2558. Quatrième Partie : La prière chrétienne
Première Section : LA PRIERE DANS LA VIE CHRETIENNE
" Il est grand le Mystère de la foi ". L’Église le professe dans le Symbole des Apôtres (Première Partie) et elle le célèbre dans la Liturgie sacramentelle (Deuxième Partie), afin que la vie des fidèles soit conformée au Christ dans l’Esprit Saint à la gloire de Dieu le Père (Troisième Partie). Ce Mystère exige donc que les fidèles y croient, le célèbrent et en vivent dans une relation vivante et personnelle avec le Dieu vivant et vrai. Cette relation est la prière.
Pour moi, la prière c’est un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie (Ste. Thérèse de l’Enfant-Jésus, ms. autob. C 25r).
2559. " La prière est l’élévation de l’âme vers Dieu ou la demande à Dieu des biens convenables " (S. Jean Damascène, f. o. 3, 24 : PG 94, 1089D). D’où parlons-nous en priant ? De la hauteur de notre orgueil et de notre volonté propre, ou des " profondeurs " (Ps 130, 14) d’un cœur humble et contrit ? C’est celui qui s’abaisse qui est élevé (cf. Lc 18, 9-14). L’humilité est le fondement de la prière. " Nous ne savons que demander pour prier comme il faut " (Rm 8, 26). L’humilité est la disposition pour recevoir gratuitement le don de la prière : L’homme est un mendiant de Dieu (cf. S. Augustin, serm. 56, 6, 9 : PL 38, 381).
2560. " Si tu savais le don de Dieu ! " (Jn 4, 10). La merveille de la prière se révèle justement là, au bord des puits où nous venons chercher notre eau : là, le Christ vient à la rencontre de tout être humain, il est le premier à nous chercher et c’est lui qui demande à boire. Jésus a soif, sa demande vient des profondeurs de Dieu qui nous désire. La prière, que nous le sachions ou non, est la rencontre de la soif de Dieu et de la nôtre. Dieu a soif que nous ayons soif de Lui (cf. S. Augustin, quæst. 64, 4 : PL 40, 56).
2561. " C’est toi qui l’en aurais prié et il t’aurait donné de l’eau vive " (Jn 4, 10). Notre prière de demande est paradoxalement une réponse. Réponse à la plainte du Dieu vivant : " Ils m’ont abandonné, moi la Source d’eau vive, pour se creuser des citernes lézardées ! " (Jr 2, 13), réponse de foi à la promesse gratuite du salut (cf. Jn 7, 37-39 ; Is 12, 3 ; 51, 1), réponse d’amour à la soif du Fils unique (cf. Jn 19, 28 ; Za 12, 10 ; 13, 1).
2562. D’où vient la prière de l’homme ? Quel que soit le langage de la prière (gestes et paroles), c’est tout l’homme qui prie. Mais pour désigner le lieu d’où jaillit la prière, les Écritures parlent parfois de l’âme ou de l’esprit, le plus souvent du cœur (plus de mille fois). C’est le cœur qui prie. S’il est loin de Dieu, l’expression de la prière est vaine.
2563. Le cœur est la demeure où je suis, où j’habite (selon l’expression sémitique ou biblique : où je " descends "). Il est notre centre caché, insaisissable par notre raison et par autrui ; seul l’Esprit de Dieu peut le sonder et le connaître. Il est le lieu de la décision, au plus profond de nos tendances psychiques. Il est le lieu de la vérité, là où nous choisissons la vie ou la mort. Il est le lieu de la rencontre, puisque à l’image de Dieu, nous vivons en relation : il est le lieu de l’Alliance.
2564. La prière chrétienne est une relation d’Alliance entre Dieu et l’homme dans le Christ. Elle est action de Dieu et de l’homme ; elle jaillit de l’Esprit Saint et de nous, toute dirigée vers le Père, en union avec la volonté humaine du Fils de Dieu fait homme.
2565. Dans la nouvelle Alliance, la prière est la relation vivante des enfants de Dieu avec leur Père infiniment bon, avec son Fils Jésus Christ et avec l’Esprit Saint. La grâce du Royaume est " l’union de la Sainte Trinité tout entière avec l’esprit tout entier " (S. Grégoire de Naz., or. 16, 9 : PG 35, 954C). La vie de prière est ainsi d’être habituellement en présence du Dieu trois fois Saint et en communion avec Lui. Cette communion de vie est toujours possible parce que, par le Baptême, nous sommes devenus un même être avec le Christ (cf. Rm 6, 5). La prière est chrétienne en tant qu’elle est communion au Christ et se dilate dans l’Église qui est son Corps. Ses dimensions sont celles de l’Amour du Christ (cf. Ep 3, 18-21).
2697. La prière est la vie du cœur nouveau. Elle doit nous animer à tout moment. Or nous oublions Celui qui est notre Vie et notre Tout. C’est pourquoi les Pères spirituels, dans la tradition du Deutéronome et des prophètes, insistent sur la prière comme " souvenir de Dieu " réveil fréquent de la " mémoire du cœur " : " Il faut se souvenir de Dieu plus souvent qu’on ne respire " (S. Grégoire de Naz., or. theol. 1, 4 : PG 36, 16B). Mais on ne peut pas prier " en tout temps " si l’on ne prie pas à certains moments, en le voulant : ce sont les temps forts de la prière chrétienne, en intensité et en durée.
2698. La Tradition de l’Église propose aux fidèles des rythmes de prière destinés à nourrir la prière continuelle. Certains sont quotidiens : la prière du matin et du soir, avant et après les repas, la Liturgie des Heures. Le dimanche, centré sur l’Eucharistie, est sanctifié principalement par la prière. Le cycle de l’année liturgique et ses grandes fêtes sont les rythmes fondamentaux de la vie de prière des chrétiens.
2697. La prière est la vie du cœur nouveau. Elle doit nous animer à tout moment. Or nous oublions Celui qui est notre Vie et notre Tout. C’est pourquoi les Pères spirituels, dans la tradition du Deutéronome et des prophètes, insistent sur la prière comme " souvenir de Dieu " réveil fréquent de la " mémoire du cœur " : " Il faut se souvenir de Dieu plus souvent qu’on ne respire " (S. Grégoire de Naz., or. theol. 1, 4 : PG 36, 16B). Mais on ne peut pas prier " en tout temps " si l’on ne prie pas à certains moments, en le voulant : ce sont les temps forts de la prière chrétienne, en intensité et en durée.
2698. La Tradition de l’Église propose aux fidèles des rythmes de prière destinés à nourrir la prière continuelle. Certains sont quotidiens : la prière du matin et du soir, avant et après les repas, la Liturgie des Heures. Le dimanche, centré sur l’Eucharistie, est sanctifié principalement par la prière. Le cycle de l’année liturgique et ses grandes fêtes sont les rythmes fondamentaux de la vie de prière des chrétiens.
2699. Le Seigneur conduit chaque personne par les chemins et de la manière qui Lui plaisent. Chaque fidèle Lui répond aussi selon la détermination de son cœur et les expressions personnelles de sa prière. Cependant la tradition chrétienne a retenu trois expressions majeures de la vie de prière : la prière vocale, la méditation, l’oraison. Un trait fondamental leur est commun : le recueillement du cœur. Cette vigilance à garder la Parole et à demeurer en présence de Dieu fait de ces trois expressions des temps forts de la vie de prière.
2700. Par sa Parole, Dieu parle à l’homme. C’est par des paroles, mentales ou vocales, que notre prière prend corps. Mais le plus important est la présence du cœur à Celui à qui nous parlons dans la prière. " Que notre prière soit entendue dépend, non de la quantité des paroles, mais de la ferveur de nos âmes " (S. Jean Chrysostome, ecl. 2 : PG 63, 583A).
2701. La prière vocale est une donnée indispensable de la vie chrétienne. Aux disciples, attirés par la prière silencieuse de leur Maître, Celui-ci enseigne une prière vocale : le " Notre Père ". Jésus n’a pas seulement prié les prières liturgiques de la synagogue, les Évangiles nous Le montrent élever la voix pour exprimer sa prière personnelle, de la bénédiction exultante du Père (cf. Mt 11, 25-26) jusqu’à la détresse de Gethsémani (cf. Mc 14, 36).
2702. Ce besoin d’associer les sens à la prière intérieure répond à une exigence de notre nature humaine. Nous sommes corps et esprit, et nous éprouvons le besoin de traduire extérieurement nos sentiments. Il faut prier avec tout notre être pour donner à notre supplication toute la puissance possible.
2703. Ce besoin répond aussi à une exigence divine. Dieu cherche des adorateurs en Esprit et en Vérité, et par conséquent la prière qui monte vivante des profondeurs de l’âme. Il veut aussi l’expression extérieure qui associe le corps à la prière intérieure, car elle Lui apporte cet hommage parfait de tout ce à quoi Il a droit.
2704. Parce qu’extérieure et si pleinement humaine, la prière vocale est par excellence la prière des foules. Mais aussi la prière la plus intérieure ne saurait négliger la prière vocale. La prière devient intérieure dans la mesure où nous prenons conscience de Celui " à qui nous parlons " (Ste. Thérèse de Jésus, cam. 26). Alors la prière vocale devient une première forme de la prière contemplative.
2705. La méditation est surtout une recherche. L’esprit cherche à comprendre le pourquoi et le comment de la vie chrétienne, afin d’adhérer et de répondre à ce que le Seigneur demande. Il y faut une attention difficile à discipliner. Habituellement, on s’aide d’un livre, et les chrétiens n’en manquent pas : les saintes Écritures, l’Evangile singulièrement, les saintes icônes, les textes liturgiques du jour ou du temps, les écrits des Pères spirituels, les ouvrages de spiritualité, le grand livre de la création et celui de l’histoire, la page de " l’Aujourd’hui " de Dieu.
2706. Méditer ce qu’on lit conduit à se l’approprier en le confrontant avec soi-même. Ici, un autre livre est ouvert : celui de la vie. On passe des pensées à la réalité. A la mesure de l’humilité et de la foi, on y découvre les mouvements qui agitent le cœur et on peut les discerner. Il s’agit de faire la vérité pour venir à la Lumière : " Seigneur, que veux-tu que je fasse ? ".
2707. Les méthodes de méditation sont aussi diverses que les maîtres spirituels. Un chrétien se doit de vouloir méditer régulièrement, sinon il ressemble aux trois premiers terrains de la parabole du semeur (cf. Mc 4, 4-7. 15-19). Mais une méthode n’est qu’un guide ; l’important est d’avancer, avec l’Esprit Saint, sur l’unique chemin de la prière : le Christ Jésus.
2708. La méditation met en œuvre la pensée, l’imagination, l’émotion et le désir. Cette mobilisation est nécessaire pour approfondir les convictions de foi, susciter la conversion du cœur et fortifier la volonté de suivre le Christ. La prière chrétienne s’applique de préférence à méditer " les mystères du Christ ", comme dans la " lectio divina " ou le Rosaire. Cette forme de réflexion priante est de grande valeur, mais la prière chrétienne doit tendre plus loin : à la connaissance d’amour du Seigneur Jésus, à l’union avec Lui.
2709. Qu’est-ce que l’oraison ? Ste. Thérèse répond : " L’oraison mentale n’est, à mon avis, qu’un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé " (vida 8).
L’oraison cherche " celui que mon cœur aime " (Ct 1, 7 ; cf. Ct 3, 1-4). C’est Jésus, et en lui, le Père. Il est cherché, parce que le désirer est toujours le commencement de l’amour, et il est cherché dans la foi pure, cette foi qui nous fait naître de lui et vivre en lui. On peut méditer encore dans l’oraison, toutefois le regard porte sur le Seigneur.
2719. L’oraison est une communion d’amour porteuse de Vie pour la multitude, dans la mesure où elle est consentement à demeurer dans la nuit de la foi. La Nuit pascale de la Résurrection passe par celle de l’agonie et du tombeau. Ce sont ces trois temps forts de l’Heure de Jésus que son Esprit (et non la " chair qui est faible ") fait vivre dans l’oraison. Il faut consentir à " veiller une heure avec lui " (cf. Mt 26, 40).
2739. Chez S. Paul, cette confiance est audacieuse (cf. Rm 10, 12-13), fondée sur la prière de l’Esprit en nous et sur l’amour fidèle du Père qui nous a donné son Fils unique (cf. Rm 8, 26-39). La transformation du cœur qui prie est la première réponse à notre demande.
2740. La prière de Jésus fait de la prière chrétienne une demande efficace. Il en est le modèle, Il prie en nous et avec nous. Puisque le cœur du Fils ne cherche que ce qui plaît au Père, comment celui des enfants d’adoption s’attacherait-il aux dons plutôt qu’au Donateur ?
2741. Jésus prie aussi pour nous, à notre place et en notre faveur. Toutes nos demandes ont été recueillies une fois pour toutes dans son Cri sur la Croix et exaucées par le Père dans sa Résurrection et c’est pourquoi il ne cesse d’intercéder pour nous auprès du Père (cf. He 5, 7 ; 7, 25 ; 9, 24). Si notre prière est résolument unie à celle de Jésus, dans la confiance et l’audace filiale, nous obtenons tout ce que nous demandons en son Nom, bien davantage que ceci ou cela : l’Esprit Saint lui-même, qui contient tous les dons.
2725. La prière est un don de la grâce et une réponse décidée de notre part. Elle suppose toujours un effort. Les grands priants de l’Ancienne Alliance avant le Christ, comme la Mère de Dieu et les saints avec Lui nous l’apprennent : la prière est un combat. Contre qui ? contre nous-mêmes et contre les ruses du Tentateur qui fait tout pour détourner l’homme de la prière, de l’union à son Dieu. On prie comme on vit, parce qu’on vit comme on prie. Si l’on ne veut pas habituellement agir selon l’Esprit du Christ, on ne peut pas non plus habituellement prier en son Nom. Le " combat spirituel " de la vie nouvelle du chrétien est inséparable du combat de la prière.
2726. Dans le combat de la prière, nous avons à faire face, en nous-mêmes et autour de nous, à des conceptions erronées de la prière. Certaines y voient une simple opération psychologique, d’autres un effort de concentration pour arriver au vide mental. Telles la codifient dans des attitudes et des paroles rituelles. Dans l’inconscient de beaucoup de chrétiens, prier est une occupation incompatible avec tout ce qu’ils ont à faire : ils n’ont pas le temps. Ceux qui cherchent Dieu par la prière se découragent vite parce qu’ils ignorent que la prière vient aussi de l’Esprit Saint et non pas d’eux seuls.
2728. Enfin, notre combat doit faire face à ce que nous ressentons comme nos échecs dans la prière : découragement devant nos sécheresses, tristesse de ne pas tout donner au Seigneur, car nous avons " de grands biens " (cf. Mc 10, 22), déception de ne pas être exaucés selon notre volonté propre, blessure de notre orgueil qui se durcit sur notre indignité de pécheur, allergie à la gratuité de la prière, etc. La conclusion est toujours la même : à quoi bon prier ? Pour vaincre ces obstacles, il faut combattre pour l’humilié, la confiance et la persévérance.
2729. Face aux difficultés de la prière
La difficulté habituelle de notre prière est la distraction. Elle peut porter sur les mots et leur sens, dans la prière vocale ; elle peut porter, plus profondément, sur Celui que nous prions, dans la prière vocale (liturgique ou personnelle), dans la méditation et dans l’oraison. Partir à la chasse des distractions serait tomber dans leurs pièges, alors qu’il suffit de revenir à notre cœur : une distraction nous révèle ce à quoi nous sommes attachés et cette prise de conscience humble devant le Seigneur doit réveiller notre amour de préférence pour lui, en lui offrant résolument notre cœur pour qu’il le purifie. Là se situe le combat, le choix du Maître à servir (cf. Mt 6, 21. 24).
2730. Positivement, le combat contre notre moi possessif et dominateur est la vigilance, la sobriété du cœur. Quand Jésus insiste sur la vigilance, elle est toujours relative à Lui, à sa Venue, au dernier jour et chaque jour : " aujourd’hui ". L’Epoux vient au milieu de la nuit ; la lumière qui ne doit pas s’éteindre est celle de la foi : " De toi mon cœur a dit : ‘Cherche sa Face’ " (Ps 27, 8).
2731. Une autre difficulté, spécialement pour ceux qui veulent sincèrement prier, est la sécheresse. Elle fait partie de l’oraison où le cœur est sevré, sans goût pour les pensées, souvenirs et sentiments, même spirituels. C’est le moment de la foi pure qui se tient fidèlement avec Jésus dans l’agonie et au tombeau. " Le grain de blé, s’il meurt, porte beaucoup de fruit " (Jn 12, 24). Si la sécheresse est due au manque de racine, parce que la Parole est tombée sur du roc, le combat relève de la conversion (cf. Lc 8, 6. 13).
2732. Face aux tentations dans la prière
La tentation la plus courante, la plus cachée, est notre manque de foi. Elle s’exprime moins par une incrédulité déclarée que par une préférence de fait. Quand nous commençons à prier, mille travaux ou soucis, estimés urgents, se présentent comme prioritaires ; de nouveau, c’est le moment de la vérité du cœur et de son amour de préférence. Tantôt nous nous tournons vers le Seigneur comme le dernier recours : mais y croit-on vraiment ? Tantôt nous prenons le Seigneur comme allié, mais le cœur est encore dans la présomption. Dans tous les cas, notre manque de foi révèle que nous ne sommes pas encore dans la disposition du cœur humble : " Hors de moi, vous ne pouvez rien faire " (Jn 15, 5).
2733. Une autre tentation, à laquelle la présomption ouvre la porte, est l’acédie. Les Pères spirituels entendent par là une forme de dépression due au relâchement de l’ascèse, à la baisse de la vigilance, à la négligence du cœur. " L’esprit est ardent, mais la chair est faible " (Mt 26, 41). Plus on tombe de haut, plus on se fait mal. Le découragement, douloureux, est l’envers de la présomption. Qui est humble ne s’étonne pas de sa misère, elle le porte à plus de confiance, à tenir ferme dans la constance.
2734. La confiance filiale est éprouvée – elle se prouve – dans la tribulation (cf. Rm 5, 3-5). La difficulté principale concerne la prière de demande, pour soi ou pour les autres dans l’intercession. Certains cessent même de prier parce que, pensent-ils, leur demande n’est pas exaucée. Ici deux questions se posent : Pourquoi pensons-nous que notre demande n’a pas été exaucée ? Comment notre prière est-elle exaucée, " efficace " ?
2735. Pourquoi nous plaindre de ne pas être exaucés ?
Une constatation devrait d’abord nous étonner. Quand nous louons Dieu ou lui rendons grâces pour ses bienfaits en général, nous ne sommes guère inquiets de savoir si notre prière lui est agréable. Par contre, nous exigeons de voir le résultat de notre demande. Quelle est donc l’image de Dieu qui motive notre prière : un moyen à utiliser ou le Père de notre Seigneur Jésus-Christ ?
2736. Sommes-nous convaincus que " nous ne savons que demander pour prier comme il faut " (Rm 8, 26) ? Demandons-nous à Dieu " les biens convenables " ? Notre Père sait bien ce qu’il nous faut, avant que nous le lui demandions (cf. Mt 6, 8) mais il attend notre demande parce que la dignité de ses enfants est dans leur liberté. Or il faut prier avec son Esprit de liberté, pour pouvoir connaître en vérité son désir (cf. Rm 8, 27).
2737. " Vous ne possédez pas parce que vous ne demandez pas. Vous demandez et ne recevez pas parce que vous demandez mal, afin de dépenser pour vos passions " (Jc 4, 2-3 ; cf. tout le contexte Jc 4, 1-10 ; 1, 5-8 ; 5, 16). Si nous demandons avec un cœur partagé, " adultère " (Jc 4, 4), Dieu ne peut nous exaucer, car il veut notre bien, notre vie. " Pensez-vous que l’Écriture dise en vain : il désire avec jalousie l’Esprit qu’il a mis en vous " (Jc 4, 5) ? Notre Dieu est " jaloux " de nous, ce qui est le signe de la vérité de son amour. Entrons dans le désir de son Esprit et nous serons exaucés :
Ne t’afflige pas si tu ne reçois pas immédiatement de Dieu ce que tu lui demandes ; c’est qu’il veut te faire plus de bien encore par ta persévérance à demeurer avec lui dans la prière (Evagre, or. 34 : PG 79, 1173). Il veut que notre désir s’éprouve dans la prière. Ainsi, il nous dispose à recevoir ce qu’il est prêt à nous donner (S. Augustin, ep. 130, 8, 17 : PL 33, 500).
2738. Comment notre prière est-elle efficace ?
La révélation de la prière dans l’Economie du salut nous apprend que la foi s’appuie sur l’action de Dieu dans l’histoire. La confiance filiale est suscitée par son action par excellence : la Passion et la Résurrection de son Fils. La prière chrétienne est coopération à sa Providence, à son Dessein d’amour pour les hommes.
2739. Chez S. Paul, cette confiance est audacieuse (cf. Rm 10, 12-13), fondée sur la prière de l’Esprit en nous et sur l’amour fidèle du Père qui nous a donné son Fils unique (cf. Rm 8, 26-39). La transformation du cœur qui prie est la première réponse à notre demande.
2740. La prière de Jésus fait de la prière chrétienne une demande efficace. Il en est le modèle, Il prie en nous et avec nous. Puisque le cœur du Fils ne cherche que ce qui plaît au Père, comment celui des enfants d’adoption s’attacherait-il aux dons plutôt qu’au Donateur ?
2741. Jésus prie aussi pour nous, à notre place et en notre faveur. Toutes nos demandes ont été recueillies une fois pour toutes dans son Cri sur la Croix et exaucées par le Père dans sa Résurrection et c’est pourquoi il ne cesse d’intercéder pour nous auprès du Père (cf. He 5, 7 ; 7, 25 ; 9, 24). Si notre prière est résolument unie à celle de Jésus, dans la confiance et l’audace filiale, nous obtenons tout ce que nous demandons en son Nom, bien davantage que ceci ou cela : l’Esprit Saint lui-même, qui contient tous les dons.
2742. " Priez sans cesse " (1 Th 5, 17), " en tout temps et à tout propos, rendez grâces à Dieu le Père au Nom de notre Seigneur Jésus Christ " (Ep 5, 20), " vivez dans la prière et les supplications ; priez en tout temps dans l’Esprit, apportez-y une vigilance inlassable et intercédez pour tous les saints " (Ep 6, 18). " Il ne nous a pas été prescrit de travailler, de veiller et de jeûner constamment, tandis que c’est pour nous une loi de prier sans cesse " (Evagre, cap. pract. 49 : PG 40, 1245C). Cette ardeur inlassable ne peut venir que de l’amour. Contre notre pesanteur et notre paresse le combat de la prière est celui de l’amour humble, confiant et persévérant. Cet amour ouvre nos cœurs sur trois évidences de foi, lumineuses et vivifiantes :
2743. Prier est toujours possible : Le temps du chrétien est celui du Christ ressuscité qui est " avec nous, tous les jours " (Mt 28, 20), quelles que soient les tempêtes (cf. Lc 8, 24). Notre temps est dans la main de Dieu :
Il est possible, même au marché ou dans une promenade solitaire, de faire une fréquente et fervente prière. Assis dans votre boutique, soit en train d’acheter ou de vendre, ou même de faire la cuisine (S. Jean Chrysostome, ecl. 2 : PG 63, 585A).
2744. Prier est une nécessité vitale. La preuve par le contraire n’est pas moins convaincante : si nous ne laissons pas mener par l’Esprit, nous retombons sous l’esclavage du péché (cf. Ga 5, 16-25). Comment l’Esprit Saint peut-il être " notre Vie " si notre cœur est loin de lui ?
Rien ne vaut la prière ; elle rend possible ce qui est impossible, facile ce qui est difficile. Il est impossible que l’homme qui prie puisse pécher (S. Jean Chrysostome, Anna 4, 5 : PG 54, 666).
Qui prie, se sauve certainement ; qui ne prie pas se damne certainement (S. Alphonse de Liguori, mez.).
2745. Prière et vie chrétiennes sont inséparables car il s’agit du même amour et du même renoncement qui procède de l’amour. La même conformité filiale et aimante au Dessein d’amour du Père. La même union transformante dans l’Esprit Saint qui nous conforme toujours plus au Christ Jésus. Le même amour pour tous les hommes, de cet amour dont Jésus nous a aimés. " Tout ce que vous demanderez au Père en mon Nom, il vous l’accordera. Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres " (Jn 15, 16-17).
Celui-là prie sans cesse qui unit la prière aux œuvres et les œuvres à la prière. Ainsi seulement nous pouvons considérer comme réalisable le principe de prier sans cesse (Origène, or. 12).
2604. La seconde prière est rapportée par S. Jean (cf. Jn 11, 41-42) avant la résurrection de Lazare. L’action de grâces précède l’événement : " Père, je te rends grâces de m’avoir exaucé ", ce qui implique que le Père écoute toujours sa demande ; et Jésus ajoute aussitôt : " je savais bien que tu m’exauces toujours ", ce qui implique que, de son côté, Jésus demande d’une façon constante. Ainsi, portée par l’action de grâce, la prière de Jésus nous révèle comment demander : Avant que le don soit donné, Jésus adhère à Celui qui donne et Se donne dans ses dons. Le Donateur est plus précieux que le don accordé, il est le " Trésor ", et c’est en Lui qu’est le cœur de son Fils ; le don est donné " par surcroît " (cf. Mt 6, 21. 33).
La prière " sacerdotale " de Jésus (cf. Jn 17) tient une place unique dans l’Economie du salut. Elle sera méditée en finale de la première Section. Elle révèle en effet la prière toujours actuelle de notre Grand Prêtre, et, en même temps, elle contient ce qu’il nous enseigne dans notre prière à notre Père, laquelle sera développée dans la deuxième Section.
2746. Quand son Heure est venue, Jésus prie le Père (cf. Jn 17). Sa prière, la plus longue transmise par l’Evangile, embrasse toute l’Economie de la création et du salut, comme sa Mort et sa Résurrection. La prière de l’Heure de Jésus demeure toujours la sienne, de même que sa Pâque, advenue " une fois pour toutes ", demeure présente dans la Liturgie de son Église.
2747. La tradition chrétienne l’appelle à juste titre la prière " sacerdotale " de Jésus. Elle est celle de notre Grand Prêtre, elle est inséparable de son Sacrifice, de son " passage " [pâque] vers le Père où il est " consacré " tout entier au Père (cf. Jn 17, 11. 13. 19).
2748. Dans cette prière pascale, sacrificielle, tout est " récapitulé " en Lui (cf. Ep 1, 10) : Dieu et le monde, le Verbe et la chair, la vie éternelle et le temps, l’amour qui se livre et le péché qui le trahit, les disciples présents et ceux qui croiront en Lui par leur parole, l’abaissement et la Gloire. Elle est la prière de l’Unité.
2749. Jésus a tout accompli de l’œuvre du Père et sa prière, comme son Sacrifice, s’étend jusqu’à la consommation du temps. La prière de l’Heure emplit les derniers temps et les porte vers leur consommation. Jésus, le Fils à qui le Père a tout donné, est tout remis au Père, et, en même temps, il s’exprime avec une liberté souveraine (cf. Jn 17, 11. 13. 19. 24) de par le pouvoir que le Père lui a donné sur toute chair. Le Fils, qui s’est fait Serviteur, est le Seigneur, le Pantocratôr. Notre Grand Prêtre qui prie pour nous est aussi Celui qui prie en nous et le Dieu qui nous exauce.
2750. C’est en entrant dans le saint Nom du Seigneur Jésus que nous pouvons accueillir, du dedans, la prière qu’il nous apprend : " Notre Père ! ". Sa prière sacerdotale inspire, du dedans, les grandes demandes du Pater : le souci du Nom du Père (cf. Jn 17, 6. 11. 12. 26), la passion de son Règne (la Gloire ; cf. Jn 17, 1. 5. 10. 24. 23-26), l’accomplissement de la volonté du Père, de son Dessein de salut (cf. Jn 17, 2. 4. 6. 9. 11. 12. 24) et la libération du mal (cf. Jn 17, 15).
2751. Enfin, c’est dans cette prière que Jésus nous révèle et nous donne la " connaissance " indissociable du Père et du Fils (cf. Jn 17, 3. 6-10. 25) qui est le mystère même de la Vie de prière.
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