole de la foi résume les dons que Dieu fait à l’homme comme Auteur de tout bien, comme Rédempteur, comme Sanctificateur et les articule autour des " trois chapitres " de notre Baptême – la foi en un seul Dieu : le Père Tout-puissant, le Créateur ; et Jésus-Christ, son Fils, notre Seigneur et Sauveur ; et l’Esprit Saint, dans la Sainte Église (deuxième section).
15. Deuxième partie : Les sacrements de la foi
La deuxième partie du Catéchisme expose comment le salut de Dieu, réalisé une fois pour toutes par le Christ Jésus et par l’Esprit Saint, est rendu présent dans les actions sacrées de la liturgie de l’Église (première section), particulièrement dans les sept sacrements (deuxième section).
16. Troisième partie : La vie de la foi
La troisième partie du Catéchisme présente la fin ultime de l’homme, créé à l’image de Dieu : la béatitude, et les chemins pour y parvenir : par un agir droit et libre, avec l’aide de la loi et de la grâce de Dieu (première section) ; par un agir qui réalise le double commandement de la charité, déployé dans les dix Commandements de Dieu (deuxième section).
17. Quatrième partie : La prière dans la vie de la foi
La dernière partie du Catéchisme traite du sens et de l’importance de la prière dans la vie des croyants (première section). Elle s’achève sur un bref commentaire des sept demandes de la prière du Seigneur (deuxième section). En elles, en effet, nous trouvons la somme des biens que nous devons espérer et que notre Père céleste veut nous accorder.
18. V. Indications pratiques pour l’usage de ce Catéchisme
Ce Catéchisme est conçu comme un exposé organique de toute la foi catholique. Il faut donc le lire comme une unité. De nombreux renvois en marge du texte (numéros en italique se référant à d’autres paragraphes traitant du même sujet) et l’index thématique à la fin du volume permettent de voir chaque thème dans son lien avec l’ensemble de la foi.
19. Souvent, les textes de l’Écriture Sainte ne sont pas cités littéralement mais avec la seule indication de leur référence (par " cf. ") en note. Pour une intelligence approfondie de tels passages il convient de se reporter aux textes eux-mêmes. Ces références bibliques sont un instrument de travail pour la catéchèse.
20. L’emploi des petits caractères pour certains passages indique qu’il s’agit de remarques de type historique, apologétique ou d’exposés doctrinaux complémentaires.
21. Les citations, en petits caractères, de sources patristiques, liturgiques, magistérielles ou hagiographiques sont destinées à enrichir l’exposé doctrinal. Souvent ces textes ont été choisis en vue d’un usage directement catéchétique.
22. A la fin de chaque unité thématique, une série de textes brefs résument en des formules ramassées l’essentiel de l’enseignement. Ces " En bref " ont pour but de donner des suggestions à la catéchèse locale pour des formules synthétiques et mémorisables.
23. VI. Les adaptations nécessaires
L’accent de ce Catéchisme porte sur l’exposé doctrinal. En effet, il veut aider à approfondir la connaissance de la foi. Par là même il est orienté vers la maturation de cette foi, son enracinement dans la vie et son rayonnement dans le témoignage (cf. CT 20-22 ; 25).
24. Par sa finalité même, ce Catéchisme ne se propose pas de réaliser les adaptations de l’exposé et des méthodes catéchétiques exigées par les différences de cultures, d’âges, de maturité spirituelle, de situations sociales et ecclésiales de ceux à qui s’adresse la catéchèse. Ces adaptations indispensables relèvent des catéchismes appropriés, et plus encore de ceux qui instruisent les fidèles :
Celui qui enseigne doit " se faire tout à tous " (1 Co 9, 22), pour gagner tout le monde à Jésus-Christ. (...) Surtout qu’il ne s’imagine pas qu’une seule sorte d’âmes lui soit confiée, et que par conséquent il lui est loisible d’enseigner et de former également tous les fidèles à la vraie piété, avec une seule et même méthode et toujours la même ! Qu’il sache bien que les uns sont en Jésus-Christ comme des enfants nouvellement nés, d’autres comme des adolescents, quelques-uns enfin, comme en possession de toutes leurs forces. (...) Ceux qui sont appelés au ministère de la prédication doivent, en transmettant l’enseignement des mystères, de la foi et des règles des mœurs, proportionner leurs paroles à l’esprit et à l’intelligence de leurs auditeurs (Catech. R. préface 11).
25. Pour conclure cette présentation, il est opportun de rappeler ce principe pastoral qu’énonce le Catéchisme Romain :
Toute la finalité de la doctrine et de l’enseignement doit être placée dans l’amour qui ne finit pas. Car on peut bien exposer ce qu’il faut croire, espérer ou faire ; mais surtout on doit toujours faire apparaître l’Amour de Notre Seigneur afin que chacun comprenne que tout acte de vertu parfaitement chrétien n’a pas d’autre origine que l’Amour et pas d’autre terme que l’Amour (Catech. R. préface 10).
27. Chapitre premier : L’homme est " capable " de Dieu
Le désir de Dieu est inscrit dans le cœur de l’homme, car l’homme est créé par Dieu et pour Dieu ; Dieu ne cesse d’attirer l’homme vers Lui, et ce n’est qu’en Dieu que l’homme trouvera la vérité et le bonheur qu’il ne cesse de chercher :
L’aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à communier avec Dieu. Cette invitation que Dieu adresse à l’homme de dialoguer avec Lui commence avec l’existence humaine. Car si l’homme existe, c’est que Dieu l’a créé par Amour et, par Amour, ne cesse de lui donner l’être ; et l’homme ne vit pleinement selon la vérité que s’il reconnaît librement cet Amour et s’abandonne à son Créateur (GS 19, § 1).
28. De multiples manières, dans leur histoire, et jusqu’à aujourd’hui, les hommes ont donné expression à leur quête de Dieu par leur croyances et leurs comportements religieux (prières, sacrifices, cultes, méditations, etc.). Malgré les ambiguïtés qu’elles peuvent comporter, ces formes d’expression sont si universelles que l’on peut appeler l’homme un être religieux :
Dieu a fait habiter sur toute la face de la terre tout le genre humain, issu d’un seul ; il a fixé aux peuples les temps qui leur étaient départis et les limites de leur habitat, afin que les hommes cherchent la divinité pour l’atteindre, si possible, comme à tâtons, et la trouver ; aussi bien n’est-elle pas loin de chacun de nous. C’est en elle en effet que nous avons la vie, le mouvement et l’être (Ac 17, 26-28).
29. Mais ce " rapport intime et vital qui unit l’homme à Dieu " (GS 19, § 1) peut être oublié, méconnu et même rejeté explicitement par l’homme. De telles attitudes peuvent avoir des origines très diverses (cf. GS 19-21) : la révolte contre le mal dans le monde, l’ignorance ou l’indifférence religieuses, les soucis du monde et des richesses (cf. Mt 13, 22), le mauvais exemple des croyants, les courants de pensée hostiles à la religion, et finalement cette attitude de l’homme pécheur qui, de peur, se cache devant Dieu (cf. Gn 3, 8-10) et fuit devant son appel (cf. Jon 1, 3).
30. " Joie pour les cœurs qui cherchent Dieu " (Ps 105, 3). Si l’homme peut oublier ou refuser Dieu, Dieu, Lui, ne cesse d’appeler tout homme à Le chercher pour qu’il vive et trouve le bonheur. Mais cette quête exige de l’homme tout l’effort de son intelligence, la rectitude de sa volonté, " un cœur droit ", et aussi le témoignage des autres qui lui apprennent à chercher Dieu.
Tu es grand, Seigneur, et louable hautement : grand est ton pouvoir et ta sagesse n’a point de mesure. Et l’homme, petite partie de ta création, prétend Te louer, précisément l’homme qui, revêtu de sa condition mortelle, porte en lui le témoignage de son péché et le témoignage que Tu résistes aux superbes. Malgré tout, l’homme, petite partie de ta création, veut Te louer. Toi-même Tu l’y incites, en faisant qu’il trouve ses délices dans ta louange, parce que Tu nous a fait pour Toi et notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose en Toi (S. Augustin, conf. 1, 1, 1).
31. II. Les voies d’accès à la connaissance de Dieu
Créé à l’image de Dieu, appelé à connaître et à aimer Dieu, l’homme qui cherche Dieu découvre certaines " voies " pour accéder à la connaissance de Dieu. On les appelle aussi " preuves de l’existence de Dieu ", non pas dans le sens des preuves que cherchent les sciences naturelles, mais dans le sens d’" arguments convergents et convaincants " qui permettent d’atteindre à de vraies certitudes.
Ces " voies " pour approcher Dieu ont pour point de départ la création : le monde matériel et la personne humaine.
32. Le monde : A partir du mouvement et du devenir, de la contingence, de l’ordre et de la beauté du monde, on peut connaître Dieu comme origine et fin de l’univers.
S. Paul affirme au sujet des païens : " Ce qu’on peut connaître de Dieu est pour eux manifeste : Dieu en effet le leur a manifesté. Ce qu’il y a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres, son éternelle puissance et sa divinité " (Rm 1, 19-20 ; cf. Ac 14, 15. 17 ; 17, 27-28 ; Sg 13, 1-9).
Et S. Augustin : " Interroge la beauté de la terre, interroge la beauté de la mer, interroge la beauté de l’air qui se dilate et se diffuse, interroge la beauté du ciel (...) interroge toutes ces réalités. Toutes te répondent : Vois, nous sommes belles. Leur beauté est une profession (confessio). Ces beautés sujettes au changement, qui les a faites sinon le Beau (Pulcher), non sujet au changement ? " (Serm. 241, 2 : PL 38, 1134).
33. L’homme : avec son ouverture à la vérité et à la beauté, son sens du bien moral, sa liberté et la voix de sa conscience, son aspiration à l’infini et au bonheur, l’homme s’interroge sur l’existence de Dieu. A travers tout cela il perçoit des signes de son âme spirituelle. " Germe d’éternité qu’il porte en lui-même, irréductible à la seule matière " (GS 18, § 1 ; cf. 14, § 2), son âme ne peut avoir son origine qu’en Dieu seul.
34. Le monde et l’homme attestent qu’ils n’ont en eux-mêmes ni leur principe premier ni leur fin ultime, mais participent à l’Être en soi, sans origine et sans fin. Ainsi, par ces diverses " voies ", l’homme peut accéder à la connaissance de l’existence d’une réalité qui est la cause première et la fin ultime de tout, " et que tous appellent Dieu " (S. Thomas d’A., s. th. 1, 2, 3).
35. Les facultés de l’homme le rendent capable de connaître l’existence d’un Dieu personnel. Mais pour que l’homme puisse entrer dans son intimité, Dieu a voulu se révéler à lui et lui donner la grâce de pouvoir accueillir cette révélation dans la foi. Néanmoins, les preuves de l’existence de Dieu peuvent disposer à la foi et aider à voir que la foi ne s’oppose pas à la raison humaine.
36. III. La connaissance de Dieu selon l’Église
" La Sainte Église, notre mère, tient et enseigne que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine à partir des choses créées " (Cc. Vatican I : DS 3004 ; cf. 3026 ; DV 6). Sans cette capacité, l’homme ne pourrait accueillir la révélation de Dieu. L’homme a cette capacité parce qu’il est créé " à l’image de Dieu " (Gn 1, 27).
50. Chapitre deuxième : Dieu à la rencontre de l’homme
Par la raison naturelle, l’homme peut connaître Dieu avec certitude à partir de ses œuvres. Mais il existe un autre ordre de connaissance que l’homme ne peut nullement atteindre par ses propres forces, celui de la Révélation divine (cf. Cc. Vatican I : DS 3015). Par une décision tout à fait libre, Dieu se révèle et se donne à l’homme. Il le fait en révélant son mystère, son dessein bienveillant qu’Il a formé de toute éternité dans le Christ en faveur de tous les hommes. Il révèle pleinement son dessein en envoyant son Fils bien-aimé, notre Seigneur Jésus-Christ, et l’Esprit Saint.
51. I. Dieu révèle son " dessein bienveillant "
" Il a plu à Dieu dans sa sagesse et sa bonté de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit Saint auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine " (DV 2).
52. Dieu qui " habite une lumière inaccessible " (1 Tm 6, 16) veut communiquer sa propre vie divine aux hommes librement créés par Lui, pour en faire, dans son Fils unique, des fils adoptifs (cf. Ep 1, 4-5). En se révélant Lui-même, Dieu veut rendre les hommes capables de Lui répondre, de Le connaître et de L’aimer bien au-delà de tout ce dont ils seraient capables d’eux-mêmes.
53. Le dessein divin de la Révélation se réalise à la fois " par des actions et par des paroles, intimement liées entre elles et s’éclairant mutuellement " (DV 2). Il comporte une " pédagogie divine " particulière : Dieu se communique graduellement à l’homme, Il le prépare par étapes à accueillir la Révélation surnaturelle qu’Il fait de lui-même et qui va culminer dans la Personne et la mission du Verbe incarné, Jésus-Christ.
S. Irénée de Lyon parle à maintes reprises de cette pédagogie divine sous l’image de l’accoutumance mutuelle entre Dieu et l’homme : " Le Verbe de Dieu a habité dans l’homme et s’est fait Fils de l’homme pour accoutumer l’homme à saisir Dieu et accoutumer Dieu à habiter dans l’homme, selon le bon plaisir du Père " (Hær. 3, 20, 2 ; cf. par exemple 3, 17, 1 ; 4, 12, 4 ; 4, 21, 3).
105. II. Inspiration et vérité de la Sainte Écriture
Dieu est l’Auteur de l’Écriture Sainte. " La vérité divinement révélée, que contiennent et présentent les livres de la Sainte Écriture, y a été consignée sous l’inspiration de l’Esprit Saint ".
" Notre Sainte Mère l’Église, de par sa foi apostolique, juge sacrés et canoniques tous les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, puisque, rédigés sous l’inspiration de l’Esprit Saint ils ont Dieu pour auteur et qu’ils ont été transmis comme tels à l’Église elle-même " (DV 11).
106. Dieu a inspiré les auteurs humains des livres sacrés. " En vue de composer ces livres sacrés, Dieu a choisi des hommes auxquels il eut recours dans le plein usage de leurs facultés et de leurs moyens, pour que, lui-même agissant en eux et par eux, ils missent par écrit, en vrais auteurs, tout ce qui était conforme à son désir, et cela seulement " (DV 11).
107. Les livres inspirés enseignent la vérité. " Dès lors, puisque toutes les assertions des auteurs inspirés ou hagiographes doivent être tenues pour assertions de l’Esprit Saint, il faut déclarer que les livres de l’Écriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu a voulu voir consignée pour notre salut dans les Lettres sacrées " (DV 11).
108. Cependant, la foi chrétienne n’est pas une " religion du Livre ". Le christianisme est la religion de la " Parole " de Dieu, " non d’un verbe écrit et muet, mais du Verbe incarné et vivant " (S. Bernard, hom. miss. 4, 11 : Opera, ed. J. Leclercq-H. Rochais, v. 4 [Romae 1966] p. 57). Pour qu’elles ne restent pas lettre morte, il faut que le Christ, Parole éternelle du Dieu vivant, par l’Esprit Saint nous " ouvre l’esprit à l’intelligence des Écritures " (Lc 24, 45).
142. Par sa révélation, " provenant de l’immensité de sa charité, Dieu, qui est invisible s’adresse aux hommes comme à ses amis et converse avec eux pour les inviter à entrer en communion avec lui et les recevoir en cette communion " (DV 2). La réponse adéquate à cette invitation est la foi.
143. Par la foi l’homme soumet complètement son intelligence et sa volonté à Dieu. De tout son être l’homme donne son assentiment à Dieu révélateur (cf. DV 5). L’Écriture Sainte appelle " obéissance de la foi " cette réponse de l’homme au Dieu qui révèle (cf. Rm 1, 5 ; 16, 26).
144. Obéir (ob-audire) dans la foi, c’est se soumettre librement à la parole écoutée, parce que sa vérité est garantie par Dieu, la Vérité même. De cette obéissance, Abraham est le modèle que nous propose l’Écriture Sainte. La Vierge Marie en est la réalisation la plus parfaite.
145. Abraham – " le père de tous les croyants "
L’Épître aux Hébreux, dans le grand éloge de la foi des ancêtres, insiste particulièrement sur la foi d’Abraham : " Par la foi, Abraham obéit à l’appel de partir vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait " (He 11, 8 ; cf. Gn 12, 1-4). Par la foi, il a vécu en étranger et en pèlerin dans la Terre promise (cf. Gn 23, 4). Par la foi, Sara reçut de concevoir le fils de la promesse. Par la foi enfin, Abraham offrit son fils unique en sacrifice (cf. He 11, 17).
146. Abraham réalise ainsi la définition de la foi donnée par l’épître aux Hébreux : " La foi est la garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas " (He 11, 1). " Abraham eut foi en Dieu, et ce lui fut compté comme justice " (Rm 4, 3 ; cf. Gn 15, 6). Grâce à cette " foi puissante " (Rm 4, 20), Abraham est devenu " le père de tous ceux qui croiraient " (Rm 4, 11. 18 ; cf. Gn 15, 5).
147. De cette foi, l’Ancien Testament est riche en témoignages. L’Épître aux Hébreux proclame l’éloge de la foi exemplaire des anciens " qui leur a valu un bon témoignage " (He 11, 2. 39). Pourtant, " Dieu prévoyait pour nous un sort meilleur " : la grâce de croire en son Fils Jésus, " le chef de notre foi, qui la mène à la perfection " (He 11, 40 ; 12, 2).
148. Marie – " Bienheureuse celle qui a cru "
La Vierge Marie réalise de la façon la plus parfaite l’obéissance de la foi. Dans la foi, Marie accueillit l’annonce et la promesse apportées par l’ange Gabriel, croyant que " rien n’est impossible à Dieu " (Lc 1, 37 ; cf. Gn 18, 14), et donnant son assentiment : " Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole " (Lc 1, 38). Élisabeth la salua : " Bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur " (Lc 1, 45). C’est pour cette foi que toutes les générations la proclameront bienheureuse (cf. Lc 1, 48).
149. Pendant toute sa vie, et jusqu’à sa dernière épreuve (cf. Lc 2, 35), lorsque Jésus, son fils, mourut sur la croix, sa foi n’a pas vacillé. Marie n’a pas cessé de croire " en l’accomplissement " de la parole de Dieu. Aussi bien, l’Église vénère-t-elle en Marie la réalisation la plus pure de la foi.
150. II. " Je sais en qui j’ai mis ma foi " (2 Tm 1, 12)
La foi est d’abord une adhésion personnelle de l’homme à Dieu ; elle est en même temps, et inséparablement, l’assentiment libre à toute la vérité que Dieu a révélé. En tant qu’adhésion personnelle à Dieu et assentiment à la vérité qu’il a révélé, la foi chrétienne diffère de la foi en une personne humaine. Il est juste et bon de se confier totalement en Dieu et de croire absolument ce qu’Il dit. Il serait vain et faux de mettre une telle foi en une créature (cf. Jr 17, 5-6 ; Ps 40, 5 ; 146, 3-4).
Croire en Jésus-Christ, le Fils de Dieu
151. Pour le chrétien, croire en Dieu, c’est inséparablement croire en Celui qu’Il a envoyé, " son Fils bien-aimé " en qui Il a mis toute sa complaisance (cf. Mc 1, 11) ; Dieu nous a dit de L’écouter (cf. Mc 9, 7). Le Seigneur Lui-même dit à ses disciples : " Croyez en Dieu, croyez aussi en moi " (Jn 14, 1). Nous pouvons croire en Jésus-Christ parce qu’Il est Lui-même Dieu, le Verbe fait chair : " Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, Lui, L’a fait connaître " (Jn 1, 18). Parce qu’il " a vu le Père " (Jn 6, 46), Il est seul à Le connaître et à pouvoir Le révéler (cf. Mt 11, 27).
152. On ne peut pas croire en Jésus-Christ sans avoir part à son Esprit. C’est l’Esprit Saint qui révèle aux hommes qui est Jésus. Car " nul ne peut dire : ‘Jésus est Seigneur’, que sous l’action de l’Esprit Saint " (1 Co 12, 3). " L’Esprit sonde tout, jusqu’aux profondeurs de Dieu (...) Nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu " (1 Co 2, 10-11). Dieu seul connaît Dieu tout entier. Nous croyons en l’Esprit Saint parce qu’il est Dieu.
L’Église ne cesse de confesser sa foi en un seul Dieu, Père, Fils et Esprit Saint.
153. III. Les caractéristiques de la foi
Lorsque S. Pierre confesse que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, Jésus lui déclare que cette révélation ne lui est pas venue " de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux " (Mt 16, 17 ; cf. Ga 1, 15 ; Mt 11, 25). La foi est un don de Dieu, une vertu surnaturelle infuse par Lui. " Pour prêter cette foi, l’homme a besoin de la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que des secours intérieurs du Saint-Esprit. Celui-ci touche le cœur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne ‘à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité’ " (DV 5).
154. Croire n’est possible que par la grâce et les secours intérieurs du Saint-Esprit. Il n’en est pas moins vrai que croire est un acte authentiquement humain. Il n’est contraire ni à la liberté ni à l’intelligence de l’homme de faire confiance à Dieu et d’adhérer aux vérités par lui révélées. Déjà dans les relations humaines il n’est pas contraire à notre propre dignité de croire ce que d’autres personnes nous disent sur elles-mêmes et sur leurs intentions, et de faire confiance à leurs promesses (comme, par exemple, lorsqu’un homme et une femme se marient), pour entrer ainsi en communion mutuelle. Dès lors, il est encore moins contraire à notre dignité de " présenter par la foi la soumission plénière de notre intelligence et de notre volonté au Dieu qui révèle " (Cc. Vatican I : DS 3008) et d’entrer ainsi en communion intime avec Lui.
155. Dans la foi, l’intelligence et la volonté humaines coopèrent avec la grâce divine : " Croire est un acte de l’intelligence adhérant à la vérité divine sous le commandement de la volonté mue par Dieu au moyen de la grâce " (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 2, 9 ; cf. Cc. Vatican I : DS 3010).
156. Le motif de croire n’est pas le fait que les vérités révélées apparaissent comme vraies et intelligibles à la lumière de notre raison naturelle. Nous croyons " à cause de l’autorité de Dieu même qui révèle et qui ne peut ni se tromper ni nous tromper ". " Néanmoins, pour que l’hommage de notre foi fût conforme à la raison, Dieu a voulu que les secours intérieurs du Saint-Esprit soient accompagnés des preuves extérieures de sa Révélation " (ibid., DS 3009). C’est ainsi que les miracles du Christ et des saints (cf. Mc 16, 20 ; He 2, 4), les prophéties, la propagation et la sainteté de l’Église, sa fécondité et sa stabilité " sont des signes certains de la Révélation, adaptés à l’intelligence de tous ", des " motifs de crédibilité " qui montrent que l’assentiment de la foi n’est " nullement un mouvement aveugle de l’esprit " (Cc. Vatican I : DS 3008-3010).
157. La foi est certaine, plus certaine que toute connaissance humaine, parce qu’elle se fonde sur la Parole même de Dieu, qui ne peut pas mentir. Certes, les vérités révélées peuvent paraître obscures à la raison et à l’expérience humaines, mais " la certitude que donne la lumière divine est plus grande que celle que donne la lumière de la raison naturelle " (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 171, 5, obj. 3). " Dix mille difficultés ne font pas un seul doute " (Newman, apol.).
158. " La foi cherche à comprendre " (S. Anselme, prosl. proœm. : PL 153, 225A) : il est inhérent à la foi que le croyant désire mieux connaître Celui en qui il a mis sa foi, et mieux comprendre ce qu’Il a révélé ; une connaissance plus pénétrante appellera à son tour une foi plus grande, de plus en plus embrasée d’amour. La grâce de la foi ouvre " les yeux du cœur " (Ep 1, 18) pour une intelligence vive des contenus de la Révélation, c’est-à-dire de l’ensemble du dessein de Dieu et des mystères de la foi, de leur lien entre eux et avec le Christ, centre du mystère révélé. Or, pour " rendre toujours plus profonde l’intelligence de la Révélation, l’Esprit Saint ne cesse, par ses dons, de rendre la foi plus parfaite " (DV 5). Ainsi, selon l’adage de S. Augustin (serm. 43, 7, 9 : PL 38, 258), " je crois pour comprendre et je comprends pour mieux croire ".
159. Foi et science. " Bien que la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais y avoir de vrai désaccord entre elles. Puisque le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi a fait descendre dans l’esprit humain la lumière de la raison, Dieu ne pourrait se nier lui-même ni le vrai contredire jamais le vrai " (Cc. Vatican I : DS 3017). " C’est pourquoi la recherche méthodique, dans tous les domaines du savoir, si elle est menée d’une manière vraiment scientifique et si elle suit les normes de la morale, ne sera jamais réellement opposée à la foi : les réalités profanes et celles de la foi trouvent leur origine dans le même Dieu. Bien plus, celui qui s’efforce, avec persévérance et humilité, de pénétrer les secrets des choses, celui-là, même s’il n’en a pas conscience, est comme conduit par la main de Dieu, qui soutient tous les êtres et les fait ce qu’ils sont " (GS 36, § 2).
160. Pour être humaine, " la réponse de la foi donnée par l’homme à Dieu doit être volontaire ; en conséquence, personne ne doit être contraint à embrasser la foi malgré soi. Par sa nature même, en effet, l’acte de foi a un caractère volontaire " (DH 10 ; cf. CIC, can. 748, § 2). " Dieu, certes, appelle l’homme à le servir en esprit et vérité ; si cet appel oblige l’homme en conscience, il ne le contraint pas. (...) Cela est apparu au plus haut point dans le Christ Jésus " (DH 11). En effet, le Christ a invité à la foi et à la conversion, il n’y a nullement contraint. " Il a rendu témoignage à la vérité, mais il n’a pas voulu l’imposer par la force à ses contradicteurs. Son royaume (...) s’étend grâce à l’amour par lequel le Christ, élevé sur la croix, attire à lui tous les hommes " (DH 11).
161. Croire en Jésus-Christ et en Celui qui l’a envoyé pour notre salut est nécessaire pour obtenir ce salut (cf. Mc 16, 16 ; Jn 3, 36 ; 6, 40 e.a.). " Parce que ‘sans la foi (...) il est impossible de plaire à Dieu’ (He 11, 6) et d’arriver à partager la condition de ses fils, personne jamais ne se trouve justifié sans elle et personne à moins qu’il n’ait ‘persévéré en elle jusqu’à la fin’ (Mt 10, 22 ; 24, 13), n’obtiendra la vie éternelle " (Cc. Vatican I : DS 3012 ; cf. Cc. Trente : DS 1532).
162. La foi est un don gratuit que Dieu fait à l’homme. Ce don inestimable, nous pouvons le perdre ; S. Paul en avertit Timothée : " Combats le bon combat, possédant foi et bonne conscience ; pour s’en être affranchis, certains ont fait naufrage dans la foi " (1 Tm 1, 18-19). Pour vivre, croître et persévérer jusqu’à la fin dans la foi nous devons la nourrir par la Parole de Dieu ; nous devons implorer le Seigneur de l’augmenter (cf. Mc 9, 24 ; Lc 17, 5 ; 22, 32) ; elle doit " agir par la charité " (Ga 5, 6 ; cf. Jc 2, 14-26), être portée par l’espérance (cf. Rm 15, 13) et être enracinée dans la foi de l’Église.
163. La foi – commencement de la vie éternelle
La foi nous fait goûter comme à l’avance, la joie et la lumière de la vision béatifique, but de notre cheminement ici-bas. Nous verrons alors Dieu " face à face " (1 Co 13, 12), " tel qu’Il est " (1 Jn 3, 2). La foi est donc déjà le commencement de la vie éternelle :
Tandis que dès maintenant nous contemplons les bénédictions de la foi, comme un reflet dans un miroir, c’est comme si nous possédions déjà les choses merveilleuses dont notre foi nous assure qu’un jour nous en jouirons (S. Basile, Spir. 15, 36 : PG 32, 132 ; cf. S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 4, 1).
164. Maintenant, cependant, " nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision " (2 Co 5, 7), et nous connaissons Dieu " comme dans un miroir, d’une manière confuse, (...), imparfaite " (1 Co 13, 12). Lumineuse par Celui en qui elle croit, la foi est vécue souvent dans l’obscurité. La foi peut être mise à l’épreuve. Le monde en lequel nous vivons semble souvent bien loin de ce que la foi nous assure ; les expériences du mal et de la souffrance, des injustices et de la mort paraissent contredire la Bonne Nouvelle, elles peuvent ébranler la foi et devenir pour elle une tentation.
165. C’est alors que nous devons nous tourner vers les témoins de la foi : Abraham, qui crut, " espérant contre toute espérance " (Rm 4, 18) ; la Vierge Marie qui, dans " le pèlerinage de la foi " (LG 58), est allée jusque dans la " nuit de la foi " (Jean-Paul II, RM 18) en communiant à la souffrance de son Fils et à la nuit de son tombeau ; et tant d’autres témoins de la foi : " Enveloppés d’une si grande nuée de témoins, nous devons rejeter tout fardeau et le péché qui nous assiège et courir avec constance l’épreuve qui nous est proposée, fixant nos yeux sur le chef de notre foi, qui la mène à la perfection, Jésus " (He 12, 1-2).
159. Foi et science. " Bien que la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais y avoir de vrai désaccord entre elles. Puisque le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi a fait descendre dans l’esprit humain la lumière de la raison, Dieu ne pourrait se nier lui-même ni le vrai contredire jamais le vrai " (Cc. Vatican I : DS 3017). " C’est pourquoi la recherche méthodique, dans tous les domaines du savoir, si elle est menée d’une manière vraiment scientifique et si elle suit les normes de la morale, ne sera jamais réellement opposée à la foi : les réalités profanes et celles de la foi trouvent leur origine dans le même Dieu. Bien plus, celui qui s’efforce, avec persévérance et humilité, de pénétrer les secrets des choses, celui-là, même s’il n’en a pas conscience, est comme conduit par la main de Dieu, qui soutient tous les êtres et les fait ce qu’ils sont " (GS 36, § 2).
166. La foi est un acte personnel : la réponse libre de l’homme à l’initiative de Dieu qui se révèle. Mais la foi n’est pas un acte isolé. Nul ne peut croire seul, comme nul ne peut vivre seul. Nul ne s’est donné la foi à lui-même comme nul ne s’est donné la vie à lui-même. Le croyant a reçu la foi d’autrui, il doit la transmettre à autrui. Notre amour pour Jésus et pour les hommes nous pousse à parler à autrui de notre foi. Chaque croyant est ainsi comme un maillon dans la grande chaîne des croyants. Je ne peux croire sans être porté par la foi des autres, et par ma foi, je contribue à porter la foi des autres.
167. " Je crois " (Symbole des Apôtres) : c’est la foi de l’Église professée personnellement par chaque croyant, principalement lors du baptême. " Nous croyons " (Symbole de Nicée-Constantinople, dans l’original grec) : c’est la foi de l’Église confessée par les évêques assemblés en Concile ou, plus généralement, par l’assemblée liturgique des croyants. " Je crois " : c’est aussi l’Église, notre Mère, qui répond à Dieu par sa foi et qui nous apprend à dire : " Je crois ", " Nous croyons ".
168. I. " Regarde, Seigneur, la foi de ton Église "
C’est d’abord l’Église qui croit, et qui ainsi porte, nourrit et soutient ma foi. C’est d’abord l’Église qui, partout, confesse le Seigneur (" C’est toi que par tout l’univers la Sainte Église proclame son Seigneur ", chantons-nous dans le " Te Deum "), et avec elle et en elle, nous sommes entraînés et amenés à confesser, nous aussi : " Je crois ", " Nous croyons ". C’est par l’Église que nous recevons la foi et la vie nouvelle dans le Christ par le baptême. Dans le " Rituale Romanum ", le ministre du baptême demande au catéchumène : " Que demandes-tu à l’Église de Dieu ? " Et la réponse : " La foi ". " Que te donne la foi ? " " La vie éternelle " (OICA 75 et 247).
169. Le salut vient de Dieu seul ; mais parce que nous recevons la vie de la foi à travers l’Église, celle-ci est notre mère : " Nous croyons l’Église comme la mère de notre nouvelle naissance, et non pas en l’Église comme si elle était l’auteur de notre salut " (Faustus de Riez, Spir. 1, 2 : CSEL 21, 104). Parce qu’elle est notre mère, elle est aussi l’éducatrice de notre foi.
200. I. " Je crois en un seul Dieu "
C’est avec ces paroles que commence le Symbole de Nicée-Constantinople. La confession de l’Unicité de Dieu, qui a sa racine dans la Révélation Divine dans l’Ancienne Alliance, est inséparable de celle de l’existence de Dieu et tout aussi fondamentale. Dieu est Unique : il n’y a qu’un seul Dieu : " La foi chrétienne confesse qu’il y a un seul Dieu, par nature, par substance et par essence " (Catech. R. 1, 2, 8).
201. A Israël, son élu, Dieu S’est révélé comme l’Unique : " Écoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur Un. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force " (Dt 6, 4-5). Par les prophètes, Dieu appelle Israël et toutes les nations à se tourner vers Lui, l’Unique : " Tournez-vous vers Moi et vous serez sauvés, tous les confins de la terre, car Je suis Dieu, il n’y en a pas d’autre (...). Oui, devant Moi tout genou fléchira, par Moi jurera toute langue en disant : en Dieu seul sont la justice et la force " (Is 45, 22-24 ; cf. Ph 2, 10-11).
202. Jésus Lui-même confirme que Dieu est " l’unique Seigneur " et qu’il faut L’aimer " de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit et de toutes ses forces " (cf. Mc 12, 29-30). Il laisse en même temps entendre qu’Il est Lui-même " le Seigneur " (cf. Mc 12, 35-37). Confesser que " Jésus est Seigneur " est le propre de la foi chrétienne. Cela n’est pas contraire à la foi en Dieu l’Unique. Croire en l’Esprit Saint " qui est Seigneur et qui donne la Vie " n’introduit aucune division dans le Dieu unique :
Nous croyons fermement et nous affirmons simplement, qu’il y a un seul vrai Dieu, immense et immuable, incompréhensible, Tout-Puissant et ineffable, Père et Fils et Saint Esprit : Trois Personnes, mais une Essence, une Substance ou Nature absolument simple (Cc. Latran IV : DS 800).
203. A son peuple Israël Dieu s’est révélé en lui faisant connaître son nom. Le nom exprime l’essence, l’identité de la personne et le sens de sa vie. Dieu a un nom. Il n’est pas une force anonyme. Livrer son nom, c’est se faire connaître aux autres ; c’est en quelque sorte se livrer soi-même en se rendant accessible, capable d’être connu plus intimement et d’être appelé, personnellement.
204. Dieu s’est révélé progressivement et sous divers noms à son peuple, mais c’est la révélation du nom divin faite à Moïse dans la théophanie du buisson ardent, au seuil de l’Exode et de l’alliance du Sinaï qui s’est avérée être la révélation fondamentale pour l’Ancienne et la Nouvelle Alliance.
205. Dieu appelle Moïse du milieu d’un buisson qui brûle sans se consumer. Dieu dit à Moïse : " Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob " (Ex 3, 6). Dieu est le Dieu des pères, Celui qui avait appelé et guidé les patriarches dans leurs pérégrinations. Il est le Dieu fidèle et compatissant qui se souvient d’eux et de Ses promesses ; Il vient pour libérer leurs descendants de l’esclavage. Il est le Dieu qui par delà l’espace et le temps le peut et le veux et qui mettra Sa Toute Puissance en œuvre pour ce dessein.
Moïse dit à Dieu : " Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis : ‘Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous’. Mais s’ils me disent : ‘quel est son nom ?’, que leur dirai-je ? " Dieu dit à Moïse : " Je Suis Celui qui Suis ". Et il dit : " Voici ce que tu diras aux Israélites : ‘Je suis’ m’a envoyé vers vous. (...) C’est mon nom pour toujours, c’est ainsi que l’on m’invoquera de génération en génération " (Ex 3, 13-15).
212. Au cours des siècles, la foi d’Israël a pu déployer et approfondir les richesses contenues dans la révélation du nom divin. Dieu est unique, hormis Lui pas de dieux (cf. Is 44, 6). Il transcende le monde et l’histoire. C’est Lui qui a fait le ciel et la terre : " Eux périssent, Toi tu restes ; tous, comme un vêtement ils s’usent (...) mais Toi, le même, sans fin sont tes années " (Ps 102, 27-28). En Lui " n’existe aucun changement, ni l’ombre d’une variation " (Jc 1, 17). Il est " Celui qui est ", depuis toujours et pour toujours, et c’est ainsi qu’Il demeure toujours fidèle à Lui-même et à ses promesses.
213. La révélation du nom ineffable " Je suis celui qui suis " contient donc la vérité que Dieu seul EST. C’est en ce sens que déjà la traduction des Septante et à sa suite la Tradition de l’Église, ont compris le nom divin : Dieu est la plénitude de l’Être et de toute perfection, sans origine et sans fin. Alors que toutes les créatures ont reçu de Lui tout leur être et leur avoir, Lui seul est son être même et Il est de Lui-même tout ce qu’Il est.
206. En révélant Son nom mystérieux de YHWH, " Je Suis Celui qui Est " ou " Je Suis Celui qui Suis " ou aussi " Je Suis qui Je Suis ", Dieu dit Qui Il est et de quel nom on doit L’appeler. Ce nom Divin est mystérieux comme Dieu est mystère. Il est tout à la fois un nom révélé et comme le refus d’un nom, et c’est par là même qu’il exprime le mieux Dieu comme ce qu’Il est, infiniment au-dessus de tout ce que nous pouvons comprendre ou dire : Il est le " Dieu caché " (Is 45, 15), son nom est ineffable (cf. Jg 13, 18), et Il est le Dieu qui Se fait proche des hommes :
207. En révélant son nom, Dieu révèle en même temps sa fidélité qui est de toujours et pour toujours, valable pour le passé (" Je suis le Dieu de tes pères ", Ex 3, 6), comme pour l’avenir : (" Je serai avec toi ", Ex 3,12). Dieu qui révèle son nom comme " Je suis " se révèle comme le Dieu qui est toujours là, présent auprès de son peuple pour le sauver.
208. Devant la présence attirante et mystérieuse de Dieu, l’homme découvre sa petitesse. Devant le buisson ardent, Moïse ôte ses sandales et se voile le visage (cf. Ex 3, 5-6) face à la Sainteté Divine. Devant la gloire du Dieu trois fois saint, Isaïe s’écrie : " Malheur à moi, je suis perdu ! Car je suis un homme aux lèvres impures " (Is 6, 5). Devant les signes divins que Jésus accomplit, Pierre s’écrie : " Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheur " (Lc 5, 8). Mais parce que Dieu est saint, Il peut pardonner à l’homme qui se découvre pécheur devant lui : " Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère (...) car je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi je suis le Saint " (Os 10, 9). L’apôtre Jean dira de même : " Devant Lui nous apaiseront notre cœur, si notre cœur venait à nous condamner, car Dieu est plus grand que notre cœur, et Il connaît tout " (1 Jn 3, 19-20).
209. Par respect pour sa sainteté, le peuple d’Israël ne prononce pas le nom de Dieu. Dans la lecture de l’Écriture Sainte le nom révélé est remplacé par le titre divin " Seigneur " (Adonaï, en grec Kyrios). C’est sous ce titre que sera acclamée la Divinité de Jésus : " Jésus est Seigneur ".
210. " Dieu de tendresse et de pitié "
Après le péché d’Israël, qui s’est détourné de Dieu pour adorer le veau d’or (cf. Ex 32), Dieu écoute l’intercession de Moïse et accepte de marcher au milieu d’un peuple infidèle, manifestant ainsi son amour (cf. Ex 33, 12-17). A Moïse qui demande de voir Sa gloire, Dieu répond : " Je ferai passer devant toi toute ma bonté [beauté] et je prononcerai devant toi le nom de YHWH " (Ex 33, 18-19). Et le Seigneur passe devant Moïse et proclame : " YHWH, YHWH, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité " (Ex 34, 5-6). Moïse confesse alors que le Seigneur est un Dieu qui pardonne (cf. Ex 34, 9).
211. Le nom divin " Je suis " ou " Il est " exprime la fidélité de Dieu qui, malgré l’infidélité du péché des hommes et du châtiment qu’il mérite, " garde sa grâce à des milliers " (Ex 34, 7). Dieu révèle qu’Il est " riche en miséricorde " (Ep 2, 4) en allant jusqu’à donner son propre Fils. En donnant sa vie pour nous libérer du péché, Jésus révélera qu’Il porte Lui-même le nom divin : " quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que ‘Je suis’ " (Jn 8, 28).
212. Au cours des siècles, la foi d’Israël a pu déployer et approfondir les richesses contenues dans la révélation du nom divin. Dieu est unique, hormis Lui pas de dieux (cf. Is 44, 6). Il transcende le monde et l’histoire. C’est Lui qui a fait le ciel et la terre : " Eux périssent, Toi tu restes ; tous, comme un vêtement ils s’usent (...) mais Toi, le même, sans fin sont tes années " (Ps 102, 27-28). En Lui " n’existe aucun changement, ni l’ombre d’une variation " (Jc 1, 17). Il est " Celui qui est ", depuis toujours et pour toujours, et c’est ainsi qu’Il demeure toujours fidèle à Lui-même et à ses promesses.
213. La révélation du nom ineffable " Je suis celui qui suis " contient donc la vérité que Dieu seul EST. C’est en ce sens que déjà la traduction des Septante et à sa suite la Tradition de l’Église, ont compris le nom divin : Dieu est la plénitude de l’Être et de toute perfection, sans origine et sans fin. Alors que toutes les créatures ont reçu de Lui tout leur être et leur avoir, Lui seul est son être même et Il est de Lui-même tout ce qu’Il est.
214. III. Dieu , " Celui qui est ", est Vérité et Amour
Dieu, " Celui qui est ", s’est révélé à Israël comme Celui qui est " riche en grâce et en fidélité " (Ex 34, 6). Ces deux termes expriment de façon condensée les richesses du nom divin. Dans toutes ses œuvres Dieu montre sa bienveillance, sa bonté, sa grâce, son amour ; mais aussi sa fiabilité, sa constance, sa fidélité, sa vérité. " Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité " (Ps 138, 2 ; cf. Ps 85, 11). Il est la Vérité, car " Dieu est Lumière, en Lui point de ténèbres " (1 Jn 1, 5) ; Il est " Amour ", comme l’apôtre Jean l’enseigne (1 Jn 4, 8).
215. " Vérité, le principe de ta parole ! Pour l’éternité, tes justes jugements " (Ps 119, 160). " Oui, Seigneur Dieu, c’est Toi qui es Dieu, tes paroles sont vérité " (2 S 7, 28) ; c’est pourquoi les promesses de Dieu se réalisent toujours (cf. Dt 7, 9). Dieu est la Vérité même, ses paroles ne peuvent tromper. C’est pourquoi on peut se livrer en toute confiance à la vérité et à la fidélité de sa parole en toutes choses. Le commencement du péché et de la chute de l’homme fut un mensonge du tentateur qui induit à douter de la parole de Dieu, de sa bienveillance et de sa fidélité.
216. La vérité de Dieu est sa sagesse qui commande tout l’ordre de la création et du gouvernement du monde (cf. Sg 13, 1-9). Dieu qui, seul, a créé le ciel et la terre (cf. Ps 115, 15), peut seul donner la connaissance véritable de toute chose créée dans sa relation à Lui (cf. Sg 7, 17-21).
217. Dieu est vrai aussi quand Il se révèle : l’enseignement qui vient de Dieu est " une doctrine de vérité " (Ml 2, 6). Quand Il enverra son Fils dans le monde ce sera " pour rendre témoignage à la Vérité " (Jn 18, 37) : " Nous savons que le Fils de Dieu est venu et qu’Il nous a donné l’intelligence afin que nous connaissions le Véritable " (1 Jn 5, 20 ; cf. Jn 17, 3).
218. Au cours de son histoire, Israël a pu découvrir que Dieu n’avait qu’une raison de s’être révélé à lui et de l’avoir choisi parmi tous les peuples pour être à lui : son amour gratuit (cf. Dt 4, 37 ; 7, 8 ; 10, 15). Et Israël de comprendre, grâce à ses prophètes, que c’est encore par amour que Dieu n’a cessé de le sauver (cf. Is 43, 1-7) et de lui pardonner son infidélité et ses péchés (cf. Os 2).
219. L’amour de Dieu pour Israël est comparé à l’amour d’un père pour son fils (Os 11, 1). Cet amour est plus fort que l’amour d’une mère pour ses enfants (cf. Is 49, 14-15). Dieu aime son Peuple plus qu’un époux sa bien-aimée (cf. Is 62, 4-5) ; cet amour sera vainqueur même des pires infidélités (cf. Ez 16 ; Os 11) ; il ira jusqu’au don le plus précieux : " Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique " (Jn 3, 16).
220. L’amour de Dieu est " éternel " (Is 54, 8) : " Car les montagnes peuvent s’en aller et les collines s’ébranler, mais mon amour pour toi ne s’en ira pas " (Is 54, 10). " D’un amour éternel, je t’ai aimé ; c’est pourquoi je t’ai conservé ma faveur " (Jr 31, 3).
221. S. Jean va encore plus loin lorsqu’il atteste : " Dieu est Amour " (1 Jn 4, 8. 16) : l’Être même de Dieu est Amour. En envoyant dans la plénitude des temps son Fils unique et l’Esprit d’Amour, Dieu révèle son secret le plus intime (cf. 1 Co 2, 7-16 ; Ep 3, 9-12) : Il est Lui-même éternellement échange d’amour : Père, Fils et Esprit Saint, et Il nous a destinés à y avoir part.
240. Jésus a révélé que Dieu est " Père " dans un sens inouï : Il ne l’est pas seulement en tant que Créateur, Il est éternellement Père en relation à son Fils unique, qui éternellement n’est Fils qu’en relation au Père : " Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, comme nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut bien Le révéler " (Mt 11, 27).
241. C’est pourquoi les apôtres confessent Jésus comme " le Verbe qui était au commencement auprès de Dieu et qui est Dieu " (Jn 1, 1), comme " l’image du Dieu invisible " (Col 1, 15), comme " le resplendissement de sa gloire et l’effigie de sa substance " (He 1, 3).
242. A leur suite, suivant la tradition apostolique, l’Église a confessé en 325 au premier Concile œcuménique de Nicée que le Fils est " consubstantiel " au Père, c’est-à-dire un seul Dieu avec lui. Le deuxième Concile œcuménique, réuni à Constantinople en 381, a gardé cette expression dans sa formulation du Credo de Nicée et a confessé " le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu du vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père " (DS 150).
243. Le Père et le Fils révélés par l’Esprit
Avant sa Pâque, Jésus annonce l’envoi d’un " autre Paraclet " (Défenseur), l’Esprit Saint. A l’œuvre depuis la création (cf. Gn 1, 2), ayant jadis " parlé par les prophètes " (Symbole de Nicée-Constantinople), il sera maintenant auprès des disciples et en eux (cf. Jn 14, 17), pour les enseigner (cf. Jn 14, 26) et les conduire " vers la vérité tout entière " (Jn 16, 13). L’Esprit Saint est ainsi révélé comme une autre personne divine par rapport à Jésus et au Père.
244. L’origine éternelle de l’Esprit se révèle dans sa mission temporelle. L’Esprit Saint est envoyé aux apôtres et à l’Église aussi bien par le Père au nom du Fils, que par le Fils en personne, une fois retourné auprès du Père (cf. Jn 14, 26 ; 15, 26 ; 16, 14). L’envoi de la personne de l’Esprit après la glorification de Jésus (cf. Jn 7, 39) révèle en plénitude le mystère de la Sainte Trinité.
245. La foi apostolique concernant l’Esprit a été confessée par le deuxième Concile œcuménique en 381 à Constantinople : " Nous croyons dans l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père " (DS 150). L’Église reconnaît par là le Père comme " la source et l’origine de toute la divinité " (Cc. Tolède VI en 638 : DS 490). L’origine éternelle de l’Esprit Saint n’est cependant pas sans lien avec celle du Fils : " L’Esprit Saint qui est la Troisième Personne de la Trinité, est Dieu, un et égale au Père et au Fils, de même substance et aussi de même nature. (...) Cependant, on ne dit pas qu’il est seulement l’Esprit du Père, mais à la fois l’Esprit du Père et du Fils " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 527). Le Credo du Concile de Constantinople de l’Église confesse : " Avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire " (DS 150).
246. La tradition latine du Credo confesse que l’Esprit " procède du Père et du Fils (filioque) ". Le Concile de Florence, en 1438, explicite : " Le Saint Esprit tient son essence et son être à la fois du Père et du Fils et Il procède éternellement de l’Un comme de l’Autre comme d’un seul Principe et par une seule spiration... Et parce que tout ce qui est au Père, le Père Lui-même l’a donné à Son Fils unique en L’engendrant, à l’exception de son être de Père, cette procession même du Saint Esprit à partir du Fils, Il la tient éternellement de son Père qui L’a engendré éternellement " (DS 1300-1301).
247. L’affirmation du filioque ne figurait pas dans le symbole confessé en 381 à Constantinople. Mais sur la base d’une ancienne tradition latine et alexandrine, le Pape S. Léon l’avait déjà confessée dogmatiquement en 447 (cf. DS 284) avant même que Rome ne connût et ne reçût, en 451, au Concile de Chalcédoine, le symbole de 381. L’usage de cette formule dans le Credo a été peu à peu admis dans la liturgie latine (entre le VIIIe et le XIe siècle). L’introduction du filioque dans le Symbole de Nicée-Constantinople par la liturgie latine constitue cependant, aujourd’hui encore, un différend avec les Églises orthodoxes.
248. La tradition orientale exprime d’abord le caractère d’origine première du Père par rapport à l’Esprit. En confessant l’Esprit comme " issu du Père " (Jn 15, 26), elle affirme que celui-ci est issu du Père par le Fils (cf. AG 2). La tradition occidentale exprime d’abord la communion consubstantielle entre le Père et le Fils en disant que l’Esprit procède du Père et du Fils (filioque). Elle le dit " de manière légitime et raisonnable " (Cc. Florence en 1439 : DS 1302), car l’ordre éternel des personnes divines dans leur communion consubstantielle implique que le Père soit l’origine première de l’Esprit en tant que " principe sans principe " (DS 1331), mais aussi qu’en tant que Père du Fils unique, Il soit avec Lui " l’unique principe d’où procède l’Esprit Saint " (Cc. Lyon II en 1274 : DS 850). Cette légitime complémentarité, si elle n’est pas durcie, n’affecte pas l’identité de la foi dans la réalité du même mystère confessé.
249. III. La Sainte Trinité dans la doctrine de la foi
La formation du dogme trinitaire
La vérité révélée de la Sainte Trinité a été dès les origines à la racine de la foi vivante de l’Église, principalement au moyen du baptême. Elle trouve son expression dans la règle de la foi baptismale, formulée dans la prédication, la catéchèse et la prière de l’Église. De telles formulations se trouvent déjà dans les écrits apostoliques, ainsi cette salutation, reprise dans la liturgie eucharistique : " La grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous " (2 Co 13, 13 ; cf. 1 Co 12, 4-6 ; Ep 4, 4-6).
250. Au cours des premiers siècles, l’Église a cherché de formuler plus explicitement sa foi trinitaire tant pour approfondir sa propre intelligence de la foi que pour la défendre contre des erreurs qui la déformaient. Ce fut l’œuvre des Conciles anciens, aidés par le travail théologique des Pères de l’Église et soutenus par le sens de la foi du peuple chrétien.
251. Pour la formulation du dogme de la Trinité, l’Église a dû développer une terminologie propre à l’aide de notions d’origine philosophique : " substance ", " personne " ou " hypostase ", " relation ", etc. Ce faisant, elle n’a pas soumis la foi à une sagesse humaine mais a donné un sens nouveau, inouï à ces termes appelés à signifier désormais aussi un mystère ineffable, " infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir à la mesure humaine " (SPF 9).
252. L’Église utilise le terme " substance " (rendu aussi parfois par " essence " ou par " nature ") pour désigner l’être divin dans son unité, le terme " personne " ou " hypostase " pour désigner le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans leur distinction réelle entre eux, le terme " relation " pour désigner le fait que leur distinction réside dans la référence des uns aux autres.
253. La Trinité est Une. Nous ne confessons pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois personnes : " la Trinité consubstantielle " (Cc. Constantinople II en 553 : DS 421). Les personnes divines ne se partagent pas l’unique divinité mais chacune d’elles est Dieu tout entier : " Le Père est cela même qu’est le Fils, le Fils cela même qu’est le Père, le Père et le Fils cela même qu’est le Saint-Esprit, c’est-à-dire un seul Dieu par nature " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 530). " Chacune des trois personnes est cette réalité, c’est-à-dire la substance, l’essence ou la nature divine " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 804).
254. Les personnes divines sont réellement distinctes entre elles. " Dieu est unique mais non pas solitaire " (Fides Damasi : DS 71). " Père ", " Fils ", " Esprit Saint " ne sont pas simplement des noms désignant des modalités de l’être divin, car ils sont réellement distincts entre eux : " Celui qui est le Fils n’est pas le Père, et celui qui est le Père n’est pas le Fils, ni le Saint-Esprit n’est celui qui est le Père ou le Fils " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 530). Ils sont distincts entre eux par leurs relations d’origine : " C’est le Père qui engendre, le Fils qui est engendré, le Saint-Esprit qui procède " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 804). L’Unité divine est Trine.
255. Les personnes divines sont relatives les unes aux autres. Parce qu’elle ne divise pas l’unité divine, la distinction réelle des personnes entre elles réside uniquement dans les relations qui les réfèrent les unes aux autres : " Dans les noms relatifs des personnes, le Père est référé au Fils, le Fils au Père, le Saint-Esprit aux deux ; quand on parle de ces trois personnes en considérant les relations, on croit cependant en une seule nature ou substance " (Cc. Tolède XI en 675 : DS 528). En effet, " tout est un [en eux] là où l’on ne rencontre pas l’opposition de relation " (Cc. Florence en 1442 : DS 1330). " A cause de cette unité, le Père est tout entier dans le Fils, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Fils est tout entier dans le Père, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Saint-Esprit tout entier dans le Père, tout entier dans le Fils " (Cc. Florence en 1442 : DS 1331).
256. Aux Catéchumènes de Constantinople, S. Grégoire de Nazianze, que l’on appelle aussi " le Théologien ", confie ce résumé de la foi trinitaire :
Avant toutes choses, gardez-moi ce bon dépôt, pour lequel je vis et je combats, avec lequel je veux mourir, qui me fait supporter tous les maux et mépriser tous les plaisirs : je veux dire la profession de foi en le Père et le Fils et le Saint-Esprit. Je vous la confie aujourd’hui. C’est par elle que je vais tout à l’heure vous plonger dans l’eau et vous en élever. Je vous la donne pour compagne et patronne de toute votre vie. Je vous donne une seule Divinité et Puissance, existant Une dans les Trois, et contenant les Trois d’une manière distincte. Divinité sans disparate de substance ou de nature, sans degré supérieur qui élève ou degré inférieur qui abaisse. (...) C’est de trois infinis l’infinie connaturalité. Dieu tout entier chacun considéré en soi-même (...), Dieu les Trois considérés ensemble (...). Je n’ai pas commencé de penser à l’Unité que la Trinité me baigne dans sa splendeur. Je n’ai pas commencé de penser à la Trinité que l’unité me ressaisit ... (or. 40, 41 : PG 36, 417).
268. De tous les attributs divins, seule la Toute-Puissance de Dieu est nommée dans le Symbole : la confesser est d’une grande portée pour notre vie. Nous croyons qu’elle est universelle, car Dieu qui a tout créé (cf. Gn 1, 1 ; Jn 1, 3), régit tout et peut tout ; aimante, car Dieu est notre Père (cf. Mt 6, 9) ; mystérieuse, car seule la foi peut la discerner lorsqu’ " elle se déploie dans la faiblesse " (2 Co 12, 9 ; cf. 1 Co 1, 18).
269. " Tout ce qu’Il veut, Il le fait " (Ps 115, 3)
Les Saintes Écritures confessent à maintes reprises la puissance universelle de Dieu. Il est appelé " Le Puissant de Jacob " (Gn 49, 24 ; Is 1, 24 e.a.), " le Seigneur des armées ", " le Fort, le Vaillant " (Ps 24, 8-10). Si Dieu est Tout-Puissant " au ciel et sur la terre " (Ps 135, 6), c’est qu’il les a faits. Rien ne lui est donc impossible (cf. Jr 32, 17 ; Lc 1, 37) et il dispose à son gré de son œuvre (cf. Jr 27, 5) ; il est le Seigneur de l’univers dont il a établi l’ordre qui lui demeure entièrement soumis et disponible ; il est le Maître de l’histoire : il gouverne les cœurs et les événements selon son gré (cf. Est 4, 17b ; Pr 21, 1 ; Tb 13, 2) : " Ta grande puissance est toujours à ton service, et qui peut résister à la force de ton bras ? " (Sg 11, 21).
" Tu as pitié de tous, parce que Tu peux tout " (Sg 11, 23)
270. Dieu est le Père Tout-Puissant. Sa paternité et sa puissance s’éclairent mutuellement. En effet, il montre sa Toute-Puissance paternelle par la manière dont Il prend soin de nos besoins (cf. Mt 6, 32) ; par l’adoption filiale qu’il nous donne (" Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur Tout-Puissant " : 2 Co 6, 18) ; enfin par sa miséricorde infinie, puisqu’il montre sa puissance au plus haut point en pardonnant librement les péchés.
271. La Toute-Puissance divine n’est nullement arbitraire : " En Dieu la puissance et l’essence, la volonté et l’intelligence, la sagesse et la justice sont une seule et même chose, de sorte que rien ne peut être dans la puissance divine qui ne puisse être dans la juste volonté de Dieu ou dans sa sage intelligence " (S. Thomas d’A., s. th. 1, 25, 5, ad 1).
272. Le mystère de l’apparente impuissance de Dieu
La foi en Dieu le Père Tout-Puissant peut-être mise à l’épreuve par l’expérience du mal et de la souffrance. Parfois Dieu peut sembler absent et incapable d’empêcher le mal. Or, Dieu le Père a révélé sa Toute-Puissance de la façon la plus mystérieuse dans l’abaissement volontaire et dans la Résurrection de son Fils, par lesquels Il a vaincu le mal. Ainsi, le Christ crucifié est " puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes " (1 Co 1, 24-25). C’est dans la Résurrection et dans l’exaltation du Christ que le Père a " déployé la vigueur de sa force " et manifesté " quelle extraordinaire grandeur revêt sa puissance pour nous les croyants " (Ep 1, 19-22).
273. Seule la foi peut adhérer aux voies mystérieuses de la Toute-Puissance de Dieu. Cette foi se glorifie de ses faiblesses afin d’attirer sur elle la puissance du Christ (cf. 2 Co 12, 9 ; Ph 4, 13). De cette foi, la Vierge Marie est le suprême modèle, elle qui a cru que " rien n’est impossible à Dieu " (Lc 1, 37) et qui a pu magnifier le Seigneur : " Le Puissant fit pour moi des merveilles, saint est son nom " (Lc 1, 49).
274. " Rien n’est donc plus propre à affermir notre Foi et notre Espérance que la conviction profondément gravée dans nos âmes que rien n’est impossible à Dieu. Car tout ce que [le Credo] nous proposera ensuite à croire, les choses les plus grandes, les plus incompréhensibles, aussi bien que les plus élevées au-dessus des lois ordinaires de la nature, dès que notre raison aura seulement l’idée de la Toute-Puissance divine, elle les admettra facilement et sans hésitation aucune " (Catech. R. 1, 2, 13).
279. " Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre " (Gn 1, 1). C’est avec ces paroles solennelles que commence l’Écriture Sainte. Le Symbole de la foi reprend ces paroles en confessant Dieu le Père Tout-puissant comme " le Créateur du ciel et de la terre ", " de l’univers visible et invisible ". Nous parlerons donc d’abord du Créateur, ensuite de sa création, enfin de la chute du péché dont Jésus-Christ, le Fils de Dieu, est venu nous relever.
280. La création est le fondement de " tous les desseins salvifiques de Dieu ", " le commencement de l’histoire du salut " (DCG 51) qui culmine dans le Christ. Inversement, le mystère du Christ est la lumière décisive sur le mystère de la création ; il révèle la fin en vue de laquelle, " au commencement, Dieu créa le ciel et la terre " (Gn 1, 1) : dès le commencement, Dieu avait en vue la gloire de la nouvelle création dans le Christ (cf. Rm 8, 18-23).
281. C’est pour cela que les lectures de la Nuit Pascale, célébration de la création nouvelle dans le Christ, commencent par le récit de la création ; de même, dans la liturgie byzantine, le récit de la création constitue toujours la première lecture des vigiles des grandes fêtes du Seigneur. Selon le témoignage des anciens, l’instruction des catéchumènes pour le baptême suit le même chemin (cf. Ethérie, pereg. 46 : PLS 1, 1089-1090 ; S. Augustin, catech. 3, 5).
282. I. La catéchèse sur la Création
La catéchèse sur la Création revêt une importance capitale. Elle concerne les fondements mêmes de la vie humaine et chrétienne : car elle explicite la réponse de la foi chrétienne à la question élémentaire que les hommes de tous les temps se sont posée : " D’où venons-nous ? " " Où allons-nous ? " " Quelle est notre origine ? " " Quelle est notre fin ? " " D’où vient et où va tout ce qui existe ? " Les deux questions, celle de l’origine et celle de la fin, sont inséparables. Elles sont décisives pour le sens et l’orientation de notre vie et de notre agir.
283. La question des origines du monde et de l’homme fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques qui ont magnifiquement enrichi nos connaissances sur l’âge et les dimensions du cosmos, le devenir des formes vivantes, l’apparition de l’homme. Ces découvertes nous invitent à admirer d’autant plus la grandeur du Créateur, de lui rendre grâce pour toutes ses œuvres et pour l’intelligence et la sagesse qu’il donne aux savants et aux chercheurs. Avec Salomon, ceux-ci peuvent dire : " C’est Lui qui m’a donné la science vraie de ce qui est, qui m’a fait connaître la structure du monde et les propriétés des éléments (...) car c’est l’ouvrière de toutes choses qui m’a instruit, la Sagesse " (Sg 7, 17-21).
284. Le grand intérêt réservé à ces recherches est fortement stimulé par une question d’un autre ordre, et qui dépasse le domaine propre des sciences naturelles. Il ne s’agit pas seulement de savoir quand et comment a surgi matériellement le cosmos, ni quand l’homme est apparu, mais plutôt de découvrir quel est le sens d’une telle origine : si elle est gouvernée par le hasard, un destin aveugle, une nécessité anonyme, ou bien par un Être transcendant, intelligent et bon, appelé Dieu. Et si le monde provient de la sagesse et de la bonté de Dieu, pourquoi le mal ? D’où vient-il ? Qui en est responsable ? Et y en a-t-il une libération ?
285. Depuis ses débuts, la foi chrétienne a été confrontée à des réponses différentes de la sienne sur la question des origines. Ainsi, on trouve dans les religions et les cultures anciennes de nombreux mythes concernant les origines. Certains philosophes ont dit que tout est Dieu, que le monde est Dieu, ou que le devenir du monde est le devenir de Dieu (panthéisme) ; d’autres ont dit que le monde est une émanation nécessaire de Dieu, s’écoulant de cette source et retournant vers elle ; d’autres encore ont affirmé l’existence de deux principes éternels, le Bien et le Mal, la Lumière et les Ténèbres, en lutte permanente (dualisme, manichéisme) ; selon certaines de ces conceptions, le monde (au moins le monde matériel) serait mauvais, produit d’une déchéance, et donc à rejeter ou à dépasser (gnose) ; d’autres admettent que le monde ait été fait par Dieu, mais à la manière d’un horloger qui l’aurait, une fois fait, abandonné à lui-même (déisme) ; d’autres enfin n’acceptent aucune origine transcendante du monde, mais y voient le pur jeu d’une matière qui aurait toujours existé (matérialisme). Toutes ces tentatives témoignent de la permanence et de l’universalité de la question des origines. Cette quête est propre à l’homme.
286. L’intelligence humaine peut, certes, déjà trouver une réponse à la question des origines. En effet, l’existence de Dieu le Créateur peut être connue avec certitude par ses œuvres grâce à la lumière de la raison humaine (cf. DS 3026), même si cette connaissance est souvent obscurcie et défigurée par l’erreur. C’est pourquoi la foi vient confirmer et éclairer la raison dans la juste intelligence de cette vérité : " Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par une parole de Dieu, de sorte que ce que l’on voit provient de ce qui n’est pas apparent " (He 11, 3).
287. La vérité de la création est si importante pour toute la vie humaine que Dieu, dans sa tendresse, a voulu révéler à son Peuple tout ce qui est salutaire à connaître à ce sujet. Au-delà de la connaissance naturelle que tout homme peut avoir du Créateur (cf. Ac 17, 24-29 ; Rm 1, 19-20), Dieu a progressivement révélé à Israël le mystère de la création. Lui qui a choisi les patriarches, qui a fait sortir Israël d’Égypte, et qui, en élisant Israël, l’a créé et formé (cf. Is 43, 1), il se révèle comme celui à qui appartiennent tous les peuples de la terre, et la terre entière, comme celui qui, seul, " a fait le ciel et la terre " (Ps 115, 15 ; 124, 8 ; 134, 3).
288. Ainsi, la révélation de la création est inséparable de la révélation et de la réalisation de l’alliance de Dieu, l’Unique, avec son Peuple. La création est révélée comme le premier pas vers cette alliance, comme le premier et universel témoignage de l’amour Tout-Puissant de Dieu (cf. Gn 15, 5 ; Jr 33, 19-26). Aussi, la vérité de la création s’exprime-t-elle avec une vigueur croissante dans le message des prophètes (cf. Is 44, 24), dans la prière des psaumes (cf. Ps 104) et de la liturgie, dans la réflexion de la sagesse (cf. Pr 8, 22-31) du Peuple élu.
289. Parmi toutes les paroles de l’Écriture Sainte sur la création, les trois premiers chapitres de la Genèse tiennent une place unique. Du point de vue littéraire ces textes peuvent avoir diverses sources. Les auteurs inspirés les ont placés au commencement de l’Écriture de sorte qu’ils expriment, dans leur langage solennel, les vérités de la création, de son origine et de sa fin en Dieu, de son ordre et de sa bonté, de la vocation de l’homme, enfin du drame du péché et de l’espérance du salut. Lues à la lumière du Christ, dans l’unité de l’Écriture Sainte et dans la Tradition vivante de l’Église, ces paroles demeurent la source principale pour la catéchèse des mystères du " commencement " : création, chute, promesse du salut.
290. II. La création – œuvre de la Sainte Trinité
" Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre " (Gn 1, 1) : trois choses sont affirmées dans ces premières paroles de l’Écriture : le Dieu éternel a posé un commencement à tout ce qui existe en dehors de lui. Lui seul est créateur (le verbe " créer " – en hébreu bara – a toujours pour sujet Dieu). La totalité de ce qui existe (exprimé par la formule " le ciel et la terre ") dépend de Celui qui lui donne d’être.
291. " Au commencement était le Verbe (...) et le Verbe était Dieu. (...) Tout a été fait par lui et sans lui rien n’a été fait " (Jn 1, 1-3). Le Nouveau Testament révèle que Dieu a tout créé par le Verbe Éternel, son Fils bien-aimé. C’est en lui " qu’ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre (...) tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui " (Col 1, 16-17). La foi de l’Église affirme de même l’action créatrice de l’Esprit Saint : il est le " donateur de vie " (Symbole de Nicée-Constantinople), " l’Esprit Créateur " (" Veni, Creator Spiritus "), la " Source de tout bien " (Liturgie byzantine, Tropaire des vêpres de Pentecôte).
292. Insinuée dans l’Ancien Testament (cf. Ps 33, 6 ; 104, 30 ; Gn 1, 2-3), révélée dans la Nouvelle Alliance, l’action créatrice du Fils et de l’Esprit, inséparablement une avec celle du Père, est clairement affirmée par la règle de foi de l’Église : " Il n’existe qu’un seul Dieu (...) : il est le Père, il est Dieu, il est le Créateur, il est l’Auteur, il est l’Ordonnateur. Il a fait toutes choses par lui-même, c’est-à-dire par son Verbe et par sa Sagesse " (S. Irénée, hær. 2, 30, 9), " par le Fils et l’Esprit " qui sont comme " ses mains " (ibid., 4, 20, 1). La création est l’œuvre commune de la Sainte Trinité.
293. III. " Le monde a été créé pour la gloire de Dieu "
C’est une vérité fondamentale que l’Écriture et la Tradition ne cessent d’enseigner et de célébrer : " Le monde a été créé pour la gloire de Dieu " (Cc. Vatican I : DS 3025). Dieu a créé toutes choses, explique S. Bonaventure, " non pour accroître la Gloire, mais pour manifester et communiquer cette gloire " (sent. 2, 1, 2, 2, 1). Car Dieu n’a pas d’autre raison pour créer que son amour et sa bonté : " C’est la clef de l’amour qui a ouvert sa main pour produire les créatures " (S. Thomas d’A., sent. 2, prol.) Et le premier Concile du Vatican explique :
Dans sa bonté et par sa force toute-puissante, non pour augmenter sa béatitude, ni pour acquérir sa perfection, mais pour la manifester par les biens qu’il accorde à ses créatures, ce seul vrai Dieu a, dans le plus libre dessein, tout ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien l’une et l’autre créature, la spirituelle et la corporelle (DS 3002).
294. La gloire de Dieu c’est que se réalise cette manifestation et cette communication de sa bonté en vue desquelles le monde a été créé. Faire de nous " des fils adoptifs par Jésus-Christ : tel fut le dessein bienveillant de Sa volonté à la louange de gloire de sa grâce " (Ep 1, 5-6) : " Car la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu : si déjà la révélation de Dieu par la création procura la vie à tous les êtres qui vivent sur la terre, combien plus la manifestation du Père par le Verbe procure-t-elle la vie à ceux qui voient Dieu " (S. Irénée, hær. 4, 20, 7). La fin ultime de la création, c’est que Dieu, " qui est le Créateur de tous les êtres, devienne enfin ‘tout en tous’ (1 Co 15, 28), en procurant à la fois sa gloire et notre béatitude " (AG 2).
Dieu crée par sagesse et par amour
295. Nous croyons que Dieu a créé le monde selon sa sagesse (cf. Sg 9, 9). Il n’est pas le produit d’une nécessité quelconque, d’un destin aveugle ou du hasard. Nous croyons qu’il procède de la volonté libre de Dieu qui a voulu faire participer les créatures à son être, sa sagesse et sa bonté : " Car c’est toi qui créas toutes choses ; tu as voulu qu’elles soient, et elles furent créées " (Ap 4, 11). " Que tes œuvres sont nombreuses, Seigneur ! Toutes avec sagesse tu les fis " (Ps 104, 24). " Le Seigneur est bonté envers tous, ses tendresses vont à toutes ses œuvres " (Ps 145, 9).
296. Nous croyons que Dieu n’a besoin de rien de préexistant ni d’aucune aide pour créer (cf. Cc. Vatican I : DS 3022). La création n’est pas non plus une émanation nécessaire de la substance divine (cf. Cc. Vatican I : DS 3023-3024). Dieu crée librement " de rien " (DS 800 ; 3025) :
Quoi d’extraordinaire si Dieu avait tiré le monde d’une matière préexistante ? Un artisan humain, quand on lui donne un matériau, en fait tout ce qu’il veut. Tandis que la puissance de Dieu se montre précisément quand il part du néant pour faire tout ce qu’il veut (S. Théophile d’Antioche, Autol. 2, 4 : PG 6, 1052).
297. La foi en la création " de rien " est attestée dans l’Écriture comme une vérité pleine de promesse et d’espérance. Ainsi la mère des sept fils les encourage au martyre :
Je ne sais comment vous êtes apparus dans mes entrailles ; ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés de l’esprit et de la vie ; ce n’est pas moi qui ai organisé les éléments qui composent chacun de vous. Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé le genre humain et qui est à l’origine de toute chose, vous rendra-t-il, dans sa miséricorde, et l’esprit et la vie, parce que vous vous méprisez maintenant vous-mêmes pour l’amour de ses lois (...). Mon enfant, regarde le ciel et la terre et vois tout ce qui est en eux, et sache que Dieu les a faits de rien et que la race des hommes est faite de la même manière (2 M 7, 22-23. 28).
298. Puisque Dieu peut créer de rien, il peut, par l’Esprit Saint, donner la vie de l’âme à des pécheurs en créant en eux un cœur pur (cf. Ps 51, 12), et la vie du corps aux défunts par la Résurrection, Lui " qui donne la vie aux morts et appelle le néant à l’existence " (Rm 4, 17). Et puisque, par sa Parole, il a pu faire resplendir la lumière des ténèbres (cf. Gn 1, 3), il peut aussi donner la lumière de la foi à ceux qui l’ignorent (cf. 2 Co 4, 6).
Dieu crée un monde ordonné et bon
299. Puisque Dieu crée avec sagesse, la création est ordonnée : " Tu as tout disposé avec mesure, nombre et poids " (Sg 11, 20). Créée dans et par le Verbe éternel, " image du Dieu invisible " (Col 1, 15), elle est destinée, adressée à l’homme, image de Dieu (cf. Gn 1, 26), appelé à une relation personnelle avec Dieu. Notre intelligence, participant à la lumière de l’Intellect divin, peut entendre ce que Dieu nous dit par sa création (cf. Ps 19, 2-5), certes non sans grand effort et dans un esprit d’humilité et de respect devant le Créateur et son œuvre (cf. Jb 42, 3). Issue de la bonté divine, la création participe à cette bonté (" Et Dieu vit que cela était bon (...) très bon " : Gn 1, 4. 10. 12. 18. 21. 31). Car la création est voulue par Dieu comme un don adressé à l’homme, comme un héritage qui lui est destiné et confié . L’Église a dû, à maintes reprises, défendre la bonté de la création, y compris du monde matériel (cf. DS 286 ; 455-463 ; 800 ; 1333 ; 3002).
Dieu transcende la création et lui est présent
300. Dieu est infiniment plus grand que toutes ses œuvres (cf. Si 43, 28) : " Sa majesté est plus haute que les cieux " (Ps 8, 2), " à sa grandeur point de mesure " (Ps 145, 3). Mais parce qu’Il est le Créateur souverain et libre, cause première de tout ce qui existe, Il est présent au plus intime de ses créatures : " En Lui nous avons la vie, le mouvement et l’être " (Ac 17, 28). Selon les paroles de S. Augustin, Il est " plus haut que le plus haut de moi, plus intime que le plus intime " (Conf. 3, 6, 11).
Dieu maintient et porte la création
301. Avec la création, Dieu n’abandonne pas sa créature à elle-même. Il ne lui donne pas seulement d’être et d’exister, il la maintient à chaque instant dans l’être, lui donne d’agir et la porte à son terme. Reconnaître cette dépendance complète par rapport au Créateur est une source de sagesse et de liberté, de joie et de confiance :
Oui, tu aimes tout ce qui existe, et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé. Et comment une chose aurait-elle subsisté, si tu ne l’avais voulue ? Ou comment ce que tu n’aurais pas appelé aurait-il été conservé ? Mais tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître ami de la vie (Sg 11, 24-26).
309. La providence et le scandale du mal
Si Dieu le Père Tout-puissant, Créateur du monde ordonné et bon, prend soin de toutes ses créatures, pourquoi le mal existe-t-il ? A cette question aussi pressante qu’inévitable, aussi douloureuse que mystérieuse, aucune réponse rapide ne saura suffire. C’est l’ensemble de la foi chrétienne qui constitue la réponse à cette question : la bonté de la création, le drame du péché, l’amour patient de Dieu qui vient au devant de l’homme par ses alliances, par l’Incarnation rédemptrice de son Fils, par le don de l’Esprit, par le rassemblement de l’Église, par la force des sacrements, par l’appel à une vie bienheureuse à laquelle les créatures libres sont invitées d’avance à consentir, mais à laquelle elles peuvent aussi d’avance, par un mystère terrible, se dérober. Il n’y a pas un trait du message chrétien qui ne soit pour une part une réponse à la question du mal.
310. Mais pourquoi Dieu n’a-t-il pas créé un monde aussi parfait qu’aucun mal ne puisse y exister ? Selon sa puissance infinie, Dieu pourrait toujours créer quelque chose de meilleur (cf. S. Thomas d’A., s. th. 1, 25, 6). Cependant dans sa sagesse et sa bonté infinies, Dieu a voulu librement créer un monde " en état de voie " vers sa perfection ultime. Ce devenir comporte, dans le dessein de Dieu, avec l’apparition de certains êtres, la disparition d’autres, avec le plus parfait aussi le moins parfait, avec les constructions de la nature aussi les destructions. Avec le bien physique existe donc aussi le mal physique, aussi longtemps que la création n’a pas atteint sa perfection (cf. S. Thomas d’A., s. gent. 3, 71).
400. L’harmonie dans laquelle ils étaient, établie grâce à la justice originelle, est détruite ; la maîtrise des facultés spirituelles de l’âme sur le corps est brisée (cf. Gn 3, 7) ; l’union de l’homme et de la femme est soumise à des tensions (cf. Gn 3, 11-13) ; leurs rapports seront marqués par la convoitise et la domination (cf. Gn 3, 16). L’harmonie avec la création est rompue : la création visible est devenue pour l’homme étrangère et hostile (cf. Gn 3, 17. 19). A cause de l’homme, la création est soumise " à la servitude de la corruption " (Rm 8, 20). Enfin, la conséquence explicitement annoncée pour le cas de la désobéissance (cf. Gn 2, 17) se réalisera : l’homme " retournera à la poussière de laquelle il est formé " (Gn 3, 19). La mort fait son entrée dans l’histoire de l’humanité (cf. Rm 5, 12).
325. Le Symbole des apôtres professe que Dieu est " le Créateur du ciel et de la terre ", et le Symbole de Nicée-Constantinople explicite : " ... de l’univers visible et invisible ".
326. Dans l’Écriture Sainte, l’expression " ciel et terre " signifie : tout ce qui existe, la création toute entière. Elle indique aussi le lien, à l’intérieur de la création, qui à la fois unit et distingue ciel et terre : " La terre ", c’est le monde des hommes (cf. Ps 115, 16) " Le ciel " ou " les cieux " peut désigner le firmament (cf. Ps 19, 2), mais aussi le " lieu " propre de Dieu : " notre Père aux cieux " (Mt 5, 16 ; cf. Ps 115, 16) et, par conséquent, aussi le " ciel " qui est la gloire eschatologique. Enfin, le mot " ciel " indique le " lieu " des créatures spirituelles – les anges – qui entourent Dieu.
327. La profession de foi du quatrième Concile du Latran affirme que Dieu " a tout ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien l’une et l’autre créature, la spirituelle et la corporelle, c’est-à-dire les anges et le monde terrestre ; puis la créature humaine qui tient des deux, composée qu’elle est d’esprit et de corps " (DS 800 ; cf. DS 3002 et SPF 8).
L’existence des anges – une vérité de foi
355. " Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa " (Gn 1, 27). L’homme tient une place unique dans la création : il est " à l’image de Dieu " (I) ; dans sa propre nature il unit le monde spirituel et le monde matériel (II) ; il est créé " homme et femme " (III) ; Dieu l’a établi dans son amitié (IV).
356. De toutes les créatures visibles, seul l’homme est " capable de connaître et d’aimer son Créateur " (GS 12, § 3) ; il est " la seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même " (GS 24, § 3) ;lui seul est appelé à partager, par la connaissance et l’amour, la vie de Dieu. C’est à cette fin qu’il a été créé, et c’est là la raison fondamentale de sa dignité :
Quelle raison T’a fait constituer l’homme en si grande dignité ? L’amour inestimable par lequel Tu as regardé en Toi-même Ta créature, et Tu T’es épris d’elle ; car c’est par amour que Tu l’as créée, c’est par amour que Tu lui as donné un être capable de goûter Ton Bien éternel (Ste. Catherine de Sienne, dial. 4, 13 : ed. G. Cavallini [Roma 1995] p. 43).
357. Parce qu’il est à l’image de Dieu l’individu humain a la dignité de personne : il n’est pas seulement quelque chose, mais quelqu’un. Il est capable de se connaître, de se posséder et de librement se donner et entrer en communion avec d’autres personnes, et il est appelé, par grâce, à une alliance avec son Créateur, à Lui offrir une réponse de foi et d’amour que nul autre ne peut donner à sa place.
358. Dieu a tout créé pour l’homme (cf. GS 12, § 1 ; 24, § 3 ; 39, § 1), mais l’homme a été créé pour servir et aimer Dieu et pour Lui offrir toute la création :
Quel est donc l’être qui va venir à l’existence entouré d’une telle considération ? C’est l’homme, grande et admirable figure vivante, plus précieux aux yeux de Dieu que la création toute entière : c’est l’homme, c’est pour lui qu’existent le ciel et la terre et la mer et la totalité de la création, et c’est à son salut que Dieu a attaché tant d’importance qu’il n’a même pas épargné son Fils unique pour lui. Car Dieu n’a pas eu de cesse de tout mettre en œuvre pour faire monter l’homme jusqu’à lui et le faire asseoir à sa droite (S. Jean Chrysostome, serm. in Gen. 2, 1 : PG 54, 587D-588A).
359. " En réalité, c’est seulement dans le mystère du Verbe incarné que s’éclaire véritablement le mystère de l’homme " (GS 22, § 1) :
Saint Paul nous apprend que deux hommes sont à l’origine du genre humain : Adam et le Christ ... Le premier Adam, dit-il, a été créé comme un être humain qui a reçu la vie ; le dernier est un être spirituel qui donne la vie. Le premier a été créé par le dernier, de qui il a reçu l’âme qui le fait vivre ... Le second Adam a établi son image dans le premier Adam alors qu’il le modelait. De là vient qu’il en a endossé le rôle et reçu le nom, afin de ne pas laisser perdre ce qu’il avait fait à son image. Premier Adam, dernier Adam : le premier a commencé, le dernier ne finira pas. Car le dernier est véritablement le premier, comme il l’a dit lui-même : " Je suis le Premier et le Dernier " (S. Pierre Chrysologue, serm. 117, 1-2 : PL 52, 520B).
366. L’Église enseigne que chaque âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu (cf. Pie XII, enc. " Humani generis ", 1950 : DS 3896 ; SPF 8) – elle n’est pas " produite " par les parents – ; elle nous apprend aussi qu’elle est immortelle (cf. Cc. Latran V en 1513 : DS 1440) : elle ne périt pas lors de sa séparation du corps dans la mort, et s’unira de nouveau au corps lors de la résurrection finale.
367. Parfois il se trouve que l’âme soit distinguée de l’esprit. Ainsi S. Paul prie pour que notre " être tout entier, l’esprit, l’âme et le corps " soit gardé sans reproche à l’Avènement du Seigneur (1 Th 5, 23). L’Église enseigne que cette distinction n’introduit pas une dualité dans l’âme (Cc. Constantinople IV en 870 : DS 657). " Esprit " signifie que l’homme est ordonné dès sa création à sa fin surnaturelle (Cc. Vatican I : DS 3005 ; cf. GS 22, § 5), et que son âme est capable d’être surélevée gratuitement à la communion avec Dieu (cf. Pie XII, Enc. " Humani generis ", 1950 : DS 3891).
368. La tradition spirituelle de l’Église insiste aussi sur le cœur, au sens biblique de " fond de l’être " (Jr 31, 33) où la personne se décide ou non pour Dieu (cf. Dt 6, 5 ; 29, 3 ; Is 29, 13 ; Ez 36, 26 ; Mt 6, 21 ; Lc 8, 15 ; Rm 5, 5).
369. III. " Homme et femme il les créa "
Égalité et différence voulues par Dieu
L’homme et la femme sont créés, c’est-à-dire ils sont voulus par Dieu : dans une parfaite égalité en tant que personnes humaines, d’une part, et d’autre part dans leur être respectif d’homme et de femme. " Être homme ", " être femme " est une réalité bonne et voulue par Dieu : l’homme et la femme ont une dignité inamissible qui leur vient immédiatement de Dieu leur créateur (cf. Gn 2, 7. 22). L’homme et la femme sont, avec une même dignité, " à l’image de Dieu ". Dans leur " être-homme " et leur " être-femme ", ils reflètent la sagesse et la bonté du Créateur.
370. Dieu n’est aucunement à l’image de l’homme. Il n’est ni homme ni femme. Dieu est pur esprit en lequel il n’y a pas place pour la différence des sexes. Mais les " perfections " de l’homme et de la femme reflètent quelque chose de l’infinie perfection de Dieu : celles d’une mère (cf. Is 49, 14-15 ; 66, 13 ; Ps 130, 2-3) et celles d’un père et époux (cf. Os 11, 1-4 ; Jr 3, 4-19).
371. " L’un pour l’autre " – " une unité à deux "
Créés ensemble, l’homme et la femme sont voulus par Dieu l’un pour l’autre. La Parole de Dieu nous le fait entendre par divers traits du texte sacré. " Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie " (Gn 2, 18). Aucun des animaux ne peut être ce " vis-à-vis " de l’homme (Gn 2, 19-20). La femme que Dieu " façonne " de la côte tirée de l’homme et qu’il amène à l’homme, provoque de la part de l’homme un cri d’admiration, une exclamation d’amour et de communion : " C’est l’os de mes os et la chair de ma chair " (Gn 2, 23). L’homme découvre la femme comme un autre " moi ", de la même humanité.
372. L’homme et la femme sont faits " l’un pour l’autre " : non pas que Dieu ne les aurait faits qu’" à moitié " et " incomplets " ; Il les a créés pour une communion de personnes, en laquelle chacun peut être " aide " pour l’autre parce qu’ils sont à la fois égaux en tant que personnes (" os de mes os... ") et complémentaires en tant que masculin et féminin (MD 7). Dans le mariage, Dieu les unit de manière que, en formant " une seule chair " (Gn 2, 24), ils puissent transmettre la vie humaine : " Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre " (Gn 1, 28). En transmettant à leur descendants la vie humaine, l’homme et la femme comme époux et parents, coopèrent d’une façon unique à l’œuvre du Créateur (cf. GS 50, § 1).
373. Dans le dessein de Dieu, l’homme et la femme ont la vocation de " soumettre " la terre (cf. Gn 1, 28) comme " intendants " de Dieu. Cette souveraineté ne doit pas être une domination arbitraire et destructrice. A l’image du Créateur " qui aime tout ce qui existe " (Sg 11, 24), l’homme et la femme sont appelés à participer à la Providence divine envers les autres créatures. De là, leur responsabilité pour le monde que Dieu leur a confié.
374. Le premier homme n’a pas seulement été créé bon, mais il a été constitué dans une amitié avec son Créateur et une harmonie avec lui-même et avec la création autour de lui telles qu’elles ne seront dépassées que par la gloire de la nouvelle création dans le Christ.
375. L’Église, en interprétant de manière authentique le symbolisme du langage biblique à la lumière du Nouveau Testament et de la Tradition, enseigne que nos premiers parents Adam et Eve ont été constitué dans un état " de sainteté et de justice originelle " (Cc. Trente : DS 1511). Cette grâce de la sainteté originelle était une " participation à la vie divine " (LG 2).
376. Par le rayonnement de cette grâce toutes les dimensions de la vie de l’homme étaient confortées. Tant qu’il demeurait dans l’intimité divine, l’homme ne devait ni mourir (cf. Gn 2, 17 ; 3, 19), ni souffrir (cf. Gn 3, 16). L’harmonie intérieure de la personne humaine, l’harmonie entre l’homme et la femme (cf. Gn 2, 25), enfin l’harmonie entre le premier couple et toute la création constituait l’état appelé " justice originelle ".
377. La " maîtrise " du monde que Dieu avait accordée à l’homme dès le début, se réalisait avant tout chez l’homme lui-même comme maîtrise de soi. L’homme était intact et ordonné dans tout son être, parce que libre de la triple concupiscence (cf. 1 Jn 2, 16) qui le soumet aux plaisirs des sens, à la convoitise des biens terrestres et à l’affirmation de soi contre les impératifs de la raison.
378. Le signe de la familiarité avec Dieu, c’est que Dieu le place dans le jardin (cf. Gn 2, 8). Il y vit " pour cultiver le sol et le garder " (Gn 2, 15) : le travail n’est pas une peine (cf. Gn 3, 17-19), mais la collaboration de l’homme et de la femme avec Dieu dans le perfectionnement de la création visible.
379. C’est toute cette harmonie de la justice originelle, prévue pour l’homme par le dessein de Dieu, qui sera perdu par le péché de nos premiers parents.
391. Derrière le choix désobéissant de nos premiers parents il y a une voix séductrice, opposée à Dieu (cf. Gn 3, 4-5) qui, par envie, les fait tomber dans la mort (cf. Sg 2, 24). L’Écriture et la Tradition de l’Église voient en cet être un ange déchu, appelé Satan ou diable (cf. Jn 8, 44 ; Ap 12, 9). L’Église enseigne qu’il a été d’abord un ange bon, fait par Dieu. " Le diable et les autres démons ont certes été créés par Dieu naturellement bons, mais c’est eux qui se sont rendus mauvais " (Cc. Latran IV en 1215 : DS 800).
392. L’Écriture parle d’un péché de ces anges (cf. 2 P 2, 4). Cette " chute " consiste dans le choix libre de ces esprits créés, qui ont radicalement et irrévocablement refusé Dieu et son Règne. Nous trouvons un reflet de cette rébellion dans les paroles du tentateur à nos premiers parents : " Vous deviendrez comme Dieu " (Gn 3, 5). Le diable est " pécheur dès l’origine " (1 Jn 3, 8), " père du mensonge " (Jn 8, 44).
393. C’est le caractère irrévocable de leur choix, et non un défaut de l’infinie miséricorde divine, qui fait que le péché des anges ne peut être pardonné. " Il n’y a pas de repentir pour eux après la chute, comme il n’y a pas de repentir pour les hommes après la mort " (S. Jean Damascène, f. o. 2, 4 : PG 94, 877C).
394. L’Écriture atteste l’influence néfaste de celui que Jésus appelle " l’homicide dès l’origine " (Jn 8, 44), et qui a même tenté de détourner Jésus de la mission reçue du Père (cf. Mt 4, 1-11). " C’est pour détruire les œuvres du diable que le Fils de Dieu est apparu " (1 Jn 3, 8). La plus grave en conséquences de ces œuvres a été la séduction mensongère qui a induit l’homme à désobéir à Dieu.
395. La puissance de Satan n’est cependant pas infinie. Il n’est qu’une créature, puissante du fait qu’il est pur esprit, mais toujours une créature : il ne peut empêcher l’édification du Règne de Dieu. Quoique Satan agisse dans le monde par haine contre Dieu et son Royaume en Jésus-Christ, et quoique son action cause de graves dommages – de nature spirituelle et indirectement même de nature physique – pour chaque homme et pour la société, cette action est permise par la divine Providence qui avec force et douceur dirige l’histoire de l’homme et du monde. La permission divine de l’activité diabolique est un grand mystère, mais " nous savons que Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment " (Rm 8, 28).
410. IV. " Tu ne l’as pas abandonné au pouvoir de la mort "
Après sa chute, l’homme n’a pas été abandonné par Dieu. Au contraire, Dieu l’appelle (cf. Gn 3, 9) et lui annonce de façon mystérieuse la victoire sur le mal et le relèvement de sa chute (cf. Gn 3, 15). Ce passage de la Genèse a été appelé " Protévangile ", étant la première annonce du Messie rédempteur, celle d’un combat entre le serpent et la Femme et de la victoire finale d’un descendant de celle-ci.
411. La tradition chrétienne voit dans ce passage une annonce du " nouvel Adam " (cf. 1 Co 15, 21-22. 45) qui, par son " obéissance jusqu’à la mort de la Croix " (Ph 2, 8) répare en surabondance la désobéissance d’Adam (cf. Rm 5, 19-20). Par ailleurs, de nombreux Pères et docteurs de l’Église voient dans la femme annoncée dans le " protévangile " la mère du Christ, Marie, comme " nouvelle Eve ". Elle a été celle qui, la première et d’une manière unique, a bénéficié de la victoire sur le péché remportée par le Christ : elle a été préservée de toute souillure du péché originel (cf. Pie IX : DS 2803) et durant toute sa vie terrestre, par une grâce spéciale de Dieu, elle n’a commis aucune sorte de péché (cf. Cc. Trente : DS 1573).
412. Mais pourquoi Dieu n’a-t-il pas empêché le premier homme de pécher ? S. Léon le Grand répond : " La grâce ineffable du Christ nous a donné des biens meilleurs que ceux que l’envie du démon nous avait ôtés " (serm. 73, 4 : PL 54, 396). Et S. Thomas d’Aquin : " Rien ne s’oppose à ce que la nature humaine ait été destinée à une fin plus haute après le péché. Dieu permet, en effet, que les maux se fassent pour en tirer un plus grand bien. D’où le mot de S. Paul : ‘Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé’ (Rm 5, 20). Et le chant de l’‘Exultet’ : ‘O heureuse faute qui a mérité un tel et un si grand Rédempteur’ " (S. Thomas d’A., s. th. 3, 1, 3, ad 3 ; l’Exsultet chante ces paroles de saint Thomas).
493. Les Pères de la tradition orientale appellent la Mère de Dieu " la Toute Sainte " (Panaghia), ils la célèbrent comme " indemne de toute tache de péché, ayant été pétrie par l’Esprit Saint, et formée comme une nouvelle créature " (LG 56). Par la grâce de Dieu, Marie est restée pure de tout péché personnel tout au long de sa vie.
" Qu’il me soit fait selon ta parole... "
494. A l’annonce qu’elle enfantera " le Fils du Très Haut " sans connaître d’homme, par la vertu de l’Esprit Saint (cf. Lc 1, 28-37), Marie a répondu par " l’obéissance de la foi " (Rm 1, 5), certaine que " rien n’est impossible à Dieu " : " Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole " (Lc 1, 37-38). Ainsi, donnant à la parole de Dieu son consentement, Marie devint Mère de Jésus et, épousant à plein cœur, sans que nul péché la retienne, la volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement à la personne et à l’œuvre de son Fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la grâce de Dieu, au mystère de la Rédemption (cf. LG 56) :
Comme dit S. Irénée, " par son obéissance elle est devenue, pour elle-même et pour tout le genre humain, cause de salut " (Hær. 3, 22, 4). Aussi, avec lui, bon nombre d’anciens Pères disent : " Le nœud dû à la désobéissance d’Eve, s’est dénoué par l’obéissance de Marie ; ce que la vierge Eve avait noué par son incrédulité, la Vierge Marie l’a dénoué par sa foi " (cf. ibid.) ; comparant Marie avec Eve, ils appellent Marie " la Mère des vivants " et déclarent souvent : " par Eve la mort, par Marie la vie " (LG 56).
571. " Jésus-Christ a souffert sous PONCE PILATE,
il a été crucifié, il est mort,
Le mystère pascal de la Croix et de la Résurrection du Christ est au centre de la Bonne Nouvelle que les apôtres, et l’Église à leur suite, doivent annoncer au monde. Le dessein sauveur de Dieu s’est accompli " une fois pour toutes " (He 9, 26) par la mort rédemptrice de son Fils Jésus-Christ.
572. L’Église reste fidèle à " l’interprétation de toutes les Écritures " donnée par Jésus lui-même avant comme après sa Pâque : " Ne fallait-il pas que le Messie endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? " (Lc 24, 26-27. 44-45). Les souffrances de Jésus ont pris leur forme historique concrète du fait qu’il a été " rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes " (Mc 8, 31) qui l’ont " livré aux païens pour être bafoué, flagellé et mis en croix " (Mt 20, 19).
573. La foi peut donc essayer de scruter les circonstances de la mort de Jésus, transmises fidèlement par les Évangiles (cf. DV 19) et éclairées par d’autres sources historiques, pour mieux comprendre le sens de la Rédemption.
606. III. Le Christ s’est offert lui-même à son Père pour nos péchés
Toute la vie du Christ est offrande au Père
Le Fils de Dieu, " descendu du ciel non pour faire sa volonté mais celle de son Père qui l’a envoyé " (Jn 6, 38), " dit en entrant dans le monde : (...) Voici je viens (...) pour faire ô Dieu ta volonté. (...) C’est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés par l’oblation du corps de Jésus-Christ, une fois pour toutes " (He 10, 5-10). Dès le premier instant de son Incarnation, le Fils épouse le dessein de salut divin dans sa mission rédemptrice : " Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son œuvre à bonne fin " (Jn 4, 34). Le sacrifice de Jésus " pour les péchés du monde entier " (1 Jn 2, 2) est l’expression de sa communion d’amour au Père : " Le Père m’aime parce que je donne ma vie " (Jn 10, 17). " Il faut que le monde sache que j’aime le Père et que je fais comme le Père m’a commandé " (Jn 14, 31).
607. Ce désir d’épouser le dessein d’amour rédempteur de son Père anime toute la vie de Jésus (cf. Lc 12, 50 ; 22, 15 ; Mt 16, 21-23) car sa passion rédemptrice est la raison d’être de son Incarnation : " Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure " (Jn 12, 27). " La coupe que m’a donnée le Père ne la boirai-je pas ? " (Jn 18, 11). Et encore sur la croix avant que " tout soit accompli " (Jn 19, 30), il dit : " J’ai soif " (Jn 19, 28).
608. " L’Agneau qui enlève le péché du monde "
Après avoir accepté de Lui donner le Baptême à la suite des pécheurs (cf. Lc 3, 21 ; Mt 3, 14-15), Jean-Baptiste a vu et montré en Jésus l’Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde (cf. Jn 1, 29. 36). Il manifeste ainsi que Jésus est à la fois le Serviteur souffrant qui, silencieux, se laisse mener à l’abattoir (cf. Is 53, 7 ; Jr 11, 19) et porte le péché des multitudes (cf. Is 53, 12), et l’agneau Pascal symbole de la rédemption d’Israël lors de la première Pâque (cf. Ex 12, 3-14 ; Jn 19, 36 ; 1 Co 5, 7). Toute la vie du Christ exprime sa mission : servir et donner sa vie en rançon pour la multitude (cf. Mc 10, 45).
609. Jésus épouse librement l’amour rédempteur du Père
En épousant dans son cœur humain l’amour du Père pour les hommes, Jésus " les a aimés jusqu’à la fin " (Jn 13, 1) " car il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime " (Jn 15, 13). Ainsi dans la souffrance et dans la mort, son humanité est devenue l’instrument libre et parfait de son amour divin qui veut le salut des hommes (cf. He 2, 10. 17-18 ; 4, 15 ; 5, 7-9). En effet, il a librement accepté sa passion et sa mort par amour de son Père et des hommes que Celui-ci veut sauver : " Personne ne m’enlève la vie, mais je la donne de moi-même " (Jn 10, 18). D’où la souveraine liberté du Fils de Dieu quand il va lui-même vers la mort (cf. Jn 18, 4-6 ; Mt 26, 53).
687. " Nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu " (1 Co 2, 11). Or, son Esprit qui le révèle nous fait connaître le Christ, son Verbe, sa Parole vivante, mais ne se dit pas lui-même. Celui qui " a parlé par les prophètes " nous fait entendre la Parole du Père. Mais lui, nous ne l’entendons pas. Nous ne le connaissons que dans le mouvement où il nous révèle le Verbe et nous dispose à L’accueillir dans la foi. L’Esprit de Vérité qui nous " dévoile " le Christ " ne parle pas de lui-même " (Jn 16, 13). Un tel effacement, proprement divin, explique pourquoi " le monde ne peut pas le recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le connaît ", tandis que ceux qui croient au Christ le connaissent parce qu’il demeure avec eux (Jn 14, 17).
688. L’Église, communion vivante dans la foi des apôtres qu’elle transmet, est le lieu de notre connaissance de l’Esprit Saint :
– dans les Écritures qu’Il a inspirées ;
– dans la Tradition, dont les Pères de l’Église sont les témoins toujours actuels ;
– dans le Magistère de l’Église qu’Il assiste ;
– dans la liturgie sacramentelle, à travers ses paroles et ses symboles, où l’Esprit Saint nous met en communion avec le Christ ;
– dans la prière dans laquelle Il intercède pour nous ;
– dans les charismes et les ministères par lesquels l’Église est édifiée ;
– dans les signes de vie apostolique et missionnaire ;
– dans le témoignage des saints où Il manifeste sa sainteté et continue l’œuvre du salut.
689. I. La mission conjointe du Fils et de l’Esprit
Celui que le Père a envoyé dans nos cœurs, l’Esprit de son Fils (cf. Ga 4, 6) est réellement Dieu. Consubstantiel au Père et au Fils, il en est inséparable, tant dans la Vie intime de la Trinité que dans son don d’amour pour le monde. Mais en adorant la Trinité Sainte, vivifiante, consubstantielle et indivisible, la foi de l’Église professe aussi la distinction des Personnes. Quand le Père envoie son Verbe, Il envoie toujours son Souffle : mission conjointe où le Fils et l’Esprit Saint sont distincts mais inséparables. Certes, c’est le Christ qui paraît, Lui, l’Image visible du Dieu invisible, mais c’est l’Esprit Saint qui Le révèle.
690. Jésus est Christ, " oint ", parce que l’Esprit en est l’Onction et tout ce qui advient à partir de l’Incarnation découle de cette plénitude (cf. Jn 3, 34). Quand enfin le Christ est glorifié (cf. Jn 7, 39), il peut à son tour, d’auprès du Père, envoyer l’Esprit à ceux qui croient en lui : il leur communique sa Gloire (cf. Jn 17, 22), c’est-à-dire l’Esprit Saint qui le glorifie (cf. Jn 16, 14). La mission conjointe se déploiera dès lors dans les enfants adoptés par le Père dans le Corps de son Fils : la mission de l’Esprit d’adoption sera de les unir au Christ et de les faire vivre en lui :
La notion de l’onction suggère (...) qu’il n’y a aucune distance entre le Fils et l’Esprit. En effet de même qu’entre la surface du corps et l’onction de l’huile ni la raison ni la sensation ne connaissent aucun intermédiaire, ainsi est immédiat le contact du Fils avec l’Esprit, si bien que pour celui qui va prendre contact avec le Fils par la foi, il est nécessaire de rencontrer d’abord l’huile par le contact. En effet il n’y a aucune partie qui soit nue de l’Esprit Saint. C’est pourquoi la confession de la Seigneurie du Fils se fait dans l’Esprit Saint pour ceux qui la reçoivent, l’Esprit venant de toutes parts au devant de ceux qui s’approchent par la foi (S. Grégoire de Nysse, Spir. 3, 1 : PG 45, 1321A-B).
751. Paragraphe 1. L’Église dans le dessein de Dieu
I. Les noms et les images de l’Église
Le mot " Église " [ekklèsia, du grec ek-kalein, " appeler hors "] signifie " convocation ". Il désigne des assemblées du peuple (cf. Ac 19, 39), en général de caractère religieux. C’est le terme fréquemment utilisé dans l’Ancien Testament grec pour l’assemblée du peuple élu devant Dieu, surtout pour l’assemblée du Sinaï où Israël reçut la Loi et fut constitué par Dieu comme son peuple saint (cf. Ex 19). En s’appelant " Église ", la première communauté de ceux qui croyaient au Christ se reconnaît héritière de cette assemblée. En elle, Dieu " convoque " son Peuple de tous les confins de la terre. Le terme Kyriakè dont sont dérivés church, Kirche, signifie " celle qui appartient au Seigneur ".
752. Dans le langage chrétien, le mot " Église " désigne l’assemblée liturgique (cf. 1 Co 11, 18 ; 14, 19. 28. 34. 35), mais aussi la communauté locale (cf. 1 Co 1, 2 ; 16, 1) ou toute la communauté universelle des croyants (cf. 1 Co 15, 9 ; Ga 1, 13 ; Ph 3, 6). Ces trois significations sont en fait inséparables. " L’Église ", c’est le Peuple que Dieu rassemble dans le monde entier. Elle existe dans les communautés locales et se réalise comme assemblée liturgique, surtout eucharistique. Elle vit de la Parole et du Corps du Christ et devient ainsi elle-même Corps du Christ.
976. " Je crois au pardon des péchés "
Le Symbole des apôtres lie la foi au pardon des péchés à la foi en l’Esprit Saint, mais aussi à la foi en l’Église et en la communion des saints. C’est en donnant l’Esprit Saint à ses apôtres que le Christ ressuscité leur a conféré son propre pouvoir divin de pardonner les péchés : " Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus " (Jn 20, 22-23).
(La deuxième partie du Catéchisme traitera explicitement du pardon des péchés par le Baptême, le sacrement de Pénitence et les autres sacrements, surtout l’Eucharistie. Il suffit donc d’évoquer ici brièvement quelques données de base).
977. I. Un seul baptême pour le pardon des péchés
Notre Seigneur a lié le pardon des péchés à la foi et au Baptême : " Allez par le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé " (Mc 16, 15-16). Le Baptême est le premier et principal sacrement du pardon des péchés parce qu’il nous unit au Christ mort pour nos péchés, ressuscité pour notre justification (cf. Rm 4, 25), afin que " nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle " (Rm 6, 4).
978. " Au moment où nous faisons notre première profession de Foi, en recevant le saint Baptême qui nous purifie, le pardon que nous recevons est si plein et si entier, qu’il ne nous reste absolument rien à effacer, soit de la faute originelle, soit des fautes commises par notre volonté propre, ni aucune peine à subir pour les expier (...). Mais néanmoins la grâce du Baptême ne délivre personne de toutes les infirmités de la nature. Au contraire nous avons encore à combattre les mouvements de la concupiscence qui ne cessent de nous porter au mal " (Catech. R. 1, 11, 3).
979. En ce combat avec l’inclination au mal, qui serait assez vaillant et vigilant pour éviter toute blessure du péché ? " Si donc il était nécessaire que l’Église eût le pouvoir de remettre les péchés, il fallait aussi que le Baptême ne fût pas pour elle l’unique moyen de se servir de ces clefs du Royaume des cieux qu’elle avait reçues de Jésus-Christ ; il fallait qu’elle fût capable de pardonner leurs fautes à tous les pénitents, quand même ils auraient péché jusqu’au dernier moment de leur vie " (Catech. R. 1, 11, 4).
980. C’est par le sacrement de Pénitence que le baptisé peut être réconcilié avec Dieu et avec l’Église :
Les pères ont eu raison d’appeler la pénitence " un baptême laborieux " (S. Grégoire de Naz., or. 39, 17 : PG 36, 356A). Ce sacrement de Pénitence est, pour ceux qui sont tombés après le Baptême, nécessaire au salut, comme l’est le Baptême lui-même pour ceux qui ne sont pas encore régénérés (Cc. Trente : DS 1672).
1036. Les affirmations de la Sainte Écriture et les enseignements de l’Église au sujet de l’enfer sont un appel à la responsabilité avec laquelle l’homme doit user de sa liberté en vue de son destin éternel. Elles constituent en même temps un appel pressant à la conversion : " Entrez par la porte étroite. Car large et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui le prennent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent " (Mt 7, 13-14) :
Ignorants du jour et de l’heure, il faut que, suivant l’avertissement du Seigneur, nous restions constamment vigilants pour mériter, quand s’achèvera le cours unique de notre vie terrestre, d’être admis avec lui aux noces et comptés parmi les bénis de Dieu, au lieu d’être, comme de mauvais et paresseux serviteurs, écartés par l’ordre de Dieu vers le feu éternel, vers ces ténèbres du dehors où seront les pleurs et les grincements de dents (LG 48).
1037. Dieu ne prédestine personne à aller en enfer (cf. DS 397 ; 1567) ; il faut pour cela une aversion volontaire de Dieu (un péché mortel), et y persister jusqu’à la fin. Dans la liturgie eucharistique et dans les prières quotidiennes de ses fidèles, l’Église implore la miséricorde de Dieu, qui veut " que personne ne périsse, mais que tous arrivent au repentir " (2 P 3, 9) :
Voici l’offrande que nous présentons devant toi, nous, tes serviteurs, et ta famille entière : dans ta bienveillance, accepte-la. Assure toi-même la paix de notre vie, arrache-nous à la damnation et reçois-nous parmi tes élus (MR, Canon Romain 88).
1699. La vie dans l’Esprit Saint accomplit la vocation de l’homme (Chapitre premier). Elle est faite de charité divine et de solidarité humaine (Chapitre deuxième). Elle est gracieusement accordée comme un Salut (Chapitre troisième).
1700. La dignité de la personne humaine
La dignité de la personne humaine s’enracine dans sa création à l’image et à la ressemblance de Dieu (article 1) ; elle s’accomplit dans sa vocation à la béatitude divine (article 2). Il appartient à l’être humain de se porter librement à cet achèvement (article 3). Par ses actes délibérés (article 4), la personne humaine se conforme, ou non, au bien promis par Dieu et attesté par la conscience morale (article 5). Les êtres humains s’édifient eux-mêmes et grandissent de l’intérieur : ils font de toute leur vie sensible et spirituelle un matériau de leur croissance (article 6). Avec l’aide de la grâce ils grandissent dans la vertu (article 7), évitent le péché et s’ils l’ont commis, s’en remettent comme l’enfant prodigue (cf. Lc 15, 11-31) à la miséricorde de notre Père des Cieux (article 8). Ils accèdent ainsi à la perfection de la charité.
1701. " Le Christ, dans la révélation du mystère du Père et de son Amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation " (GS 22, § 1). C’est dans le Christ, " image du Dieu invisible " (Col 1, 15 ; cf. 2 Co 4, 4), que l’homme a été créé à " l’image et à la ressemblance " du Créateur. C’est dans le Christ, rédempteur et sauveur, que l’image divine, altérée dans l’homme par le premier péché, a été restaurée dans sa beauté originelle et ennoblie de la grâce de Dieu (cf. GS 22).
1702. L’image divine est présente en chaque homme. Elle resplendit dans la communion des personnes, à la ressemblance de l’unité des personnes divines entre elles (cf. chapitre deuxième).
1703. Dotée d’une âme " spirituelle et immortelle " (GS 14), la personne humaine est " la seule créature sur la terre que Dieu a voulue pour elle-même " (GS 24, § 3). Dès sa conception, elle est destinée à la béatitude éternelle.
1704. La personne humaine participe à la lumière et à la force de l’Esprit divin. Par la raison, elle est capable de comprendre l’ordre des choses établi par le Créateur. Par sa volonté, elle est capable de se porter d’elle-même vers son bien véritable. Elle trouve sa perfection dans " la recherche et l’amour du vrai et du bien " (GS 15, § 2).
1705. En vertu de son âme et de ses puissances spirituelles d’intelligence et de volonté l’homme est doté de liberté " signe privilégié de l’image divine " (GS 17).
1706. Par sa raison, l’homme connaît la voix de Dieu qui le presse " d’accomplir le bien et d’éviter le mal " (GS 16). Chacun est tenu de suivre cette loi qui résonne dans la conscience et qui s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain. L’exercice de la vie morale atteste la dignité de la personne.
1707. " Séduit par le Malin, dès le début de l’histoire, l’homme a abusé de sa liberté " (GS 13, § 1). Il a succombé à la tentation et commis le mal. Il conserve le désir du bien, mais sa nature porte la blessure du péché originel. Il est devenu enclin au mal et sujet à l’erreur :
C’est en lui-même que l’homme est divisé. Voici que toute la vie des hommes, individuelle et collective, se manifeste comme une lutte, combien dramatique, entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres (GS 13, § 2).
1708. Par sa passion, le Christ nous a délivrés de Satan et du péché. Il nous a mérité la vie nouvelle dans l’Esprit Saint. Sa grâce restaure ce que le péché avait détérioré en nous.
1709. Celui qui croit au Christ devient fils de Dieu. Cette adoption filiale le transforme en lui donnant de suivre l’exemple du Christ. Elle le rend capable d’agir droitement et de pratiquer le bien. Dans l’union avec son Sauveur, le disciple atteint la perfection de la charité, la sainteté. Mûrie dans la grâce, la vie morale s’épanouit en vie éternelle, dans la gloire du ciel.
1716. Les béatitudes sont au cœur de la prédication de Jésus. Leur annonce reprend les promesses faites au peuple élu depuis Abraham. Elle les accomplit en les ordonnant non plus à la seule jouissance d’une terre, mais au Royaume des Cieux :
Bienheureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des cieux est à eux.
Bienheureux les doux, car ils possèderont la terre.
Bienheureux les affligés, car ils seront consolés.
Bienheureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés.
Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Bienheureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Bienheureux les persécutés pour la justice, car le Royaume de Dieu est à eux.
Bienheureux êtes-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie à cause de moi.
Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux
1717. Les béatitudes dépeignent le visage de Jésus-Christ et en décrivent la charité ; elles expriment la vocation des fidèles associés à la gloire de sa Passion et de sa Résurrection ; elles éclairent les actions et les attitudes caractéristiques de la vie chrétienne ; elles sont les promesses paradoxales qui soutiennent l’espérance dans les tribulations ; elles annoncent les bénédictions et les récompenses déjà obscurément acquises aux disciples ; elles sont inaugurées dans la vie de la Vierge Marie et de tous les saints.
1877. La vocation de l’humanité est de manifester l’image de Dieu et d’être transformée à l’image du Fils Unique du Père. Cette vocation revêt une forme personnelle, puisque chacun est appelé à entrer dans la béatitude divine ; elle concerne aussi l’ensemble de la communauté humaine.
1878. I. Le caractère communautaire de la vocation humaine
Tous les hommes sont appelés à la même fin, Dieu lui-même. Il existe une certaine ressemblance entre l’unité des personnes divines et la fraternité que les hommes doivent instaurer entre eux, dans la vérité et l’amour (cf. GS 24, § 3). L’amour du prochain est inséparable de l’amour pour Dieu.
1879. La personne humaine a besoin de la vie sociale. Celle-ci ne constitue pas pour elle quelque chose de surajouté, mais une exigence de sa nature. Par l’échange avec autrui, la réciprocité des services et le dialogue avec ses frères, l’homme développe ses virtualités ; il répond ainsi à sa vocation (cf. GS 25, § 1).
1880. Une société est un ensemble de personnes liées de façon organique par un principe d’unité qui dépasse chacune d’elles. Assemblée à la fois visible et spirituelle, une société perdure dans le temps : elle recueille le passé et prépare l’avenir. Par elle, chaque homme est constitué " héritier ", reçoit des " talents " qui enrichissent son identité et dont il doit développer les fruits (cf. Lc 19, 16. 19). A juste titre, chacun doit le dévouement aux communautés dont il fait partie et le respect aux autorités en charge du bien commun.
1897. La participation à la vie sociale
" A la vie en société manqueraient l’ordre et la fécondité sans la présence d’hommes légitimement investis de l’autorité et qui assurent la sauvegarde des institutions et pourvoient, dans une mesure suffisante, au bien commun " (PT 46).
On appelle " autorité " la qualité en vertu de laquelle des personnes ou des institutions donnent des lois et des ordres à des hommes, et attendent une obéissance de leur part.
1898. Toute communauté humaine a besoin d’une autorité qui la régisse (cf. Léon XIII, enc. " Immortale Dei "; enc. " Diuturnum illud "). Celle-ci trouve son fondement dans la nature humaine. Elle est nécessaire à l’unité de la Cité. Son rôle consiste à assurer autant que possible le bien commun de la société.
1899. L’autorité exigée par l’ordre moral émane de Dieu : " Que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n’y a d’autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui. Ainsi, celui qui s’oppose à l’autorité se rebelle contre l’ordre voulu par Dieu, et les rebelles attireront la condamnation sur eux-mêmes " (Rm 13, 1-2 ; cf. 1 P 2, 13-17).
1900. Le devoir d’obéissance impose à tous de rendre à l’autorité les honneurs qui lui sont dus, et d’entourer de respect et, selon leur mérite, de gratitude et de bienveillance les personnes qui en exercent la charge.
On trouve sous la plume du pape S. Clément de Rome la plus ancienne prière de l’Église pour l’autorité politique (cf. déjà 1 Tm 2, 1-2) :
" Accorde-leur, Seigneur, la santé, la paix, la concorde, la stabilité, pour qu’ils exercent sans heurt la souveraineté que tu leur as remise. C’est toi, Maître, céleste roi des siècles, qui donne aux fils des hommes gloire, honneur et pouvoir sur les choses de la terre. Dirige, Seigneur, leur conseil, suivant ce qui est bien, suivant ce qui est agréable à tes yeux, afin qu’en exerçant avec piété, dans la paix et la mansuétude, le pouvoir que tu leur as donné, ils te trouvent propice " (Cor. 61, 1-2).
1901. Si l’autorité renvoie à un ordre fixé par Dieu, " la détermination des régimes politiques, comme la détermination de leurs dirigeants, doivent être laissées à la libre volonté des citoyens " (GS 74, § 3).
La diversité des régimes politiques est moralement admissible, pourvu qu’ils concourent au bien légitime de la communauté qui les adopte. Les régimes dont la nature est contraire à la loi naturelle, à l’ordre public et aux droits fondamentaux des personnes, ne peuvent réaliser le bien commun des nations auxquelles ils se sont imposés.
1902. L’autorité ne tire pas d’elle-même sa légitimité morale. Elle ne doit pas se comporter de manière despotique, mais agir pour le bien commun comme une " force morale fondée sur la liberté et le sens de la responsabilité " (GS 74, § 2) :
La législation humaine ne revêt le caractère de loi qu’autant qu’elle se conforme à la juste raison ; d’où il apparaît qu’elle tient sa vigueur de la loi éternelle. Dans la mesure où elle s’écarterait de la raison, il faudrait la déclarer injuste, car elle ne vérifierait pas la notion de loi ; elle serait plutôt une forme de violence (S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 93, 3, ad 2).
1934. II. Egalité et Différences entre les hommes
Créés à l’image du Dieu unique, dotés d’une même âme raisonnable, tous les hommes ont même nature et même origine. Rachetés par le sacrifice du Christ, tous sont appelés à participer à la même béatitude divine : tous jouissent donc d’une égale dignité.
1935. L’égalité entre les hommes porte essentiellement sur leur dignité personnelle et les droits qui en découlent :
Toute forme de discrimination touchant les droits fondamentaux de la personne, qu’elle soit fondée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la condition sociale, la langue ou la religion, doit être dépassée, comme contraire au dessein de Dieu (GS 29, § 2).
1950. La loi morale est l’œuvre de la Sagesse divine. On peut la définir, au sens biblique, comme une instruction paternelle, une pédagogie de Dieu. Elle prescrit à l’homme les voies, les règles de conduite qui mènent vers la béatitude promise ; elle proscrit les chemins du mal qui détournent de Dieu et de son amour. Elle est à la fois ferme dans ses préceptes et aimable dans ses promesses.
1951. La loi est une règle de conduite édictée par l’autorité compétente en vue du bien commun. La loi morale suppose l’ordre rationnel établi entre les créatures, pour leur bien et en vue de leur fin, par la puissance, la sagesse et la bonté du Créateur. Toute loi trouve dans la loi éternelle sa vérité première et ultime. La loi est déclarée et établie par la raison comme une participation à la providence du Dieu vivant Créateur et Rédempteur de tous. " Cette ordination de la raison, voilà ce qu’on appelle la loi " (Léon XIII, enc. " Libertas præstantissimum " ; citant Thomas d’A., s. th. 1-2, 90, 1) :
Seul parmi tous les êtres animés, l’homme peut se glorifier d’avoir été digne de recevoir de Dieu une loi : animal doué de raison, capable de comprendre et de discerner, il réglera sa conduite en disposant de sa liberté et de sa raison, dans la soumission à Celui qui lui a tout remis (Tertullien, Marc. 2, 4).
1952. Les expressions de la loi morale sont diverses, et elles sont toutes coordonnées entre elles : la loi éternelle, source en Dieu de toutes les lois ; la loi naturelle ; la loi révélée comprenant la Loi ancienne et la Loi nouvelle ou évangélique ; enfin les lois civiles et ecclésiastiques.
1953. La loi morale trouve dans le Christ sa plénitude et son unité. Jésus Christ est en personne le chemin de la perfection. Il est la fin de la Loi, car lui seul enseigne et donne la justice de Dieu : " Car la fin de la Loi, c’est le Christ pour la justification de tout croyant " (Rm 10, 4).
2055. Lorsqu’on lui pose la question : " Quel est le plus grand commandement de la Loi ? " (Mt 22, 36), Jésus répond : " Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit ; voilà le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. A ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes " (Mt 22, 37-40 ; cf. Dt 6, 5 ; Lv 19, 18). Le Décalogue doit être interprété à la lumière de ce double et unique commandement de la charité, plénitude de la Loi :
Le précepte : tu ne commettras pas d’adultère ; tu ne tueras pas ; tu ne voleras pas ; tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en ces mots : tu aimeras ton prochain comme toi-même. La charité ne fait point de tort au prochain. La charité est donc la loi dans sa plénitude (Rm 13, 9-10).
2056. Le Décalogue dans l’Écriture Sainte
Le mot " Décalogue " signifie littéralement " dix paroles " (Ex 34, 28 ; Dt 4, 13 ; 10, 4). Ces " dix paroles ", Dieu les a révélées à son peuple sur la montagne sainte. Il les a écrites " de son Doigt " (Ex 31, 18 ; Dt 5, 22), à la différence des autres préceptes écrits par Moïse (cf. Dt 31, 9. 24). Elles constituent des paroles de Dieu à un titre éminent. Elles nous sont transmises dans le livre de l’Exode (cf. Ex 20, 1-17) et dans celui du Deutéronome (cf. Dt 5, 6-22). Dès l’Ancien Testament, les livres saints font référence aux " dix paroles " (cf. par exemple Os 4, 2 ; Jr 7, 9 ; Ez 18, 5-9). Mais c’est dans la nouvelle Alliance en Jésus Christ que leur plein sens sera révélé.
2057. Le Décalogue se comprend d’abord dans le contexte de l’Exode qui est le grand événement libérateur de Dieu au centre de l’ancienne Alliance. Qu’ils soient formulés comme des préceptes négatifs, des interdictions, ou comme des commandements positifs (comme : " honore ton père et ta mère "), les " dix paroles " indiquent les conditions d’une vie libérée de l’esclavage du péché. Le Décalogue est un chemin de vie :
Si tu aimes ton Dieu, si tu marches dans ses voies, si tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes, tu vivras et tu te multiplieras " (Dt 30, 14).
Cette force libératrice du Décalogue apparaît par exemple dans le commandement sur le repos du sabbat, destiné également aux étrangers et aux esclaves :
Souvenez-vous : vous étiez des esclaves sur une terre étrangère. Le Seigneur votre Dieu vous en a fait sortir à main forte et à bras étendu (Dt 5, 15).
2058. Les " dix paroles " résument et proclament la loi de Dieu : " Telles sont les paroles que vous adressa le Seigneur quand vous étiez tous assemblés sur la montagne. Il vous parla du milieu du feu, dans la nuée et les ténèbres d’une voix puissante. Il n’y ajouta rien et les écrivit sur deux tables de pierre qu’il me donna " (Dt 5, 22). C’est pourquoi ces deux tables sont appelées " le Témoignage " (Ex 25, 16). Elles contiennent en effet les clauses de l’alliance conclue entre Dieu et son peuple. Ces " tables du Témoignage " (Ex 31, 18 ; 32, 15 ; 34, 29) doivent être déposées dans " l’arche " (Ex 25, 16 ; 40, 1-2).
2059. Les " dix paroles " sont prononcées par Dieu au sein d’une théophanie (" Sur la montagne, au milieu du feu, le Seigneur vous a parlé face à face " : Dt 5, 4). Elles appartiennent à la révélation que Dieu fait de lui-même et de sa gloire. Le don des commandements est don de Dieu lui-même et de sa sainte volonté. En faisant connaître ses volontés, Dieu se révèle à son peuple.
2060. Le don des commandements et de la Loi fait partie de l’Alliance scellée par Dieu avec les siens. Suivant le livre de l’Exode, la révélation des " dix paroles " est accordée entre la proposition de l’Alliance (cf. Ex 19) et sa conclusion (cf. Ex 24), – après que le peuple se soit engagé à " faire " tout ce que le Seigneur avait dit, et à y " obéir " (Ex 24, 7). Le Décalogue n’est jamais transmis qu’après le rappel de l’Alliance (" Le Seigneur, notre Dieu, a conclu avec nous une alliance à l’Horeb " : Dt 5, 2).
2061. Les commandements reçoivent leur pleine signification à l’intérieur de l’Alliance. Selon l’Écriture, l’agir moral de l’homme prend tout son sens dans et par l’Alliance. La première des " dix paroles " rappelle l’amour premier de Dieu pour son peuple :
Comme il y avait eu, en châtiment du péché, passage du paradis de la liberté à la servitude de ce monde, pour cette raison, la première phrase du Décalogue, première parole des commandements de Dieu, porte sur la liberté " Moi, je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir de la terre d’Egypte, de la maison de servitude " (Ex 20, 2 ; Dt 5, 6) (Origène, hom. in Ex. 8, 1).
2062. Les commandements proprement dits viennent en second lieu ; ils disent les implications de l’appartenance à Dieu instituée par l’Alliance. L’existence morale est réponse à l’initiative aimante du Seigneur. Elle est reconnaissance, hommage à Dieu et culte d’action de grâce. Elle est coopération au dessein que Dieu poursuit dans l’histoire.
2063. L’alliance et le dialogue entre Dieu et l’homme sont encore attestés du fait que toutes les obligations sont énoncées à la première personne (" Je suis le Seigneur ... ") et adressées à un autre sujet (" tu ... "). Dans tous les commandements de Dieu, c’est un pronom personnel singulier qui désigne le destinataire. En même temps qu’à tout le peuple, Dieu fait connaître sa volonté à chacun en particulier :
Le Seigneur prescrivit l’amour envers Dieu et enseigna la justice envers le prochain, afin que l’homme ne fut ni injuste, ni indigne de Dieu. Ainsi, par le Décalogue, Dieu préparait l’homme à devenir son ami et à n’avoir qu’un seul cœur avec son prochain .... Les paroles du Décalogue demeurent pareillement chez nous [chrétiens]. Loin d’être abolies, elles ont reçu amplification et développement du fait de la venue du Seigneur dans la chair (S. Irénée, hær. 4, 16, 3-4).
2083. Jésus a résumé les devoirs de l’homme envers Dieu par cette parole : " Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit " (Mt 22, 37 ; cf. Lc 10, 27 : " ... toutes tes forces "). Celle-ci fait immédiatement écho à l’appel solennel : " Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique " (Dt 6, 4-5).
Dieu a aimé le premier. L’amour du Dieu Unique est rappelé dans la première des " dix paroles ". Les commandements explicitent ensuite la réponse d’amour que l’homme est appelé à donner à son Dieu.
Je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude. Tu n’auras pas d’autres dieux que moi. Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux là-haut, ou sur la terre ici-bas, ou dans les eaux en dessous de la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces images ni ne les serviras (Ex 20, 2-5 ; cf. Dt 5, 6-9).
Il est écrit : " C’est le Seigneur, ton Dieu, que tu adoreras, et à Lui seul tu rendras un culte " (Mt 4, 10).
2084. I. " Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras "
Dieu se fait connaître en rappelant son action toute-puissante, bienveillante et libératrice dans l’histoire de celui auquel il s’adresse : " Je t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude ". La première parole contient le premier commandement de la loi : " Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras ... Vous n’irez pas à la suite d’autres dieux " (Dt 6, 13-14). Le premier appel et la juste exigence de Dieu est que l’homme l’accueille et l’adore.
2085. Le Dieu unique et vrai révèle d’abord sa gloire à Israël (cf. Ex 19, 16-25 ; 24, 15-18). La révélation de la vocation et de la vérité de l’homme est liée à la révélation de Dieu. L’homme a la vocation de manifester Dieu par son agir en conformité avec sa création " à l’image et à la ressemblance de Dieu " :
Il n’y aura jamais d’autre Dieu, Tryphon, et il n’y en a pas eu d’autre, depuis les siècles ... que celui qui a fait et ordonné l’univers. Nous ne pensons pas que notre Dieu soit différent du vôtre. Il est le même qui a fait sortir vos pères d’Égypte " par sa main puissante et son bras élevé ". Nous ne mettons pas nos espérances en quelque autre, il n’y en a pas, mais dans le même que vous, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (S. Justin, dial. 11, 1).
2086. " Le premier des préceptes embrasse la foi, l’espérance et la charité. Qui dit Dieu, en effet, dit un être constant, immuable, toujours le même, fidèle, parfaitement juste. D’où il suit que nous devons nécessairement accepter ses Paroles, et avoir en lui une foi et une confiance entières. Il est tout-puissant, clément, infiniment porté à faire du bien. Qui pourrait ne pas mettre en lui toutes ses espérances ? Et qui pourrait ne pas l’aimer en contemplant les trésors de bonté et de tendresse qu’il a répandus sur nous ? De là cette formule que Dieu emploie dans la Sainte Écriture soit au commencement, soit à la fin de ses préceptes : ‘Je suis le Seigneur’ " (Catech. R. 3, 2, 4).
2087. Notre vie morale trouve sa source dans la foi en Dieu qui nous révèle son amour. S. Paul parle de l’ "obéissance de la foi " (Rm 1, 5 ; 16, 2) comme de la première obligation. Il fait voir dans la " méconnaissance de Dieu " le principe et l’explication de toutes les déviations morales (cf. Rm 1, 18-32). Notre devoir à l’égard de Dieu est de croire en Lui et de Lui rendre témoignage.
2088. Le premier commandement nous demande de nourrir et de garder avec prudence et vigilance notre foi et de rejeter tout ce qui s’oppose à elle. Il y a de diverses manières de pécher contre la foi :
Le doute volontaire portant sur la foi néglige ou refuse de tenir pour vrai ce que Dieu a révélé et que l’Église propose à croire. Le doute involontaire désigne l’hésitation à croire, la difficulté de surmonter les objections liées à la foi ou encore l’anxiété suscitée par l’obscurité de celle-ci. S’il est délibérément cultivé, le doute peut conduire à l’aveuglement de l’esprit.
2089. L’incrédulité est la négligence de la vérité révélée ou le refus volontaire d’y donner son assentiment. " L’hérésie est la négation obstinée, après la réception du baptême, d’une vérité qui doit être crue de foi divine et catholique, ou le doute obstiné sur cette vérité. L’apostasie est le rejet total de la foi chrétienne. Le schisme est le refus de la soumission au Souverain Pontife ou de communion avec les membres de l’Église qui lui sont soumis " (CIC, can. 751).
2090. Lorsque Dieu se révèle et appelle l’homme, celui-ci ne peut répondre pleinement à l’amour divin par ses propres forces. Il doit espérer que Dieu lui donnera la capacité de l’aimer en retour et d’agir conformément aux commandements de la charité. L’espérance est l’attente confiante de la bénédiction divine et de la vision bienheureuse de Dieu ; elle est aussi la crainte d’offenser l’amour de Dieu et de provoquer le châtiment.
2091. Le premier commandement vise aussi les péchés contre l’espérance, qui sont le désespoir et la présomption :
Par le désespoir, l’homme cesse d’espérer de Dieu son salut personnel, les secours pour y parvenir ou le pardon de ses péchés. Il s’oppose à la Bonté de Dieu, à sa Justice – car le Seigneur est fidèle à ses promesses -, et à sa Miséricorde.
2092. Il y deux sortes de présomption. Ou bien, l’homme présume de ses capacités (espérant pouvoir se sauver sans l’aide d’en Haut), ou bien il présume de la toute-puissance ou de la miséricorde divines (espérant obtenir son pardon sans conversion et la gloire sans mérite).
2093. La foi dans l’amour de Dieu enveloppe l’appel et l’obligation de répondre à la charité divine par un amour sincère. Le premier commandement nous ordonne d’aimer Dieu par-dessus tout et toutes les créatures pour Lui et à cause de Lui (cf. Dt 6, 4-5).
2094. On peut pécher de diverses manières contre l’amour de Dieu : L’indifférence néglige ou refuse la considération de la charité divine ; elle en méconnaît la prévenance et en dénie la force. L’ingratitude omet ou récuse de reconnaître la charité divine et de lui rendre en retour amour pour amour. La tiédeur est une hésitation ou une négligence à répondre à l’amour divin, elle peut impliquer le refus de se livrer au mouvement de la charité. L’acédie ou paresse spirituelle va jusqu’à refuser la joie qui vient de Dieu et à prendre en horreur le bien divin. La haine de Dieu vient de l’orgueil. Elle s’oppose à l’amour de Dieu dont elle nie la bonté et qu’elle prétend maudire comme celui qui prohibe les péchés et qui inflige les peines.
2095. II. " C’est a lui seul que tu rendras un culte "
Les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité informent et vivifient les vertus morales. Ainsi, la charité nous porte à rendre à Dieu ce qu’en toute justice nous lui devons en tant que créatures. La vertu de religion nous dispose à cette attitude.
2096. De la vertu de religion, l’adoration est l’acte premier. Adorer Dieu, c’est le reconnaître comme Dieu, comme le Créateur et le Sauveur, le Seigneur et le Maître de tout ce qui existe, l’Amour infini et miséricordieux. " Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et c’est à lui seul que tu rendras un culte " (Lc 4, 8) dit Jésus, citant le Deutéronome (6, 13).
2097. Adorer Dieu, c’est, dans le respect et la soumission absolue reconnaître le " néant de la créature " qui n’est que par Dieu. Adorer Dieu, c’est comme Marie, dans le Magnificat, le louer, l’exalter et s’humilier soi-même, en confessant avec gratitude qu’Il a fait de grandes choses et que saint est son nom (cf. Lc 1, 46-49). L’adoration du Dieu unique libère l’homme du repliement sur soi-même, de l’esclavage du péché et de l’idolâtrie du monde.
2098. Les actes de foi, d’espérance et de charité que commande le premier commandement s’accomplissent dans la prière. L’élévation de l’esprit vers Dieu est une expression de notre adoration de Dieu : prière de louange et d’action de grâce, d’intercession et de demande. La prière est une condition indispensable pour pouvoir obéir aux commandements de Dieu. " Il faut toujours prier sans jamais se lasser " (Lc 18, 1).
2099. Il est juste d’offrir à Dieu des sacrifices en signe d’adoration et de reconnaissance, de supplication et de communion : " Est un véritable sacrifice toute action opérée pour adhérer à Dieu dans la sainte communion et pouvoir être bienheureux " (S. Augustin, civ. 10, 6).
2100. Pour être véridique, le sacrifice extérieur doit être l’expression du sacrifice spirituel : " Mon sacrifice, c’est un esprit brisé ... " (Ps 51, 19). Les prophètes de l’Ancienne Alliance ont souvent dénoncé les sacrifices faits sans participation intérieure (cf. Am 5, 21-25) ou sans lien avec l’amour du prochain (cf. Is 1, 10-20). Jésus rappelle la parole du prophète Osée : " C’est la miséricorde que je désire, et non le sacrifice " (Mt 9, 13 ; 12, 7 ; cf. Os 6, 6). Le seul sacrifice parfait est celui que le Christ a offert sur la croix en totale offrande à l’amour du Père et pour notre salut (cf. He 9, 13-14). En nous unissant à son sacrifice nous pouvons faire de notre vie un sacrifice à Dieu.
2101. En plusieurs circonstances, le chrétien est appelé à faire des promesses à Dieu. Le baptême et la confirmation, le mariage et l’ordination en comportent toujours. Par dévotion personnelle, le chrétien peut aussi promettre à Dieu tel acte, telle prière, telle aumône, tel pèlerinage, etc. La fidélité aux promesses faites à Dieu est une manifestation du respect dû à la Majesté divine et de l’amour envers le Dieu fidèle.
2102. " Le vœu, c’est-à-dire la promesse délibérée et libre faite à Dieu d’un bien possible et meilleur doit être accompli au titre de la vertu de religion " (CIC, can. 1191, § 1). Le vœu est un acte de dévotion dans lequel le chrétien se voue lui-même à Dieu ou lui promet une œuvre bonne. Par l’accomplissement de ses vœux, il rend donc à Dieu ce qui Lui a été promis et consacré. Les Actes des Apôtres nous montrent S. Paul soucieux d’accomplir les vœux qu’il a faits (cf. Ac 18, 18 ; 21, 23-24).
2103. L’Église reconnaît une valeur exemplaire aux vœux de pratiquer les conseils évangéliques (cf. CIC, can. 654) :
L’Église notre Mère se réjouit de ce qu’il se trouve dans son sein en grand nombre des hommes et des femmes pour vouloir suivre de plus près et manifester plus clairement l’anéantissement du Sauveur, en assumant, dans la liberté des fils de Dieu, la pauvreté et en renonçant à leur propre volonté ; c’est-à-dire des hommes et des femmes qui se soumettent en matière de perfection, au-delà de ce qu’exige le commandement, à une créature humaine à cause de Dieu afin de se conformer plus pleinement au Christ obéissant (LG 42).
En certains cas, l’Église peut, pour des raisons proportionnées, dispenser des vœux et des promesses (cf. CIC, can. 692 ; 1196-1197).
2104. Le devoir social de religion et le droit à la liberté religieuse
" Tous les hommes sont tenus de chercher la vérité, surtout en ce qui concerne Dieu et son Église ; et quand ils l’ont connue, de l’embrasser et de lui être fidèles " (DH 1). Ce devoir découle de " la nature même des hommes " (DH 2). Il ne contredit pas un " respect sincère " pour les diverses religions qui " apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes " (NA 2), ni l’exigence de la charité qui presse les chrétiens " d’agir avec amour, prudence, patience, envers ceux qui se trouvent dans l’erreur ou dans l’ignorance de la foi " (DH 14).
2105. Le devoir de rendre à Dieu un culte authentique concerne l’homme individuellement et socialement. C’est là " la doctrine catholique traditionnelle sur le devoir moral des hommes et des sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du Christ " (DH 1). En évangélisant sans cesse les hommes, l’Église travaille à ce qu’ils puissent " pénétrer d’esprit chrétien les mentalités et les mœurs, les lois et les structures de la communauté où ils vivent " (AA 10). Le devoir social des chrétiens est de respecter et d’éveiller en chaque homme l’amour du vrai et du bien. Il leur demande de faire connaître le culte de l’unique vraie religion qui subsiste dans l’Église catholique et apostolique (cf. DH 1). Les chrétiens sont appelés à être la lumière du monde (cf. AA 13). L’Église manifeste ainsi la royauté du Christ sur toute la création et en particulier sur les sociétés humaines (cf. Léon XIII, enc. " Immortale Dei " ; Pie XI, enc. " Quas primas ").
2104. Le devoir social de religion et le droit à la liberté religieuse
" Tous les hommes sont tenus de chercher la vérité, surtout en ce qui concerne Dieu et son Église ; et quand ils l’ont connue, de l’embrasser et de lui être fidèles " (DH 1). Ce devoir découle de " la nature même des hommes " (DH 2). Il ne contredit pas un " respect sincère " pour les diverses religions qui " apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes " (NA 2), ni l’exigence de la charité qui presse les chrétiens " d’agir avec amour, prudence, patience, envers ceux qui se trouvent dans l’erreur ou dans l’ignorance de la foi " (DH 14).
2105. Le devoir de rendre à Dieu un culte authentique concerne l’homme individuellement et socialement. C’est là " la doctrine catholique traditionnelle sur le devoir moral des hommes et des sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du Christ " (DH 1). En évangélisant sans cesse les hommes, l’Église travaille à ce qu’ils puissent " pénétrer d’esprit chrétien les mentalités et les mœurs, les lois et les structures de la communauté où ils vivent " (AA 10). Le devoir social des chrétiens est de respecter et d’éveiller en chaque homme l’amour du vrai et du bien. Il leur demande de faire connaître le culte de l’unique vraie religion qui subsiste dans l’Église catholique et apostolique (cf. DH 1). Les chrétiens sont appelés à être la lumière du monde (cf. AA 13). L’Église manifeste ainsi la royauté du Christ sur toute la création et en particulier sur les sociétés humaines (cf. Léon XIII, enc. " Immortale Dei " ; Pie XI, enc. " Quas primas ").
2106. " Qu’en matière religieuse, nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience, ni empêché d’agir, dans de justes limites, suivant sa conscience en privé comme en public, seul ou associé à d’autres " (DH 2). Ce droit est fondé sur la nature même de la personne humaine dont la dignité lui fait adhérer librement à vérité divine qui transcende l’ordre temporel. C’est pourquoi il " persiste même en ceux-là qui ne satisfont pas à l’obligation de chercher la vérité et d’y adhérer " (DH 2).
2107. " Si, en raison des circonstances particulières dans lesquelles se trouvent des peuples, une reconnaissance civile spéciale est accordée dans l’ordre juridique de la cité à une société religieuse donnée, il est nécessaire qu’en même temps, pour tous les citoyens et toutes les communautés religieuses, le droit à la liberté en matière religieuse soit reconnu et respecté " (DH 6).
2108. Le droit à la liberté religieuse n’est ni la permission morale d’adhérer à l’erreur (cf. Léon XIII, enc. " Libertas præstantissimum "), ni un droit supposé à l’erreur (cf. Pie XII, discours 6 décembre 1953), mais un droit naturel de la personne humaine à la liberté civile, c’est-à-dire à l’immunité de contrainte extérieure, dans de justes limites, en matière religieuse, de la part du pouvoir politique. Ce droit naturel doit être reconnu dans l’ordre juridique de la société de telle manière qu’il constitue un droit civil (cf. DH 2).
2109. Le droit à la liberté religieuse ne peut être de soi ni illimité (cf. Pie VI, bref " Quod aliquantum "), ni limité seulement par un " ordre public " conçu de manière positiviste ou naturaliste (cf. Pie IX, enc. " Quanta cura "). Les " justes limites " qui lui sont inhérentes doivent être déterminées pour chaque situation sociale par la prudence politique, selon les exigences du bien commun, et ratifiées par l’autorité civile selon des " règles juridiques conformes à l’ordre moral objectif " (DH 7).
2110. III. " Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi "
Le premier commandement interdit d’honorer d’autres dieux que l’Unique Seigneur qui s’est révélé à son peuple. Il proscrit la superstition et l’irréligion. La superstition représente en quelque sorte un excès pervers de religion ; l’irréligion est un vice opposé par défaut à la vertu de religion.
2111. La superstition est la déviation du sentiment religieux et des pratiques qu’il impose. Elle peut affecter aussi le culte que nous rendons au vrai Dieu, par exemple, lorsqu’on attribue une importance en quelque sorte magique à certaines pratiques, par ailleurs légitimes ou nécessaires. Attacher à la seule matérialité des prières ou des signes sacramentels leur efficacité, en dehors de dispositions intérieures qu’ils exigent, c’est tomber dans la superstition (cf. Mt 23, 16-22).
2112. Le premier commandement condamne le polythéisme. Il exige de l’homme de ne pas croire en d’autres dieux que Dieu, de ne pas vénérer d’autres divinités que l’Unique. L’Écriture rappelle constamment ce rejet des " idoles, or et argent, œuvres de mains d’hommes ", elles qui " ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas ... ". Ces idoles vaines rendent vain : " Comme elles, seront ceux qui les firent, quiconque met en elles sa foi " (Ps 115, 4-5. 8 ; cf. Is 44, 9-20 ; Jr 10, 1-16 ; Dn 14, 1-30 ; Ba 6 ; Sg 13, 1 – 15, 19). Dieu, au contraire, est le " Dieu vivant " (Jos 3, 10 ; Ps 42, 3 ; etc.), qui fait vivre et intervient dans l’histoire.
2113. L’idolâtrie ne concerne pas seulement les faux cultes du paganisme. Elle reste une tentation constante de la foi. Elle consiste à diviniser ce qui n’est pas Dieu. Il y a idolâtrie dès lors que l’homme honore et révère une créature à la place de Dieu, qu’il s’agisse des dieux ou des démons (par exemple le satanisme), de pouvoir, de plaisir, de la race, des ancêtres, de l’Etat, de l’argent, etc. " Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon ", dit Jésus (Mt 6, 24). De nombreux martyrs sont morts pour ne pas adorer " la Bête " (cf. Ap 13-14), en refusant même d’en simuler le culte. L’idolâtrie récuse l’unique Seigneurie de Dieu ; elle est donc incompatible avec la communion divine (cf. Ga 5, 20 ; Ep 5, 5).
2114. La vie humaine s’unifie dans l’adoration de l’Unique. Le commandement d’adorer le seul Seigneur simplifie l’homme et le sauve d’une dispersion infinie. L’idolâtrie est une perversion du sens religieux inné de l’homme. L’idolâtre est celui qui " rapporte à n’importe quoi plutôt qu’à Dieu son indestructible notion de Dieu " (Origène, Cels. 2, 40).
2115. Dieu peut révéler l’avenir à ses prophètes ou à d’autres saints. Cependant l’attitude chrétienne juste consiste à s’en remettre avec confiance entre les mains de la Providence pour ce qui concerne le futur et à abandonner toute curiosité malsaine à ce propos. L’imprévoyance peut constituer un manque de responsabilité.
2116. Toutes les formes de divination sont à rejeter : recours à Satan ou aux démons, évocation des morts ou autres pratiques supposées à tort " dévoiler " l’avenir (cf. Dt 18, 10 ; Jr 29, 8). La consultation des horoscopes, l’astrologie, la chiromancie, l’interprétation des présages et des sorts, les phénomènes de voyance, le recours aux médiums recèlent une volonté de puissance sur le temps, sur l’histoire et finalement sur les hommes en même temps qu’un désir de se concilier les puissances cachées. Elles sont en contradiction avec l’honneur et le respect, mêlé de crainte aimante, que nous devons à Dieu seul.
2117. Toutes les pratiques de magie ou de sorcellerie par lesquelles on prétend domestiquer les puissances occultes pour les mettre à son service et obtenir un pouvoir surnaturel sur le prochain, – fût-ce pour lui procurer la santé -, sont gravement contraires à la vertu de religion. Ces pratiques sont plus condamnables encore quant elles s’accompagnent d’une intention de nuire à autrui ou qu’elles recourent ou non à l’intervention des démons. Le port des amulettes est lui aussi répréhensible. Le spiritisme implique souvent des pratiques divinatoires ou magiques. Aussi l’Église avertit-elle les fidèles de s’en garder. Le recours aux médecines dites traditionnelles ne légitime ni l’invocation des puissances mauvaises, ni l’exploitation de la crédulité d’autrui.
2118. Le premier commandement de Dieu réprouve les principaux péchés d’irréligion : l’action de tenter Dieu, en paroles ou en actes, le sacrilège et la simonie.
2119. L’action de tenter Dieu consiste en une mise à l’épreuve, en parole ou en acte, de sa bonté et de sa toute-puissance. C’est ainsi que Satan voulait obtenir de Jésus qu’il se jette du Temple et force Dieu, par ce geste, à agir (cf. Lc 4, 9). Jésus lui oppose la parole de Dieu : " Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu " (Dt 6, 16). Le défi que contient pareille tentation de Dieu blesse le respect et la confiance que nous devons à notre Créateur et Seigneur. Il inclut toujours un doute concernant son amour, sa providence et sa puissance (cf. 1 Co 10, 9 ; Ex 17, 2-7 ; Ps 95, 9).
2120. Le sacrilège consiste à profaner ou à traiter indignement les sacrements et les autres actions liturgiques, ainsi que les personnes, les choses et les lieux consacrés à Dieu. Le sacrilège est un péché grave surtout quand il est commis contre l’Eucharistie puisque, dans ce sacrement, le Corps même du Christ nous est rendu présent substantiellement (cf. CIC, can. 1367 ; 1376).
2121. La simonie (cf. Ac 8, 9-24) se définit comme l’achat ou la vente des réalités spirituelles. A Simon le magicien, qui voulait acheter le pouvoir spirituel qu’il voyait à l’œuvre dans les apôtres, Pierre répond : " Périsse ton argent, et toi avec lui, puisque tu as cru acheter le don de Dieu à prix d’argent " (Ac 8, 20). Il se conformait ainsi à la parole de Jésus : " Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement " (Mt 10, 8 ; cf. déjà Is 55, 1). Il est impossible de s’approprier les biens spirituels et de se comporter à leur égard comme un possesseur ou un maître, puisqu’ils ont leur source en Dieu. On ne peut que les recevoir gratuitement de Lui.
2122. " En dehors des offrandes fixées par l’autorité compétente, le ministre ne demandera rien pour l’administration des sacrements, en veillant toujours à ce que les nécessiteux ne soient pas privés de l’aide des sacrements à cause de leur pauvreté " (CIC, can. 848). L’autorité compétente fixe ces " offrandes " en vertu du principe que le peuple chrétien doit subvenir à l’entretien des ministres de l’Église. " L’ouvrier mérite sa nourriture " (Mt 10, 10 ; cf. Lc 10, 7 ; 1 Co 9, 5-18 ; 1 Tm 5, 17-18).
2123. " Beaucoup de nos contemporains ne perçoivent pas du tout ou même rejettent explicitement le rapport intime et vital qui unit l’homme à Dieu : à tel point que l’athéisme compte parmi les faits les plus graves de ce temps " (GS 19, § 1).
2124. Le nom d’athéisme recouvre des phénomènes très divers. Une forme fréquente en est le matérialisme pratique qui borne ses besoins et ses ambitions à l’espace et au temps. L’humanisme athée considère faussement que l’homme " est pour lui-même sa propre fin, le seul artisan et le démiurge de son histoire " (GS 20, § 1). Une autre forme de l’athéisme contemporain attend la libération de l’homme d’une libération économique et sociale à laquelle " s’opposerait par sa nature même, la religion, dans la mesure où érigeant l’espérance de l’homme sur le mirage d’une vie future, elle le détournerait d’édifier la cité terrestre " (GS 20, § 2).
2125. En tant qu’il rejette ou refuse l’existence de Dieu, l’athéisme est un péché contre la vertu de religion (cf. Rm 1, 18). L’imputabilité de cette faute peut être largement diminuée en vertu des intentions et des circonstances. Dans la genèse et la diffusion de l’athéisme, " les croyants peuvent avoir une part qui n’est pas mince, dans la mesure où, par la négligence dans l’éducation de la foi, par des représentations trompeuses de la doctrine, et aussi par des défaillances de leur vie religieuse, morale et sociale, on peut dire qu’ils voilent l’authentique visage de Dieu et de la religion plus qu’ils ne le révèlent " (GS 19, § 3).
2126. Souvent l’athéisme se fonde sur une conception fausse de l’autonomie humaine, poussée jusqu’au refus de toute dépendance à l’égard de Dieu (cf. GS 20, § 1). Pourtant, " la reconnaissance de Dieu ne s’oppose en aucune façon à la dignité de l’homme, puisque cette dignité trouve en Dieu lui-même ce qui la fonde et ce qui l’achève " (GS 21, § 3). L’Église sait " que son message est en accord avec le fond secret du cœur humain " (GS 21, § 7).
2127. L’agnosticisme revêt plusieurs formes. Dans certains cas, l’agnostique se refuse à nier Dieu ; il postule au contraire l’existence d’un être transcendant qui ne pourrait se révéler et dont personne ne saurait rien dire. Dans d’autres cas, l’agnostique ne se prononce pas sur l’existence de Dieu, déclarant qu’il est impossible de la prouver et même de l’affirmer ou de la nier.
2118. Le premier commandement de Dieu réprouve les principaux péchés d’irréligion : l’action de tenter Dieu, en paroles ou en actes, le sacrilège et la simonie.
2129. IV. " Tu ne te feras aucune image sculptée... "
L’injonction divine comportait l’interdiction de toute représentation de Dieu par la main de l’homme. Le Deutéronome explique : " Puisque vous n’avez vu aucune forme, le jour où le Seigneur, à l’Horeb, vous a parlé du milieu du feu, n’allez pas vous pervertir et vous faire une image sculptée représentant quoi que ce soit ... " (Dt 4, 15-16). C’est le Dieu absolument Transcendant qui s’est révélé à Israël. " Il est toutes choses ", mais en même temps, " Il est au-dessus de toutes ses œuvres " (Si 43, 27-28). Il est " la source même de toute beauté créée " (Sg 13, 3).
2130. Cependant dès l’Ancien Testament, Dieu a ordonné ou permis l’institution d’images qui conduiraient symboliquement au salut par le Verbe incarné : ainsi le serpent d’airain (cf. Nb 21, 4-9 ; Sg 16, 5-14 ; Jn 3, 14-15), l’arche d’Alliance et les chérubins (cf. Ex 25, 10-22 ; 1 R 6, 23-28 ; 7, 23-26).
2131. C’est en se fondant sur le mystère du Verbe incarné que le septième Concile œcuménique, à Nicée (en 787), a justifié, contre les iconoclastes, le culte des icônes : celles du Christ, mais aussi celles de la Mère de Dieu, des anges et de tous les saints. En s’incarnant, le Fils de Dieu a inauguré une nouvelle " économie " des images.
2132. Le culte chrétien des images n’est pas contraire au premier commandement qui proscrit les idoles. En effet, " l’honneur rendu à une image remonte au modèle original " (S. Basile, Spir. 18, 45 : PG 32, 149C), et " quiconque vénère une image, vénère en elle la personne qui y est dépeinte " (Cc. Nicée II : DS 601 ; cf. Cc. Trente : DS 1821-1825 ; Cc. Vatican II : SC 126 ; LG 67). L’honneur rendu aux saintes images est une " vénération respectueuse ", non une adoration qui ne convient qu’à Dieu seul :
Le culte de la religion ne s’adresse pas aux images en elles-mêmes comme des réalités, mais les regarde sous leur aspect propre d’images qui nous conduisent à Dieu incarné. Or le mouvement qui s’adresse à l’image en tant que telle ne s’arrête pas à elle, mais tend à la réalité dont elle est l’image (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 81, 3, ad 3).
2558. Quatrième Partie : La prière chrétienne
Première Section : LA PRIERE DANS LA VIE CHRETIENNE
" Il est grand le Mystère de la foi ". L’Église le professe dans le Symbole des Apôtres (Première Partie) et elle le célèbre dans la Liturgie sacramentelle (Deuxième Partie), afin que la vie des fidèles soit conformée au Christ dans l’Esprit Saint à la gloire de Dieu le Père (Troisième Partie). Ce Mystère exige donc que les fidèles y croient, le célèbrent et en vivent dans une relation vivante et personnelle avec le Dieu vivant et vrai. Cette relation est la prière.
Pour moi, la prière c’est un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie (Ste. Thérèse de l’Enfant-Jésus, ms. autob. C 25r).
2559. " La prière est l’élévation de l’âme vers Dieu ou la demande à Dieu des biens convenables " (S. Jean Damascène, f. o. 3, 24 : PG 94, 1089D). D’où parlons-nous en priant ? De la hauteur de notre orgueil et de notre volonté propre, ou des " profondeurs " (Ps 130, 14) d’un cœur humble et contrit ? C’est celui qui s’abaisse qui est élevé (cf. Lc 18, 9-14). L’humilité est le fondement de la prière. " Nous ne savons que demander pour prier comme il faut " (Rm 8, 26). L’humilité est la disposition pour recevoir gratuitement le don de la prière : L’homme est un mendiant de Dieu (cf. S. Augustin, serm. 56, 6, 9 : PL 38, 381).
2560. " Si tu savais le don de Dieu ! " (Jn 4, 10). La merveille de la prière se révèle justement là, au bord des puits où nous venons chercher notre eau : là, le Christ vient à la rencontre de tout être humain, il est le premier à nous chercher et c’est lui qui demande à boire. Jésus a soif, sa demande vient des profondeurs de Dieu qui nous désire. La prière, que nous le sachions ou non, est la rencontre de la soif de Dieu et de la nôtre. Dieu a soif que nous ayons soif de Lui (cf. S. Augustin, quæst. 64, 4 : PL 40, 56).
2561. " C’est toi qui l’en aurais prié et il t’aurait donné de l’eau vive " (Jn 4, 10). Notre prière de demande est paradoxalement une réponse. Réponse à la plainte du Dieu vivant : " Ils m’ont abandonné, moi la Source d’eau vive, pour se creuser des citernes lézardées ! " (Jr 2, 13), réponse de foi à la promesse gratuite du salut (cf. Jn 7, 37-39 ; Is 12, 3 ; 51, 1), réponse d’amour à la soif du Fils unique (cf. Jn 19, 28 ; Za 12, 10 ; 13, 1).
2562. D’où vient la prière de l’homme ? Quel que soit le langage de la prière (gestes et paroles), c’est tout l’homme qui prie. Mais pour désigner le lieu d’où jaillit la prière, les Écritures parlent parfois de l’âme ou de l’esprit, le plus souvent du cœur (plus de mille fois). C’est le cœur qui prie. S’il est loin de Dieu, l’expression de la prière est vaine.
2563. Le cœur est la demeure où je suis, où j’habite (selon l’expression sémitique ou biblique : où je " descends "). Il est notre centre caché, insaisissable par notre raison et par autrui ; seul l’Esprit de Dieu peut le sonder et le connaître. Il est le lieu de la décision, au plus profond de nos tendances psychiques. Il est le lieu de la vérité, là où nous choisissons la vie ou la mort. Il est le lieu de la rencontre, puisque à l’image de Dieu, nous vivons en relation : il est le lieu de l’Alliance.
2564. La prière chrétienne est une relation d’Alliance entre Dieu et l’homme dans le Christ. Elle est action de Dieu et de l’homme ; elle jaillit de l’Esprit Saint et de nous, toute dirigée vers le Père, en union avec la volonté humaine du Fils de Dieu fait homme.
2565. Dans la nouvelle Alliance, la prière est la relation vivante des enfants de Dieu avec leur Père infiniment bon, avec son Fils Jésus Christ et avec l’Esprit Saint. La grâce du Royaume est " l’union de la Sainte Trinité tout entière avec l’esprit tout entier " (S. Grégoire de Naz., or. 16, 9 : PG 35, 954C). La vie de prière est ainsi d’être habituellement en présence du Dieu trois fois Saint et en communion avec Lui. Cette communion de vie est toujours possible parce que, par le Baptême, nous sommes devenus un même être avec le Christ (cf. Rm 6, 5). La prière est chrétienne en tant qu’elle est communion au Christ et se dilate dans l’Église qui est son Corps. Ses dimensions sont celles de l’Amour du Christ (cf. Ep 3, 18-21).
2566. L’homme est en quête de Dieu. Par la création Dieu appelle tout être du néant à l’existence. Couronné de gloire et de splendeur (cf. Ps 8, 6), l’homme est, après les anges, capable de reconnaître qu’il est grand le Nom du Seigneur par toute la terre (cf. Ps 8, 2). Même après avoir perdu la ressemblance avec Dieu par son péché, l’homme reste à l’image de son Créateur. Il garde le désir de Celui qui l’appelle à l’existence. Toutes les religions témoignent de cette quête essentielle des hommes (cf. Ac 17, 27).
2567. Dieu, le premier, appelle l’homme. Que l’homme oublie son Créateur ou se cache loin de sa Face, qu’il coure après ses idoles ou accuse la divinité de l’avoir abandonné, le Dieu vivant et vrai appelle inlassablement chaque personne à la rencontre mystérieuse de la prière. Cette démarche d’amour du Dieu fidèle est toujours première dans la prière, la démarche de l’homme est toujours une réponse. Au fur et à mesure que Dieu se révèle et révèle l’homme à lui-même, la prière apparaît comme un appel réciproque, un drame d’Alliance. A travers des paroles et des actes, ce drame engage le cœur. Il se dévoile à travers toute l’histoire du salut.
2794. Cette expression biblique ne signifie pas un lieu [ "l’espace "], mais une manière d’être ; non pas l’éloignement de Dieu mais sa majesté. Notre Père n’est pas " ailleurs ", il est " au-delà de tout " ce que nous pouvons concevoir de sa Sainteté. C’est parce qu’il est trois fois Saint, qu’il est tout proche du cœur humble et contrit :
C’est avec raison que ces paroles ‘Notre Père qui es aux cieux’ s’entendent du cœur des justes, où Dieu habite comme dans son temple. Par là aussi celui qui prie désirera voir résider en lui Celui qu’il invoque (S. Augustin, serm. Dom. 2, 5, 17 : PL 34, 1277).
Les " cieux " pourraient bien être aussi ceux qui portent l’image du monde céleste, et en qui Dieu habite et se promène (S. Cyrille de Jérusalem, catech. myst. 5, 11 : PG 33, 1117B).
2795. Le symbole des cieux nous renvoie au mystère de l’Alliance que nous vivons lorsque nous prions notre Père. Il est aux cieux, c’est sa Demeure, la Maison du Père est donc notre " patrie ". C’est de la terre de l’Alliance que le péché nous a exilés (cf. Gn 3) et c’est vers le Père, vers le ciel que la conversion du cœur nous fait revenir (cf. Jr 3, 19 – 4, 1a ; Lc 15, 18. 21). Or c’est dans le Christ que le ciel et la terre sont réconciliés (cf. Is 45, 8 ; Ps 85, 12), car le Fils " est descendu du ciel ", seul, et il nous y fait remonter avec lui, par sa Croix, sa Résurrection et son Ascension (cf. Jn 12, 32 ; 14, 2-3 ; 16, 28 ; 20, 17 ; Ep 4, 9-10 ; He 1, 3 ; 2, 13).
2796. Quand l’Église prie " notre Père qui es aux cieux ", elle professe que nous sommes le Peuple de Dieu déjà " assis aux cieux dans le Christ Jésus " (Ep 2, 6), " cachés avec le Christ en Dieu " (Col 3, 3), et, en même temps, " gémissant dans cet état, ardemment désireux de revêtir, par dessus l’autre notre habitation céleste " (2 Co 5, 2 ; cf. Ph 3, 20 ; He 13, 14) :
Les chrétiens sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur terre, mais sont citoyens du ciel (Epître à Diognète 5, 8-9).
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