683. " Nul ne peut appeler Jésus Seigneur sinon dans l’Esprit Saint " (1 Co 12, 3). " Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! " (Ga 4, 6). Cette connaissance de foi n’est possible que dans l’Esprit Saint. Pour être en contact avec le Christ, il faut d’abord avoir été touché par l’Esprit Saint. C’est lui qui vient au devant de nous, et suscite en nous la foi. De par notre Baptême, premier sacrement de la foi, la Vie, qui a sa source dans le Père et nous est offerte dans le Fils, nous est communiquée intimement et personnellement par l’Esprit Saint dans l’Église :
Le Baptême nous accorde la grâce de la nouvelle naissance en Dieu le Père par le moyen de son Fils dans l’Esprit Saint. Car ceux qui portent l’Esprit de Dieu sont conduits au Verbe, c’est-à-dire au Fils ; mais le Fils les présente au Père, et le Père leur procure l’incorruptibilité. Donc, sans l’Esprit, il n’est pas possible de voir le Fils de Dieu, et, sans le Fils, personne ne peut approcher du Père, car la connaissance du Père, c’est le Fils, et la connaissance du Fils de Dieu se fait par l’Esprit Saint (S. Irénée, dem. 7).
684. L’Esprit Saint par sa grâce, est premier dans l’éveil de notre foi et dans la vie nouvelle qui est de " connaître le Père et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ " (Jn 17, 3). Cependant il est dernier dans la révélation des Personnes de la Trinité Sainte. S. Grégoire de Nazianze, " le Théologien ", explique cette progression par la pédagogie de la " condescendance " divine :
L’Ancien Testament proclamait manifestement le Père, le Fils plus obscurément. Le Nouveau a manifesté le Fils, a fait entrevoir la divinité de l’Esprit. Maintenant l’Esprit a droit de cité parmi nous et nous accorde une vision plus claire de lui-même. En effet il n’était pas prudent, quand on ne confessait pas encore la divinité du Père, de proclamer ouvertement le Fils et, quand la divinité du Fils n’était pas encore admise, d’ajouter l’Esprit Saint comme un fardeau supplémentaire, pour employer une expression un peu hardie... C’est par des avances et des progressions " de gloire en gloire " que la lumière de la Trinité éclatera en plus brillantes clartés (S. Grégoire de Naz., or. theol. 5, 26 : PG 36, 161C).
685. Croire en l’Esprit Saint c’est donc professer que l’Esprit Saint est l’une des Personnes de la Trinité Sainte, consubstantielle au Père et au Fils, " adoré et glorifié avec le Père et le Fils " (Symbole de Nicée-Constantinople). C’est pourquoi il a été question du mystère divin de l’Esprit Saint dans la " théologie " trinitaire. Ici il ne s’agira donc de l’Esprit Saint que dans " l’économie " divine.
686. L’Esprit Saint est à l’œuvre avec le Père et le Fils du commencement à la consommation du dessein de notre salut. Mais c’est dans les " derniers temps ", inaugurés avec l’Incarnation rédemptrice du Fils, qu’Il est révélé et donné, reconnu et accueilli comme Personne. Alors ce dessein divin, achevé dans le Christ, " Premier-Né " et Tête de la nouvelle création, pourra prendre corps dans l’humanité par l’Esprit répandu : l’Église, la communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair, la vie éternelle.
687. " Nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu " (1 Co 2, 11). Or, son Esprit qui le révèle nous fait connaître le Christ, son Verbe, sa Parole vivante, mais ne se dit pas lui-même. Celui qui " a parlé par les prophètes " nous fait entendre la Parole du Père. Mais lui, nous ne l’entendons pas. Nous ne le connaissons que dans le mouvement où il nous révèle le Verbe et nous dispose à L’accueillir dans la foi. L’Esprit de Vérité qui nous " dévoile " le Christ " ne parle pas de lui-même " (Jn 16, 13). Un tel effacement, proprement divin, explique pourquoi " le monde ne peut pas le recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le connaît ", tandis que ceux qui croient au Christ le connaissent parce qu’il demeure avec eux (Jn 14, 17).
688. L’Église, communion vivante dans la foi des apôtres qu’elle transmet, est le lieu de notre connaissance de l’Esprit Saint :
– dans les Écritures qu’Il a inspirées ;
– dans la Tradition, dont les Pères de l’Église sont les témoins toujours actuels ;
– dans le Magistère de l’Église qu’Il assiste ;
– dans la liturgie sacramentelle, à travers ses paroles et ses symboles, où l’Esprit Saint nous met en communion avec le Christ ;
– dans la prière dans laquelle Il intercède pour nous ;
– dans les charismes et les ministères par lesquels l’Église est édifiée ;
– dans les signes de vie apostolique et missionnaire ;
– dans le témoignage des saints où Il manifeste sa sainteté et continue l’œuvre du salut.
689. I. La mission conjointe du Fils et de l’Esprit
Celui que le Père a envoyé dans nos cœurs, l’Esprit de son Fils (cf. Ga 4, 6) est réellement Dieu. Consubstantiel au Père et au Fils, il en est inséparable, tant dans la Vie intime de la Trinité que dans son don d’amour pour le monde. Mais en adorant la Trinité Sainte, vivifiante, consubstantielle et indivisible, la foi de l’Église professe aussi la distinction des Personnes. Quand le Père envoie son Verbe, Il envoie toujours son Souffle : mission conjointe où le Fils et l’Esprit Saint sont distincts mais inséparables. Certes, c’est le Christ qui paraît, Lui, l’Image visible du Dieu invisible, mais c’est l’Esprit Saint qui Le révèle.
690. Jésus est Christ, " oint ", parce que l’Esprit en est l’Onction et tout ce qui advient à partir de l’Incarnation découle de cette plénitude (cf. Jn 3, 34). Quand enfin le Christ est glorifié (cf. Jn 7, 39), il peut à son tour, d’auprès du Père, envoyer l’Esprit à ceux qui croient en lui : il leur communique sa Gloire (cf. Jn 17, 22), c’est-à-dire l’Esprit Saint qui le glorifie (cf. Jn 16, 14). La mission conjointe se déploiera dès lors dans les enfants adoptés par le Père dans le Corps de son Fils : la mission de l’Esprit d’adoption sera de les unir au Christ et de les faire vivre en lui :
La notion de l’onction suggère (...) qu’il n’y a aucune distance entre le Fils et l’Esprit. En effet de même qu’entre la surface du corps et l’onction de l’huile ni la raison ni la sensation ne connaissent aucun intermédiaire, ainsi est immédiat le contact du Fils avec l’Esprit, si bien que pour celui qui va prendre contact avec le Fils par la foi, il est nécessaire de rencontrer d’abord l’huile par le contact. En effet il n’y a aucune partie qui soit nue de l’Esprit Saint. C’est pourquoi la confession de la Seigneurie du Fils se fait dans l’Esprit Saint pour ceux qui la reçoivent, l’Esprit venant de toutes parts au devant de ceux qui s’approchent par la foi (S. Grégoire de Nysse, Spir. 3, 1 : PG 45, 1321A-B).
691. II. Le nom, les appellations et les symboles de l’Esprit Saint
Le nom propre de l’Esprit Saint
" Saint-Esprit ", tel est le nom propre de Celui que nous adorons et glorifions avec le Père et le Fils. L’Église l’a reçu du Seigneur et le professe dans le Baptême de ses nouveaux enfants (cf. Mt 28, 19).
Le terme " Esprit " traduit le terme hébreu Ruah qui, dans son sens premier, signifie souffle, air, vent. Jésus utilise justement l’image sensible du vent pour suggérer à Nicodème la nouveauté transcendante de Celui qui est personnellement le Souffle de Dieu, l’Esprit divin (Jn 3, 5-8). D’autre part, Esprit et Saint sont des attributs divins communs aux Trois Personnes divines. Mais en joignant les deux termes, l’Écriture, la liturgie et le langage théologique désignent la Personne ineffable de l’Esprit Saint, sans équivoque possible avec les autres emplois des termes " esprit " et " saint ".
692. Les appellations de l’Esprit Saint
Jésus, lorsqu’il annonce et promet la venue de l’Esprit Saint, le nomme le " Paraclet ", littéralement : " celui qui est appelé auprès ", ad-vocatus (Jn 14, 16. 26 ; 15, 26 ; 16, 7). " Paraclet " est traduit habituellement par " Consolateur ", Jésus étant le premier consolateur (cf. 1 Jn 2, 1). Le Seigneur lui-même appelle l’Esprit Saint " l’Esprit de Vérité " (Jn 16, 13).
693. Outre son nom propre, qui est le plus employé dans les Actes des apôtres et les Épîtres, on trouve chez S. Paul les appellations : l’Esprit de la promesse (Ga 3, 14 ; Ep 1, 13), l’Esprit d’adoption (Rm 8, 15 ; Ga 4, 6), l’Esprit du Christ (Rm 8, 11), l’Esprit du Seigneur (2 Co 3, 17), l’Esprit de Dieu (Rm 8, 9. 14 ; 15, 19 ; 1 Co 6, 11 ; 7, 40), et chez S. Pierre, l’Esprit de gloire (1 P 4, 14).
694. L’eau. Le symbolisme de l’eau est significatif de l’action de l’Esprit Saint dans le Baptême, puisque, après l’invocation de l’Esprit Saint, elle devient le signe sacramentel efficace de la nouvelle naissance : de même que la gestation de notre première naissance s’est opérée dans l’eau, de même l’eau baptismale signifie réellement que notre naissance à la vie divine nous est donnée dans l’Esprit Saint. Mais " baptisés dans un seul Esprit ", nous sommes aussi " abreuvés d’un seul Esprit " (1 Co 12, 13) : l’Esprit est donc aussi personnellement l’Eau vive qui jaillit du Christ crucifié (cf. Jn 19, 34 ; 1 Jn 5, 8) comme de sa source et qui en nous jaillit en Vie éternelle (cf. Jn 4, 10-14 ; 7, 38 ; Ex 17, 1-6 ; Is 55, 1 ; Za 14, 8 ; 1 Co 10, 4 ; Ap 21, 6 ; 22, 17).
695. L’onction. Le symbolisme de l’onction d’huile est aussi significatif de l’Esprit Saint, jusqu’à en devenir le synonyme (cf. 1 Jn 2, 20. 27 ; 2 Co 1, 21). Dans l’initiation chrétienne, elle est le signe sacramentel de la Confirmation, appelée justement dans les Églises d’Orient " Chrismation ". Mais pour en saisir toute la force, il faut revenir à l’Onction première accomplie par l’Esprit Saint : celle de Jésus. Christ [ "Messie " à partir de l’hébreu] signifie " Oint " de l’Esprit de Dieu. Il y a eu des " oints " du Seigneur dans l’Ancienne Alliance (cf. Ex 30, 22-32), le roi David éminemment (cf. 1 S 16, 13). Mais Jésus est l’Oint de Dieu d’une manière unique : l’humanité que le Fils assume est totalement " ointe de l’Esprit Saint ". Jésus est constitué " Christ " par l’Esprit Saint (cf. Lc 4, 18-19 ; Is 61, 1). La Vierge Marie conçoit le Christ de l’Esprit Saint qui par l’ange l’annonce comme Christ lors de sa naissance (cf. Lc 2, 11) et pousse Siméon à venir au Temple voir le Christ du Seigneur (cf. Lc 2, 26-27) ; c’est lui qui emplit le Christ (cf. Lc 4, 1) et dont la puissance sort du Christ dans ses actes de guérison et de salut (cf. Lc 6, 19 ; 8, 46). C’est lui enfin qui ressuscite Jésus d’entre les morts (cf. Rm 1, 4 ; 8, 11). Alors, constitué pleinement " Christ " dans son Humanité victorieuse de la mort (cf. Ac 2, 36), Jésus répand à profusion l’Esprit Saint jusqu’à ce que " les saints " constituent, dans leur union à l’Humanité du Fils de Dieu, " cet Homme parfait (...) qui réalise la plénitude du Christ " (Ep 4, 13) : " le Christ total ", selon l’expression de S. Augustin (serm. 341, 1, 1 ; ibid., 9, 11).
696. Le feu. Alors que l’eau signifiait la naissance et la fécondité de la Vie donnée dans l’Esprit Saint, le feu symbolise l’énergie transformante des actes de l’Esprit Saint. Le prophète Elie, qui " se leva comme un feu et dont la parole brûlait comme une torche " (Si 48, 1), par sa prière attire le feu du ciel sur le sacrifice du mont Carmel (cf. 1 R 18, 38-39), figure du feu de l’Esprit Saint qui transforme ce qu’il touche. Jean-Baptiste, " qui marche devant le Seigneur avec ‘l’esprit’ et la puissance d’Elie " (Lc 1, 17) annonce le Christ comme celui qui " baptisera dans l’Esprit Saint et le feu " (Lc 3, 16), cet Esprit dont Jésus dira : " Je suis venu jeter un feu sur la terre et combien je voudrais qu’il fût déjà allumé " (Lc 12, 49). C’est sous la forme de langues " qu’on eût dites de feu " que l’Esprit Saint se pose sur les disciples au matin de la Pentecôte et les remplit de lui (Ac 2, 3-4). La tradition spirituelle retiendra ce symbolisme du feu comme l’un des plus expressifs de l’action de l’Esprit Saint (cf. S. Jean de la Croix, llama). " N’éteignez pas l’Esprit " (1 Th 5, 19).
697. La nuée et la lumière. Ces deux symboles sont inséparables dans les manifestations de l’Esprit Saint. Dès les théophanies de l’Ancien Testament, la Nuée, tantôt obscure, tantôt lumineuse, révèle le Dieu vivant et sauveur, en voilant la transcendance de sa Gloire : avec Moïse sur la montagne du Sinaï (cf. Ex 24, 15-18), à la Tente de Réunion (cf. Ex 33, 9-10) et durant la marche au désert (cf. Ex 40, 36-38 ; 1 Co 10, 1-2) ; avec Salomon lors de la dédicace du Temple (cf. 1 R 8, 10-12). Or ces figures sont accomplies par le Christ dans l’Esprit Saint. C’est Celui-ci qui vient sur la Vierge Marie et la prend " sous son ombre " pour qu’elle conçoive et enfante Jésus (Lc 1, 35). Sur la montagne de la Transfiguration, c’est lui qui " survient dans la nuée qui prend sous son ombre " Jésus, Moïse et Elie, Pierre, Jacques et Jean, et " de la nuée sort une voix qui dit : ‘Celui-ci est mon Fils, mon Élu, écoutez-le’ " (Lc 9, 34-35). C’est enfin la même Nuée qui " dérobe Jésus aux yeux " des disciples le jour de l’Ascension (Ac 1, 9) et qui le révélera Fils de l’homme dans sa Gloire au Jour de son Avènement (cf. Lc 21, 27).
698. Le sceau est un symbole proche de celui de l’Onction. C’est en effet le Christ que " Dieu a marqué de son sceau " (Jn 6, 27) et c’est en lui que le Père nous marque aussi de son sceau (2 Co 1, 22 ; Ep 1, 13 ; 4, 30). Parce qu’elle indique l’effet indélébile de l’Onction de l’Esprit Saint dans les sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Ordre, l’image du sceau (sphragis) a été utilisée dans certaines traditions théologiques pour exprimer le " caractère " ineffaçable imprimé par ces trois sacrements qui ne peuvent être réitérés.
699. La main . C’est en imposant les mains que Jésus guérit les malades (cf. Mc 6, 5 ; 8, 23) et bénit les petits enfants (cf. Mc 10, 16). En son nom, les apôtres feront de même (cf. Mc 16, 18 ; Ac 5, 12 ; 14, 3). Mieux encore, c’est par l’imposition des mains des apôtres que l’Esprit Saint est donné (cf. Ac 8, 17-19 ; 13, 3 ; 19, 6). L’Épître aux Hébreux met l’imposition des mains au nombre des " articles fondamentaux " de son enseignement (cf. He 6, 2). Ce signe de l’effusion toute-puissante de l’Esprit Saint, l’Église l’a gardé dans ses épiclèses sacramentelles.
700. Le doigt. " C’est par le doigt de Dieu que [Jésus] expulse les démons " (Lc 11, 20). Si la Loi de Dieu a été écrite sur des tables de pierre " par le doigt de Dieu " (Ex 31, 18), " la lettre du Christ ", remise aux soins des apôtres, " est écrite avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les cœurs " (2 Co 3, 3). L’hymne " Veni, Creator Spiritus " invoque l’Esprit Saint comme " le doigt de la droite du Père " (In Dominica Pentecostes, Hymnus ad I et II Vesperas).
701. La colombe. A la fin du déluge (dont le symbolisme concerne le Baptême), la colombe lâchée par Noé revient, un rameau tout frais d’olivier dans le bec, signe que la terre est de nouveau habitable (cf. Gn 8, 8-12). Quand le Christ remonte de l’eau de son baptême, l’Esprit Saint, sous forme d’une colombe, descend sur lui et y demeure (cf. Mt 3, 16 par.). L’Esprit descend et repose dans le cœur purifié des baptisés. Dans certaines églises, la sainte Réserve eucharistique est conservée dans un réceptacle métallique en forme de colombe (le columbarium) suspendu au-dessus de l’autel. Le symbole de la colombe pour suggérer l’Esprit Saint est traditionnel dans l’iconographie chrétienne.
687. " Nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu " (1 Co 2, 11). Or, son Esprit qui le révèle nous fait connaître le Christ, son Verbe, sa Parole vivante, mais ne se dit pas lui-même. Celui qui " a parlé par les prophètes " nous fait entendre la Parole du Père. Mais lui, nous ne l’entendons pas. Nous ne le connaissons que dans le mouvement où il nous révèle le Verbe et nous dispose à L’accueillir dans la foi. L’Esprit de Vérité qui nous " dévoile " le Christ " ne parle pas de lui-même " (Jn 16, 13). Un tel effacement, proprement divin, explique pourquoi " le monde ne peut pas le recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le connaît ", tandis que ceux qui croient au Christ le connaissent parce qu’il demeure avec eux (Jn 14, 17).
688. L’Église, communion vivante dans la foi des apôtres qu’elle transmet, est le lieu de notre connaissance de l’Esprit Saint :
– dans les Écritures qu’Il a inspirées ;
– dans la Tradition, dont les Pères de l’Église sont les témoins toujours actuels ;
– dans le Magistère de l’Église qu’Il assiste ;
– dans la liturgie sacramentelle, à travers ses paroles et ses symboles, où l’Esprit Saint nous met en communion avec le Christ ;
– dans la prière dans laquelle Il intercède pour nous ;
– dans les charismes et les ministères par lesquels l’Église est édifiée ;
– dans les signes de vie apostolique et missionnaire ;
– dans le témoignage des saints où Il manifeste sa sainteté et continue l’œuvre du salut.
702. III. L’Esprit et la Parole de Dieu dans le temps des promesses
Du commencement jusqu’à " la Plénitude du temps " (Ga 4, 4), la mission conjointe du Verbe et de l’Esprit du Père demeure cachée, mais elle est à l’œuvre. L’Esprit de Dieu y prépare le temps du Messie, et l’un et l’autre, sans être encore pleinement révélés, y sont déjà promis afin d’être attendus et accueillis lors de leur manifestation. C’est pourquoi lorsque l’Église lit l’Ancien Testament (cf. 2 Co 3, 14), elle y scrute (cf. Jn 5, 39. 46) ce que l’Esprit, " qui a parlé par les prophètes ", veut nous dire du Christ.
Par " prophètes ", la foi de l’Église entend ici tous ceux que l’Esprit Saint a inspirés dans la vivante annonce et dans la rédaction des livres saints, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament. La tradition juive distingue la Loi (les cinq premiers livres ou Pentateuque), les Prophètes (nos livres dits historiques et prophétiques) et les Écrits (surtout sapientiels, en particulier les Psaumes) (cf. Lc 24, 44).
703. La Parole de Dieu et son Souffle sont à l’origine de l’être et de la vie de toute créature (cf. Ps 33, 6 ; 104, 30 ; Gn 1, 2 ; 2, 7 ; Qo 3, 20-21 ; Ez 37, 10) :
Au Saint-Esprit il convient de régner, de sanctifier et d’animer la création, car il est Dieu consubstantiel au Père et au Fils (...). A Lui revient le pouvoir sur la vie, car étant Dieu il garde la création dans le Père par le Fils (Liturgie byzantine, Tropaire des matines des dimanches du second mode).
704. " Quant à l’homme, c’est de ses propres mains [c’est-à-dire le Fils et l’Esprit Saint] que Dieu le façonna (...) et Il dessina sur la chair façonnée sa propre forme, de façon que même ce qui serait visible portât la forme divine " (S. Irénée, dem. 11).
705. Défiguré par le péché et par la mort, l’homme demeure " à l’image de Dieu ", à l’image du Fils, mais il est " privé de la Gloire de Dieu " (Rm 3, 23), privé de la " ressemblance ". La promesse faite à Abraham inaugure l’économie du salut au terme de laquelle le Fils lui-même assumera " l’image " (cf. Jn 1, 14 ; Ph 2, 7) et la restaurera dans " la ressemblance " avec le Père en lui redonnant la Gloire, l’Esprit " qui donne la Vie ".
706. Contre toute espérance humaine, Dieu promet à Abraham une descendance, comme fruit de la foi et de la puissance de l’Esprit Saint (cf. Gn 18, 1-15 ; Lc 1, 26-38. 54-55 ; Jn 1, 12-13 ; Rm 4, 16-21). En elle seront bénies toutes les nations de la terre (cf. Gn 12, 3). Cette descendance sera le Christ (cf. Ga 3, 16) en qui l’effusion de l’Esprit Saint fera " l’unité des enfants de Dieu dispersés " (cf. Jn 11, 52). En s’engageant par serment (cf. Lc 1, 73), Dieu s’engage déjà au don de son Fils Bien-aimé (cf. Gn 22, 17-19 ; Rm 8, 32 ; Jn 3, 16) et au don de " l’Esprit de la Promesse (...) qui (...) prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis " (Ep 1, 13-14 ; cf. Ga 3, 14).
717. IV. L’Esprit du Christ dans la plénitude du temps
Jean, Précurseur, Prophète et Baptiste
" Parut un homme envoyé de Dieu. Il se nommait Jean " (Jn 1, 6). Jean est " rempli de l’Esprit Saint, dès le sein de sa mère " (Lc 1, 15. 41) par le Christ lui-même que la Vierge Marie venait de concevoir de l’Esprit Saint. La " visitation " de Marie à Élisabeth est ainsi devenue " visite de Dieu à son peuple " (Lc 1, 68).
718. Jean est " Elie qui doit venir " (Mt 17, 10-13) : Le Feu de l’Esprit l’habite et le fait " courir devant " [en " précurseur "] le Seigneur qui vient. En Jean le Précurseur, l’Esprit Saint achève de " préparer au Seigneur un peuple bien disposé " (Lc 1, 17).
719. Jean est " plus qu’un prophète " (Lc 7, 26). En lui l’Esprit Saint accomplit de " parler par les prophètes ". Jean achève le cycle des prophètes inauguré par Elie (cf. Mt 11, 13-14). Il annonce l’imminence de la Consolation d’Israël, il est la " voix " du consolateur qui vient (Jn 1, 23 ; cf. Is 40, 1-3). Comme le fera l’Esprit de Vérité, " il vient comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière " (Jn 1, 7 ; cf. Jn 15, 26 ; 5, 33). Au regard de Jean, l’Esprit accomplit ainsi les " recherches des prophètes " et la " convoitise " des anges (1 P 1, 10-12) : " Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit (...). Oui, j’ai vu et j’atteste que c’est Lui, le Fils de Dieu. (...) Voici l’Agneau de Dieu " (Jn 1, 33-36).
720. Enfin, avec Jean le Baptiste, l’Esprit Saint inaugure, en le préfigurant, ce qu’il réalisera avec et dans le Christ : redonner à l’homme " la ressemblance " divine. Le baptême de Jean était pour le repentir, celui dans l’eau et dans l’Esprit sera une nouvelle naissance (cf. Jn 3, 5).
721. " Réjouis-toi, comblée de grâce "
Marie, la Toute Sainte Mère de Dieu, toujours Vierge est le chef-d’œuvre de la mission du Fils et de l’Esprit dans la plénitude du temps. Pour la première fois dans le dessein du salut et parce que son Esprit l’a préparée, le Père trouve la Demeure où son Fils et son Esprit peuvent habiter parmi les hommes. C’est en ce sens que la Tradition de l’Église a souvent lu en relation à Marie les plus beaux textes sur la Sagesse (cf. Pr 8, 1 – 9, 6 ; Si 24) : Marie est chantée et représentée dans la liturgie comme le " Trône de la Sagesse ".
En elle commencent à se manifester les " merveilles de Dieu ", que l’Esprit va accomplir dans le Christ et dans l’Église :
722. L’Esprit Saint a préparé Marie par sa grâce. Il convenait que fût " pleine de grâce " la mère de Celui en qui " habite corporellement la Plénitude de la Divinité " (Col 2, 9). Elle a été, par pure grâce, conçue sans péché comme la plus humble des créatures, la plus capable d’accueil au Don ineffable du Tout-Puissant. C’est à juste titre que l’ange Gabriel la salue comme la " Fille de Sion " : " Réjouis-toi " (cf. So 3, 14 ; Za 2, 14). C’est l’action de grâce de tout le Peuple de Dieu, et donc de l’Église, qu’elle fait monter vers le Père dans l’Esprit Saint en son cantique (cf. Lc 1, 46-55) alors qu’elle porte en elle le Fils éternel.
723. En Marie, l’Esprit Saint réalise le dessein bienveillant du Père. C’est par l’Esprit Saint que la Vierge conçoit et enfante le Fils de Dieu. Sa virginité devient fécondité unique par la puissance de l’Esprit et de la foi (cf. Lc 1, 26-38 ; Rm 4, 18-21 ; Ga 4, 26-28).
724. En Marie, l’Esprit Saint manifeste le Fils du Père devenu Fils de la Vierge. Elle est le Buisson ardent de la Théophanie définitive : comblée de l’Esprit Saint, elle montre le Verbe dans l’humilité de sa chair et c’est aux Pauvres (cf. Lc 1, 15-19) et aux prémices des nations (cf. Mt 2, 11) qu’elle Le fait connaître.
725. Enfin, par Marie, l’Esprit Saint commence à mettre en communion avec le Christ les hommes " objets de l’amour bienveillant de Dieu " (cf. Lc 2, 14), et les humbles sont toujours les premiers à le recevoir : les bergers, les mages, Siméon et Anne, les époux de Cana et les premiers disciples.
726. Au terme de cette mission de l’Esprit, Marie devient la " Femme ", nouvelle Eve " mère des vivants ", Mère du " Christ total " (cf. Jn 19, 25-27). C’est comme telle qu’elle est présente avec les Douze, " d’un même cœur, assidus à la prière " (Ac 1, 14), à l’aube des " derniers temps " que l’Esprit va inaugurer le matin de la Pentecôte avec la manifestation de l’Église.
727. Toute la Mission du Fils et de l’Esprit Saint dans la plénitude du temps est contenue en ce que le Fils est l’oint de l’Esprit du Père depuis son Incarnation : Jésus est Christ, le Messie.
Tout le deuxième chapitre du Symbole de la foi est à lire à cette lumière. Toute l’œuvre du Christ est mission conjointe du Fils et de l’Esprit Saint. Ici, on mentionnera seulement ce qui concerne la promesse de l’Esprit Saint par Jésus et son don par le Seigneur glorifié.
728. Jésus ne révèle pas pleinement l’Esprit Saint tant que lui-même n’a pas été glorifié par sa Mort et sa Résurrection. Pourtant, Il le suggère peu à peu, même dans son enseignement aux foules, lorsqu’Il révèle que sa Chair sera nourriture pour la vie du monde (cf. Jn 6, 27. 51. 62-63). Il le suggère aussi à Nicodème (cf. Jn 3, 5-8), à la Samaritaine (cf. Jn 4, 10. 14. 23-24) et à ceux qui participent à la fête des Tabernacles (cf. Jn 7, 37-39). A ses disciples, Il en parle ouvertement à propos de la prière (cf. Lc 11, 13) et du témoignage qu’ils auront à rendre (cf. Mt 10, 19-20).
729. C’est seulement quand l’Heure est venue où Il va être glorifié que Jésus promet la venue de l’Esprit Saint, puisque sa Mort et sa Résurrection seront l’accomplissement de la promesse faite aux Pères (cf. Jn 14, 16-17. 26 ; 15, 26 ; 16, 7-15 ; 17, 26) : l’Esprit de Vérité, l’autre Paraclet, sera donné par le Père à la prière de Jésus ; il sera envoyé par le Père au nom de Jésus ; Jésus l’enverra d’auprès du Père car il est issu du Père. L’Esprit Saint viendra, nous le connaîtrons, Il sera avec nous à jamais, Il demeurera avec nous ; Il nous enseignera tout et nous rappellera tout ce que le Christ nous a dit et lui rendra témoignage ; Il nous conduira vers la vérité tout entière et glorifiera le Christ. Quant au monde, Il le confondra en matière de péché, de justice et de jugement.
730. Enfin vient l’Heure de Jésus (cf. Jn 13, 1 ; 17, 1) : Jésus remet son esprit entre les mains du Père (cf. Lc 23, 46 ; Jn 19, 30) au moment où par sa Mort il est vainqueur de la mort, de sorte que, " ressuscité des morts par la Gloire du Père " (Rm 6, 4), il donne aussitôt l’Esprit Saint en " soufflant " sur ses disciples (cf. Jn 20, 22). A partir de cette Heure, la mission du Christ et de l’Esprit devient la mission de l’Église : " Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie " (Jn 20, 21 ; cf. Mt 28, 19 ; Lc 24, 47-48 ; Ac 1, 8).
731. V. L’Esprit et l’Église dans les derniers temps
Le jour de la Pentecôte (au terme des sept semaines Pascales), la Pâque du Christ s’accomplit dans l’effusion de l’Esprit Saint qui est manifesté, donné et communiqué comme Personne divine : de sa Plénitude, le Christ, Seigneur, répand à profusion l’Esprit (cf. Ac 2, 33-36).
732. En ce jour est pleinement révélée la Trinité Sainte. Depuis ce jour, le Royaume annoncé par le Christ est ouvert à ceux qui croient en Lui : dans l’humilité de la chair et dans la foi, ils participent déjà à la communion de la Trinité Sainte. Par sa venue, et elle ne cesse pas, l’Esprit Saint fait entrer le monde dans les " derniers temps ", le temps de l’Église, le Royaume déjà hérité, mais pas encore consommé :
Nous avons vu la vraie Lumière, nous avons reçu l’Esprit céleste, nous avons trouvé la vraie foi : nous adorons la Trinité indivisible car c’est elle qui nous a sauvés (Liturgie byzantine, Tropaire des vêpres de Pentecôte ; il est repris dans les liturgies eucharistiques après la communion).
738. Ainsi la mission de l’Église ne s’ajoute pas à celle du Christ et de l’Esprit Saint, mais elle en est le sacrement : par tout sont être et dans tous ses membres elle est envoyée pour annoncer et témoigner, actualiser et répandre le mystère de la communion de la Sainte Trinité (ce sera l’objet du prochain article) :
Nous tous qui avons reçu l’unique et même esprit, à savoir, l’Esprit Saint, nous nous sommes fondus entre nous et avec Dieu. Car bien que nous soyons nombreux séparément et que le Christ fasse que l’Esprit du Père et le sien habite en chacun de nous, cet Esprit unique et indivisible ramène par lui-même à l’unité ceux qui sont distincts entre eux (...) et fait que tous apparaissent comme une seule chose en lui-même. Et de même que la puissance de la sainte humanité du Christ fait que tous ceux-là en qui elle se trouve forment un seul corps, je pense que de la même manière l’Esprit de Dieu qui habite en tous, unique et indivisible, les ramène tous à l’unité spirituelle (S. Cyrille d’Alexandrie, Jo. 12 : PG 74, 560-561).
733. L’Esprit Saint – le Don de Dieu
" Dieu est Amour " (1 Jn 4, 8. 16) et l’Amour est le premier don, il contient tous les autres. Cet amour, " Dieu l’a répandu dans nos cœurs par l’Esprit qui nous fut donné " (Rm 5, 5).
734. Parce que nous sommes morts, ou, au moins, blessés par le péché, le premier effet du don de l’Amour est la rémission de nos péchés. C’est la communion de l’Esprit Saint (2 Co 13, 13) qui, dans l’Église, redonne aux baptisés la ressemblance divine perdue par le péché.
735. Il donne alors les " arrhes " ou les " prémices " de notre Héritage (cf. Rm 8, 23 ; 2 Co 1, 21) : la Vie même de la Trinité Sainte qui est d’aimer " comme il nous a aimés " (cf. 1 Jn 4, 11-12). Cet amour (la charité de 1 Co 13) est le principe de la vie nouvelle dans le Christ, rendue possible puisque nous avons " reçu une force, celle de l’Esprit Saint " (Ac 1, 8).
736. C’est par cette puissance de l’Esprit que les enfants de Dieu peuvent porter du fruit. Celui qui nous a greffés sur la vraie Vigne, nous fera porter " le fruit de l’Esprit qui est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi " (Ga 5, 22-23). " L’Esprit est notre Vie " : plus nous renonçons à nous-mêmes (cf. Mt 16, 24-26), plus " l’Esprit nous fait aussi agir " (Ga 5, 25) :
Par communion avec lui, l’Esprit Saint rend spirituels, rétablit au Paradis, ramène au Royaume des cieux et à l’adoption filiale, donne la confiance d’appeler Dieu Père et de participer à la grâce du Christ, d’être appelé enfant de lumière et d’avoir part à la gloire éternelle (S. Basile, Spir. 15, 36 : PG 32, 132).
737. La mission du Christ et de l’Esprit Saint s’accomplit dans l’Église, Corps du Christ et Temple de l’Esprit Saint. Cette mission conjointe associe désormais les fidèles du Christ à sa communion avec le Père dans l’Esprit Saint : L’Esprit prépare les hommes, les prévient par sa grâce, pour les attirer vers le Christ. Il leur manifeste le Seigneur ressuscité, Il leur rappelle sa parole et leur ouvre l’esprit à l’intelligence de sa Mort et de sa Résurrection. Il leur rend présent le mystère du Christ, éminemment dans l’Eucharistie, afin de les réconcilier, de les mettre en communion avec Dieu, afin de leur faire porter " beaucoup de fruit " (Jn 15, 5. 8. 16).
738. Ainsi la mission de l’Église ne s’ajoute pas à celle du Christ et de l’Esprit Saint, mais elle en est le sacrement : par tout sont être et dans tous ses membres elle est envoyée pour annoncer et témoigner, actualiser et répandre le mystère de la communion de la Sainte Trinité (ce sera l’objet du prochain article) :
Nous tous qui avons reçu l’unique et même esprit, à savoir, l’Esprit Saint, nous nous sommes fondus entre nous et avec Dieu. Car bien que nous soyons nombreux séparément et que le Christ fasse que l’Esprit du Père et le sien habite en chacun de nous, cet Esprit unique et indivisible ramène par lui-même à l’unité ceux qui sont distincts entre eux (...) et fait que tous apparaissent comme une seule chose en lui-même. Et de même que la puissance de la sainte humanité du Christ fait que tous ceux-là en qui elle se trouve forment un seul corps, je pense que de la même manière l’Esprit de Dieu qui habite en tous, unique et indivisible, les ramène tous à l’unité spirituelle (S. Cyrille d’Alexandrie, Jo. 12 : PG 74, 560-561).
739. Parce que l’Esprit Saint est l’Onction du Christ, c’est le Christ, la Tête du Corps, qui le répand dans ses membres pour les nourrir, les guérir, les organiser dans leurs fonctions mutuelles, les vivifier, les envoyer témoigner, les associer à son offrande au Père et à son intercession pour le monde entier. C’est par les sacrements de l’Église que le Christ communique aux membres de son Corps son Esprit Saint et Sanctificateur (ce sera l’objet de la deuxième partie du Catéchisme).
740. Ces " merveilles de Dieu ", offertes aux croyants dans les sacrements de l’Église, portent leurs fruits dans la vie nouvelle, dans le Christ, selon l’Esprit (ce sera l’objet de la troisième partie du Catéchisme).
741. " L’Esprit vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons que demander pour prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables " (Rm 8, 26). L’Esprit Saint, artisan des œuvres de Dieu, est le Maître de la prière (ce sera l’objet de la quatrième partie du Catéchisme).
738. Ainsi la mission de l’Église ne s’ajoute pas à celle du Christ et de l’Esprit Saint, mais elle en est le sacrement : par tout sont être et dans tous ses membres elle est envoyée pour annoncer et témoigner, actualiser et répandre le mystère de la communion de la Sainte Trinité (ce sera l’objet du prochain article) :
Nous tous qui avons reçu l’unique et même esprit, à savoir, l’Esprit Saint, nous nous sommes fondus entre nous et avec Dieu. Car bien que nous soyons nombreux séparément et que le Christ fasse que l’Esprit du Père et le sien habite en chacun de nous, cet Esprit unique et indivisible ramène par lui-même à l’unité ceux qui sont distincts entre eux (...) et fait que tous apparaissent comme une seule chose en lui-même. Et de même que la puissance de la sainte humanité du Christ fait que tous ceux-là en qui elle se trouve forment un seul corps, je pense que de la même manière l’Esprit de Dieu qui habite en tous, unique et indivisible, les ramène tous à l’unité spirituelle (S. Cyrille d’Alexandrie, Jo. 12 : PG 74, 560-561).
739. Parce que l’Esprit Saint est l’Onction du Christ, c’est le Christ, la Tête du Corps, qui le répand dans ses membres pour les nourrir, les guérir, les organiser dans leurs fonctions mutuelles, les vivifier, les envoyer témoigner, les associer à son offrande au Père et à son intercession pour le monde entier. C’est par les sacrements de l’Église que le Christ communique aux membres de son Corps son Esprit Saint et Sanctificateur (ce sera l’objet de la deuxième partie du Catéchisme).
740. Ces " merveilles de Dieu ", offertes aux croyants dans les sacrements de l’Église, portent leurs fruits dans la vie nouvelle, dans le Christ, selon l’Esprit (ce sera l’objet de la troisième partie du Catéchisme).
741. " L’Esprit vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons que demander pour prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables " (Rm 8, 26). L’Esprit Saint, artisan des œuvres de Dieu, est le Maître de la prière (ce sera l’objet de la quatrième partie du Catéchisme).
751. Paragraphe 1. L’Église dans le dessein de Dieu
I. Les noms et les images de l’Église
Le mot " Église " [ekklèsia, du grec ek-kalein, " appeler hors "] signifie " convocation ". Il désigne des assemblées du peuple (cf. Ac 19, 39), en général de caractère religieux. C’est le terme fréquemment utilisé dans l’Ancien Testament grec pour l’assemblée du peuple élu devant Dieu, surtout pour l’assemblée du Sinaï où Israël reçut la Loi et fut constitué par Dieu comme son peuple saint (cf. Ex 19). En s’appelant " Église ", la première communauté de ceux qui croyaient au Christ se reconnaît héritière de cette assemblée. En elle, Dieu " convoque " son Peuple de tous les confins de la terre. Le terme Kyriakè dont sont dérivés church, Kirche, signifie " celle qui appartient au Seigneur ".
752. Dans le langage chrétien, le mot " Église " désigne l’assemblée liturgique (cf. 1 Co 11, 18 ; 14, 19. 28. 34. 35), mais aussi la communauté locale (cf. 1 Co 1, 2 ; 16, 1) ou toute la communauté universelle des croyants (cf. 1 Co 15, 9 ; Ga 1, 13 ; Ph 3, 6). Ces trois significations sont en fait inséparables. " L’Église ", c’est le Peuple que Dieu rassemble dans le monde entier. Elle existe dans les communautés locales et se réalise comme assemblée liturgique, surtout eucharistique. Elle vit de la Parole et du Corps du Christ et devient ainsi elle-même Corps du Christ.
753. Dans l’Écriture Sainte, nous trouvons une foule d’images et de figures liées entre elles, par lesquelles la révélation parle du mystère inépuisable de l’Église. Les images prises de l’Ancien Testament constituent des variations d’une idée de fond, celle du " Peuple de Dieu ". Dans le Nouveau Testament (cf. Ep 1, 22 ; Col 1, 18), toutes ces images trouvent un nouveau centre par le fait que le Christ devient " la Tête " de ce peuple (cf. LG 9) qui est dès lors son Corps. Autour de ce centre se sont groupés des images " tirées soit de la vie pastorale ou de la vie des champs, soit du travail de construction ou de la famille et des épousailles " (LG 6).
754. " L’Église, en effet, est le bercail dont le Christ est l’entrée unique et nécessaire (cf. Jn 10, 1-10). Elle est aussi le troupeau dont Dieu a proclamé lui-même à l’avance qu’il serait le pasteur (cf. Is 40, 11 ; Ez 34, 11-31), et dont les brebis, quoiqu’elles aient à leur tête des pasteurs humains, sont cependant continuellement conduites et nourries par le Christ même, Bon Pasteur et Prince des pasteurs (cf. Jn 10, 11 ; 1 P 5, 4), qui a donné sa vie pour ses brebis (cf. LG 6 ; Jn 10, 11-15) ".
755. " L’Église est le terrain de culture, le champ de Dieu (1 Co 3, 9). Dans ce champ croît l’antique olivier dont les patriarches furent la racine sainte et en lequel s’opère et s’opérera la réconciliation entre Juifs et Gentils (cf. Rm 11, 13-26). Elle fut plantée par le Vigneron céleste comme une vigne choisie (cf. Mt 21, 33-43 par. ; cf. Is 5, 1-7). La Vigne véritable, c’est le Christ : c’est lui qui donne vie et fécondité aux rameaux que nous sommes : par l’Église nous demeurons en lui, sans qui nous ne pouvons rien faire (cf. Jn 15, 1-5) " (LG 6).
756. " Bien souvent aussi, l’Église est dite la construction de Dieu (cf. 1 Co 3, 9). Le Seigneur lui-même s’est comparé à la pierre rejetée par les bâtisseurs et devenue pierre angulaire (Mt 21, 42 par. ; cf. Ac 4, 11 ; 1 P 2, 7 ; Ps 118, 22). Sur ce fondement, l’Église est construite par les apôtres (cf. 1 Co 3, 11), et de ce fondement elle reçoit fermeté et cohésion. Cette construction est décorée d’appellations diverses : la maison de Dieu (cf. 1 Tm 3, 15), dans laquelle habite sa famille, l’habitation de Dieu dans l’Esprit (cf. Ep 2, 19-22), la demeure de Dieu chez les hommes (cf. Ap 21, 3), et surtout le temple saint, lequel, représenté par les sanctuaires de pierres, est l’objet de la louange des saints Pères et comparé à juste titre dans la liturgie à la Cité sainte, la nouvelle Jérusalem. En effet, nous sommes en elle sur la terre comme les pierres vivantes qui entrent dans la construction (cf. 1 P 2, 5). Cette Cité sainte, Jean la contemple descendant du ciel d’auprès de Dieu à l’heure où se renouvellera le monde, prête comme une fiancée parée pour son époux (cf. Ap 21, 1-2) "(LG 6).
757. " L’Église s’appelle encore " la Jérusalem d’en haut " et " notre mère " (Ga 4, 26 ; cf. Ap 12, 17) ; elle est décrite comme l’épouse immaculée de l’Agneau immaculé (cf. Ap 19, 7 ; 21, 2. 9 ; 22, 17) que le Christ ‘a aimée, pour laquelle il s’est livré afin de la sanctifier’ (Ep 5, 26), qu’il s’est associée par un pacte indissoluble, qu’il ne cesse de ‘nourrir et d’entourer de soins’ (Ep 5, 29) " (LG 6).
II. Origine, fondation et mission de l’Église
758. Pour scruter le mystère de l’Église, il convient de méditer d’abord son origine dans le dessein de la Très Sainte Trinité et sa réalisation progressive dans l’histoire.
759. Un dessein né dans le cœur du Père
" Le Père éternel par la disposition absolument libre et mystérieuse de sa sagesse et de sa bonté a créé l’univers ; il a décidé d’élever les hommes à la communion de sa vie divine ", à laquelle il appelle tous les hommes dans son Fils : " Tous ceux qui croient au Christ, le Père a voulu les appeler à former la sainte Église ". Cette " famille de Dieu " se constitue et se réalise graduellement au long des étapes de l’histoire humaine, selon les dispositions du Père : en effet, l’Église a été " préfigurée dès l’origine du monde ; elle a été merveilleusement préparée dans l’histoire du peuple d’Israël et dans l’Ancienne Alliance ; elle a été instituée enfin en ces temps qui sont les derniers ; elle est manifestée grâce à l’effusion de l’Esprit Saint et, au terme des siècles, elle sera consommée dans la gloire " (LG 2).
760. L’Église – préfigurée dès l’origine du monde
" Le monde fut créé en vue de l’Église ", disaient les chrétiens des premiers temps (Hermas, vis. 2, 4, 1 ; cf. Aristide, apol. 16, 6 ; Justin, apol. 2, 7). Dieu a créé le monde en vue de la communion à sa vie divine, communion qui se réalise par la " convocation " des hommes dans le Christ, et cette " convocation ", c’est l’Église. L’Église est la fin de toutes choses (cf. S. Epiphane, hær. 1, 1, 5 : PG 41, 181C), et les vicissitudes douloureuses elles-mêmes, comme la chute des Anges et le péché de l’homme, ne furent permises par Dieu que comme occasion et moyen pour déployer toute la force de son bras, toute la mesure d’amour qu’il voulait donner au monde :
De même que la volonté de Dieu est un acte et qu’elle s’appelle le monde, ainsi son intention est le salut des hommes, et elle s’appelle l’Église (Clément d’Alexandrie, pæd. 1, 6).
761. L’Église – préparée dans l’Ancienne Alliance
Le rassemblement du Peuple de Dieu commence à l’instant où le péché détruit la communion des hommes avec Dieu et celle des hommes entre eux. Le rassemblement de l’Église est pour ainsi dire la réaction de Dieu au chaos provoqué par le péché. Cette réunification se réalise secrètement au sein de tous les peuples : " En toute nation, Dieu tient pour agréable quiconque le craint et pratique la justice " (Ac 10, 35 ; cf. LG 9 ; 13 ; 16).
762. La préparation lointaine du rassemblement du Peuple de Dieu commence avec la vocation d’Abraham, à qui Dieu promet qu’il deviendra le père d’un grand peuple (cf. Gn 12, 2 ; 15, 5-6). La préparation immédiate commence avec l’élection d’Israël comme Peuple de Dieu (cf. Ex 19, 5-6 ; Dt 7, 6). Par son élection, Israël doit être le signe du rassemblement futur de toutes les nations (cf. Is 2, 2-5 ; Mi 4, 1-4). Mais déjà les prophètes accusent Israël d’avoir rompu l’alliance et de s’être comporté comme une prostituée (cf. Os 1 ; Is 1, 2-4 ; Jr 2 ; etc.). Ils annoncent une alliance nouvelle et éternelle (cf. Jr 31, 31-34 ; Is 55, 3). " Cette Alliance Nouvelle, le Christ l’a instituée " (LG 9).
763. L’Église – instituée par le Christ Jésus
Il appartient au Fils de réaliser, dans la plénitude des temps, le plan de salut de son Père ; c’est là le motif de sa " mission " (cf. LG 3 ; AG 3). " Le Seigneur Jésus posa le commencement de son Église en prêchant l’heureuse nouvelle, l’avènement du Règne de Dieu promis dans les Écritures depuis des siècles " (LG 5). Pour accomplir la volonté du Père, le Christ inaugura le Royaume des cieux sur la terre. L’Église " est le Règne du Christ déjà mystérieusement présent " (LG 3).
764. " Ce Royaume brille aux yeux des hommes dans la parole, les œuvres et la présence du Christ " (LG 5). Accueillir la parole de Jésus, c’est " accueillir le Royaume lui-même " (ibid.). Le germe et le commencement du Royaume sont le " petit troupeau " (Lc 12, 32) de ceux que Jésus est venu convoquer autour de lui et dont il est lui-même le pasteur (cf. Mt 10, 16 ; 26, 31 ; Jn 10, 1-21). Ils constituent la vraie famille de Jésus (cf. Mt 12, 49). A ceux qu’il a ainsi rassemblés autour de lui, il a enseigné une " manière d’agir " nouvelle, mais aussi une prière propre (cf. Mt 5-6).
765. Le Seigneur Jésus a doté sa communauté d’une structure qui demeurera jusqu’au plein achèvement du Royaume. Il y a avant tout le choix des Douze avec Pierre comme leur chef (cf. Mc 3, 14-15). Représentant les douze tribus d’Israël (cf. Mt 19, 28 ; Lc 22, 30) ils sont les pierres d’assise de la nouvelle Jérusalem (cf. Ap 21, 12-14). Les Douze (cf. Mc 6, 7) et les autres disciples (cf. Lc 10, 1-2) participent à la mission du Christ, à son pouvoir, mais aussi à son sort (cf. Mt 10, 25 ; Jn 15, 20). Par tous ces actes, le Christ prépare et bâtit son Église.
766. Mais l’Église est née principalement du don total du Christ pour notre salut, anticipé dans l’institution de l’Eucharistie et réalisé sur la Croix. " Le commencement et la croissance de l’Église sont signifiés par le sang et l’eau sortant du côté ouvert de Jésus crucifié " (LG 3). " Car c’est du côté du Christ endormi sur la Croix qu’est né l’admirable sacrement de l’Église toute entière " (SC 5). De même qu’Eve a été formée du côté d’Adam endormi, ainsi l’Église est née du cœur transpercé du Christ mort sur la Croix (cf. S. Ambroise, Luc. 2, 85-89 : PL 15, 1583-1586).
767. L’Église – manifestée par l’Esprit Saint
" Une fois achevée l’œuvre que le Père avait chargé son Fils d’accomplir sur la terre, le jour de Pentecôte, l’Esprit Saint fut envoyé pour sanctifier l’Église en permanence " (LG 4). C’est alors que " l’Église se manifesta publiquement devant la multitude et que commença la diffusion de l’Évangile avec la prédication " (AG 4). Parce qu’elle est " convocation " de tous les hommes au salut, l’Église est, par sa nature même, missionnaire envoyée par le Christ à toutes les nations pour en faire des disciples (cf. Mt 28, 19-20 ; AG 2 ; 5-6).
768. Pour réaliser sa mission, l’Esprit Saint " équipe et dirige l’Église grâce à la diversité des dons hiérarchiques et charismatiques " (LG 4). " Aussi l’Église, pourvue des dons de son fondateur, et fidèlement appliquée à garder ses préceptes de charité, d’humilité et d’abnégation, reçoit mission d’annoncer le Royaume du Christ et de Dieu et de l’instaurer dans toutes les nations ; elle constitue de ce royaume le germe et le commencement sur terre " (LG 5).
769. L’Église – consommée dans la gloire
" L’Église (...) n’aura sa consommation que dans la gloire céleste " (LG 48), lors du retour glorieux du Christ. Jusqu’à ce jour, " l’Église avance dans son pèlerinage à travers les persécutions du monde et les consolations de Dieu " (S. Augustin, civ. 18, 51 ; cf. LG 8). Ici-bas, elle se sait en exil, loin du Seigneur (cf. 2 Co 5, 6 ; LG 6), et elle aspire à l’avènement plénier du Royaume, " l’heure où elle sera, dans la gloire, réunie à son Roi " (LG 5). La consommation de l’Église, et à travers elle, celle du monde, dans la gloire ne se fera pas sans de grandes épreuves. Alors seulement, " tous les justes depuis Adam, depuis Abel le juste jusqu’au dernier élu se trouveront rassemblés dans l’Église universelle auprès du Père " (LG 2).
770. L’Église est dans l’histoire, mais elle la transcende en même temps. C’est uniquement " avec les yeux de la foi " (Catech. R. 1, 10, 20) que l’on peut voir en sa réalité visible en même temps une réalité spirituelle, porteuse de vie divine.
771. L’Église – à la fois visible et spirituelle
" Le Christ, unique médiateur, constitue et continuellement soutient son Église sainte, communauté de foi, d’espérance et de charité, ici-bas, sur terre, comme un tout visible par lequel il répand, à l’intention de tous, la vérité et la grâce ". L’Église est à la fois :
– " société dotée d’organes hiérarchiques et Corps Mystique du Christ ;
– assemblée visible et communauté spirituelle ;
– Église terrestre et Église parée de dons célestes ".
Ces dimensions constituent ensemble " une seule réalité complexe, faite d’un double élément humain et divin " (LG 8) :
Il appartient en propre à l’Église d’être à la fois humaine et divine, visible et riche de réalités invisibles, fervente dans l’action et occupée à la contemplation, présente dans le monde et pourtant étrangère. Mais de telle sorte qu’en elle ce qui est humain est ordonné et soumis au divin ; ce qui est visible, à l’invisible ; ce qui relève de l’action, à la contemplation ; et ce qui est présent, à la cité future que nous recherchons (SC 2).
Humilité ! Sublimité ! Tente de Cédar et sanctuaire de Dieu ; habitation terrestre et céleste palais ; maison d’argile et cour royale ; corps mortel et temple de lumière ; objet de mépris enfin pour les orgueilleux et épouse du Christ ! Elle est noire mais belle, filles de Jérusalem, celle qui, pâlie par la fatigue et la souffrance d’un long exil, a cependant pour ornement la parure céleste (S. Bernard, Cant. 27, 7, 14 : PL 183, 920D).
772. L’Église – mystère de l’union des hommes avec Dieu
C’est dans l’Église que le Christ accomplit et révèle son propre mystère comme le but du dessein de Dieu : " récapituler tout en Lui " (Ep 1, 10). S. Paul appelle " grand mystère " (Ep 5, 32) l’union sponsale du Christ et de l’Église. Parce qu’elle est unie au Christ comme à son Époux (cf. Ep 5, 25-27), l’Église devient elle-même à son tour mystère (cf. Ep 3, 9-11). Contemplant en elle le mystère, S. Paul s’écrit : " Le Christ en vous, l’espérance de la gloire " (Col 1, 27).
773. Dans l’Église cette communion des hommes avec Dieu par " la charité qui ne passe jamais " (1 Co 13, 8) est la fin qui commande tout ce qui en elle est moyen sacramentel lié à ce monde qui passe (cf. LG 48). " Sa structure est complètement ordonnée à la sainteté des membres du Christ. Et la sainteté s’apprécie en fonction du ‘grand mystère’ dans lequel l’Épouse répond par le don de l’amour au don de l’Époux " (MD 27). Marie nous précède tous dans la sainteté qui est le mystère de l’Église comme " l’Épouse sans tâche ni ride " (Ep 5, 27). C’est pourquoi " la dimension mariale de l’Église précède sa dimension pétrinienne " (MD 27).
774. L’Église – sacrement universel du salut
Le mot grec mysterion a été traduit en latin par deux termes : mysterium et sacramentum. Dans l’interprétation ultérieure, le terme sacramentum exprime davantage le signe visible de la réalité cachée du salut, indiquée par le terme mysterium. En ce sens, le Christ est Lui-même le mystère du salut : " Non est enim aliud Dei mysterium, nisi Christus " (" Il n’y a pas d’autre mystère que le Christ ", S. Augustin, ep. 187, 11, 34 : PL 33, 845). L’œuvre salvifique de son humanité sainte et sanctifiante est le sacrement du salut qui se manifeste et agit dans les sacrements de l’Église (que les Églises d’Orient appellent aussi " les saints mystères "). Les sept sacrements sont les signes et les instruments par lesquels l’Esprit Saint répand la grâce du Christ, qui est la Tête, dans l’Église qui est son Corps. L’Église contient donc et communique la grâce invisible qu’elle signifie. C’est en ce sens analogique qu’elle est appelée " sacrement ".
775. " L’Église est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain " (LG 1) : Être le sacrement de l’union intime des hommes avec Dieu : c’est là le premier but de l’Église. Parce que la communion entre les hommes s’enracine dans l’union avec Dieu, l’Église est aussi le sacrement de l’unité du genre humain. En elle, cette unité est déjà commencée puisqu’elle rassemble des hommes " de toute nation, race, peuple et langue " (Ap 7, 9) ; en même temps, l’Église est " signe et instrument " de la pleine réalisation de cette unité qui doit encore venir.
776. Comme sacrement, l’Église est instrument du Christ. " Entre ses mains elle est l’instrument de la Rédemption de tous les hommes " (LG 9), " le sacrement universel du salut " (LG 48), par lequel le Christ " manifeste et actualise l’amour de Dieu pour les hommes " (GS 45, § 1). Elle " est le projet visible de l’amour de Dieu pour l’humanité " (Paul VI, discours 22 juin 1973) qui veut " que le genre humain tout entier constitue un seul Peuple de Dieu, se rassemble dans le Corps unique du Christ, soit construit en un seul temple du Saint-Esprit " (AG 7 ; cf. LG 17).
781. Paragraphe 2. L’Église – Peuple de Dieu, Corps du Christ, temple de l’Esprit Saint
" A toute époque, à la vérité, et en toute nation, Dieu a tenu pour agréable quiconque le craint et pratique la justice. Cependant, il a plu à Dieu que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel ; il a voulu au contraire en faire un Peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté. C’est pourquoi il s’est choisi le Peuple d’Israël pour être son Peuple avec qui il a fait alliance et qu’il a progressivement instruit (...). Tout cela cependant n’était que pour préparer et figurer l’Alliance Nouvelle et parfaite qui serait conclue dans le Christ (...). C’est la Nouvelle Alliance dans son sang, appelant un Peuple, venu des Juifs et des païens, à se rassembler dans l’unité, non pas selon la chair, mais dans l’Esprit " (LG 9).
Les caractéristiques du Peuple de Dieu
782. Le Peuple de Dieu a des caractéristiques qui le distinguent nettement de tous les groupements religieux, ethniques, politiques ou culturels de l’histoire :
– Il est le Peuple de Dieu : Dieu n’appartient en propre à aucun peuple. Mais Il s’est acquis un peuple de ceux qui autrefois n’étaient pas un peuple : " une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte " (1 P 2, 9).
– On devient membre de ce Peuple non par la naissance physique, mais par la " naissance d’en haut ", " de l’eau et de l’Esprit " (Jn 3, 3-5), c’est-à-dire par la foi au Christ et le Baptême.
– Ce Peuple a pour Chef [Tête] Jésus le Christ [Oint, Messie] : parce que la même Onction, l’Esprit Saint, découle de la Tête dans le Corps, il est " le Peuple messianique ".
– " La condition de ce Peuple, c’est la dignité de la liberté des fils de Dieu : dans leurs cœurs, comme dans un temple, réside l’Esprit Saint ".
– " Sa loi, c’est le commandement nouveau d’aimer comme le Christ lui-même nous a aimés (cf. Jn 13, 34) ". C’est la loi " nouvelle " de l’Esprit Saint (Rm 8, 2 ; Ga 5, 25).
– Sa mission, c’est d’être le sel de la terre et la lumière du monde (cf. Mt 5, 13-16). " Il constitue pour tout le genre humain le germe le plus fort d’unité, d’espérance et de salut ".
– Sa destinée, enfin, c’est le Royaume de Dieu, commencé sur la terre par Dieu lui-même, Royaume qui doit se dilater de plus en plus, jusqu’à ce que, à la fin des temps, il soit achevé par Dieu lui-même " (LG 9).
783. Un Peuple sacerdotal, prophétique et royal
Jésus-Christ est celui que le Père a oint de l’Esprit Saint et qu’il a constitué " Prêtre, Prophète et Roi ". Le Peuple de Dieu tout entier participe à ces trois fonctions du Christ et il porte les responsabilités de mission et de service qui en découlent (cf. RH 18-21).
784. En entrant dans le Peuple de Dieu par la foi et le Baptême, on reçoit part à la vocation unique de ce Peuple : à sa vocation sacerdotale : " Le Christ Seigneur, grand prêtre pris d’entre les hommes a fait du Peuple nouveau ‘un royaume, des prêtres pour son Dieu et Père’. Les baptisés, en effet, par la régénération et l’onction du Saint-Esprit, sont consacrés pour être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint " (LG 10).
785. " Le Peuple saint de Dieu participe aussi à la fonction prophétique du Christ ". Il l’est surtout :par le sens surnaturel de la foi qui est celui du Peuple tout entier, laïcs et hiérarchie, lorsqu’il " s’attache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes " (LG 12) et en approfondit l’intelligence et devient témoin du Christ au milieu de ce monde
786. Le Peuple de Dieu participe enfin à la fonction royale du Christ. Le Christ exerce sa royauté en attirant à soi tous les hommes par sa mort et sa Résurrection (cf. Jn 12, 32). Le Christ, Roi et Seigneur de l’univers, s’est fait le serviteur de tous, n’étant " pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28). Pour le chrétien, " régner, c’est le servir " (LG 36), particulièrement " dans les pauvres et les souffrants, dans lesquels l’Église reconnaît l’image de son Fondateur pauvre et souffrant " (LG 8). Le Peuple de Dieu réalise sa " dignité royale " en vivant conformément à cette vocation de servir avec le Christ.
De tous les régénérés dans le Christ le signe de la Croix fait des rois, l’onction du Saint-Esprit les consacre comme prêtres, afin que, mis à part le service particulier de notre ministère, tous les chrétiens spirituels et usant de leur raison se reconnaissent membres de cette race royale et participants de la fonction sacerdotale. Qu’y a-t-il, en effet, d’aussi royal pour une âme que de gouverner son corps dans la soumission à Dieu ? Et qu’y a-t-il d’aussi sacerdotal que de vouer au Seigneur une conscience pure et d’offrir sur l’autel de son cœur les victimes sans taches de la piété ? (S. Léon le Grand, serm. 4, 1 : PL 54, 149).
787. L’Église est communion avec Jésus
Dès le début, Jésus a associés ses disciples à sa vie (cf. Mc 1, 16-20 ; 3, 13-19) ; il leur a révélé le mystère du Royaume (cf. Mt 13, 10-17) ; il leur a donné part à sa mission, à sa joie (cf. Lc 10, 17-20) et à ses souffrances (cf. Lc 22, 28-30). Jésus parle d’une communion encore plus intime entre Lui et ceux qui le suivraient : " Demeurez en moi, comme moi en vous (...). Je suis le cep, vous êtes les sarments " (Jn 15, 4-5). Et Il annonce une communion mystérieuse et réelle entre son propre corps et le nôtre : " Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui " (Jn 6, 56).
788. Lorsque sa présence visible leur a été enlevée, Jésus n’a pas laissé orphelins ses disciples (cf. Jn 14, 18). Il leur a promis de rester avec eux jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 28, 20), il leur a envoyé son Esprit (cf. Jn 20, 22 ; Ac 2, 33). La communion avec Jésus en est devenue, d’une certaine façon, plus intense : " En communiquant son Esprit à ses frères, qu’il rassemble de toutes les nations, Il les a constitués mystiquement comme son corps " (LG 7).
789. La comparaison de l’Église avec le corps jette une lumière sur le lien intime entre l’Église et le Christ. Elle n’est pas seulement rassemblée autour de lui ; elle est unifiée en lui, dans son Corps. Trois aspects de l’Église – Corps du Christ sont plus spécifiquement à relever : l’unité de tous les membres entre eux par leur union au Christ ; le Christ Tête du Corps ; l’Église, Épouse du Christ.
790. Les croyants qui répondent à la Parole de Dieu et deviennent membres du Corps du Christ, deviennent étroitement unis au Christ : " Dans ce corps la vie du Christ se répand à travers les croyants que les sacrements, d’une manière mystérieuse et réelle, unissent au Christ souffrant et glorifié " (LG 7). Ceci est particulièrement vrai du Baptême par lequel nous sommes unis à la mort et à la Résurrection du Christ (cf. Rm 6, 4-5 ; 1 Co 12, 13), et de l’Eucharistie, par laquelle, " participant réellement au corps du Christ ", " nous sommes élevés à la communion avec Lui et entre nous " (LG 7).
791. L’unité du corps n’abolit pas la diversité des membres : " Dans l’édification du corps du Christ règne une diversité de membres et de fonctions. Unique est l’Esprit qui distribue des dons variés pour le bien de l’Église à la mesure de ses richesses et des exigences des services " . L’unité du Corps mystique produit et stimule entre les fidèles la charité : " Aussi un membre ne peut souffrir, que tous les membres ne souffrent, un membre ne peut être à l’honneur, que tous les membres ne se réjouissent avec lui " (LG 7). Enfin, l’unité du Corps mystique est victorieuse de toutes les divisions humaines : " Vous tous, en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus " (Ga 3, 27-28).
792. " De ce Corps, le Christ est la Tête "
Le Christ " est la Tête du Corps qui est l’Église " (Col 1, 18). Il est le Principe de la création et de la rédemption. Élevé dans la gloire du Père, " Il a en tout la primauté " (Col 1, 18), principalement sur l’Église par laquelle il étend son règne sur toute chose :
793. Il nous unit à sa Pâque : Tous les membres doivent s’efforcer de lui ressembler " jusqu’à ce que le Christ soit formé en eux " (Ga 4, 19). " C’est dans ce but que nous sommes introduits dans les mystères de sa vie, (...) associés à ses souffrances comme le corps à la tête, unis à sa passion pour être unis à sa gloire " (LG 7).
794. Il pourvoit à notre croissance (cf. Col 2, 19) : Pour nous faire grandir vers lui, notre Tête (cf. Ep 4, 11-16), le Christ dispose dans son corps, l’Église, les dons et les services par lesquels nous nous aidons mutuellement sur le chemin du salut.
795. Le Christ et l’Église, c’est donc le " Christ total " (Christus totus). L’Église est une avec le Christ. Les saints ont une conscience très vive de cette unité :
Félicitons-nous donc et rendons grâces de ce que nous sommes devenus, non seulement des chrétiens, mais le Christ lui-même. Comprenez-vous, frères, la grâce que Dieu nous a faite en nous donnant le Christ comme Tête ? Soyez dans l’admiration et réjouissez-vous, nous sommes devenus le Christ. En effet, puisqu’il est la Tête et que nous sommes les membres, l’homme tout entier, c’est lui et nous (...). La plénitude du Christ, c’est donc la Tête et les membres ; qu’est-ce à dire : la Tête et les membres ? Le Christ et l’Église (S. Augustin, ev. Jo. 21, 8).
Notre Rédempteur s’est montré comme une seule et même personne que l’Église qu’il a assumée (S. Grégoire le Grand, mor. præf. 1, 6, 4 : PL 75, 525A).
Tête et membres, une seule et même personne mystique pour ainsi dire (S. Thomas d’A., s. th. 3, 48, 2, ad 1).
Un mot de Ste Jeanne d’Arc à ses juges résume la foi des saints Docteurs et exprime le bon sens du croyant : " De Jésus-Christ et de l’Église, il m’est avis que c’est tout un, et qu’il n’en faut pas faire difficulté " (Jeanne d’Arc, proc.).
796. L’Église est l’Épouse du Christ
L’unité du Christ et de l’Église, Tête et membres du Corps, implique aussi la distinction des deux dans une relation personnelle. Cet aspect est souvent exprimé par l’image de l’époux et de l’épouse. Le thème du Christ Époux de l’Église a été préparé par les prophètes et annoncé par Jean-Baptiste (cf. Jn 3, 29). Le Seigneur s’est lui-même désigné comme " l’Époux " (Mc 2, 19 ; cf. Mt 22, 1-14 ; 25, 1-13). L’apôtre présente l’Église et chaque fidèle, membre de son Corps, comme une Épouse " fiancée " au Christ Seigneur, pour n’être avec Lui qu’un seul Esprit (cf. 1 Co 6, 15-16 ; 2 Co 11, 2). Elle est l’Épouse immaculée de l’Agneau immaculé (cf. Ap 22, 17 ; Ep 1, 4 ; 5, 27) que le Christ a aimée, pour laquelle Il s’est livré " afin de la sanctifier " (Ep 5, 26), qu’Il s’est associée par une alliance éternelle, et dont Il ne cesse de prendre soin comme de son propre Corps (cf. Ep 5, 29) :
Voilà le Christ total, Tête et Corps, un seul formé de beaucoup. (...) Que ce soit la Tête qui parle, que ce soit les membres, c’est le Christ qui parle. Il parle en tenant le rôle de la Tête (ex persona capitis) ou bien en tenant le rôle du Corps (ex persona corporis). Selon ce qui est écrit : " Ils seront deux en une seule chair. C’est là un grand mystère, je veux dire en rapport avec le Christ et l’Église " (Ep 5, 31-32). Et le Seigneur lui-même dans l’Évangile : " Non plus deux, mais une seule chair " (Mt 19, 6). Comme vous l’avez vu, il y a bien en fait deux personnes différentes, et cependant, elles ne font qu’un dans l’étreinte conjugale. (...) En tant que Tête il se dit " Époux ", en tant que Corps il se dit " Épouse " (S. Augustin, Psal. 74, 4).
797. III. L’Église – Temple de l’Esprit Saint
" Ce que notre esprit, je veux dire notre âme, est à nos membres, l’Esprit Saint l’est aux membres du Christ, au Corps du Christ, je veux dire l’Église " (S. Augustin, serm. 267, 4 : PL 38, 1231D). " C’est à l’Esprit du Christ comme à un principe caché qu’il faut attribuer que toutes les parties du Corps soient reliées, aussi bien entre elles qu’avec leur Tête suprême, puisqu’il réside tout entier dans la Tête, tout entier dans le Corps, tout entier dans chacun de ses membres " (Pie XII, Enc. " Mystici Corporis " : DS 3808). L’Esprit Saint fait de l’Église " le Temple du Dieu Vivant " (2 Co 6, 16 ; cf. 1 Co 3, 16-17 ; Ep 2, 21) :
C’est à l’Église elle-même, en effet, qu’a été confié le Don de Dieu. (...) C’est en elle qu’a été déposée la communion avec le Christ, c’est-à-dire l’Esprit Saint, arrhes de l’incorruptibilité, confirmation de notre foi et échelle de notre ascension vers Dieu (...) Car là où est l’Église, là est aussi l’Esprit de Dieu ; et là où est l’Esprit de Dieu, là est l’Église et toute grâce (S. Irénée, hær. 3, 24, 1).
798. L’Esprit Saint est " le Principe de toute action vitale et vraiment salutaire en chacune des diverses parties du Corps " (Pie XII, enc. " Mystici Corporis " : DS 3808). Il opère de multiples manières l’édification du Corps tout entier dans la charité (cf. Ep 4, 16) : par la Parole de Dieu, " qui a la puissance de construire l’édifice " (Ac 20, 32), par le Baptême par lequel il forme le Corps du Christ (cf. 1 Co 12, 13) ; par les sacrements qui donnent croissance et guérison aux membres du Christ ; par " la grâce accordée aux apôtres qui tient la première place parmi ses dons " (LG 7), par les vertus qui font agir selon le bien, enfin par les multiples grâces spéciales [appelés " charismes "] par lesquels il rend les fidèles " aptes et disponibles pour assumer les diverses charges et offices qui servent à renouveler et à édifier davantage l’Église " (LG 12 ; cf. AA 3).
799. Extraordinaires ou simples et humbles, les charismes sont des grâces de l’Esprit Saint qui ont, directement ou indirectement, une utilité ecclésiale, ordonnés qu’ils sont à l’édification de l’Église, au bien des hommes et aux besoins du monde.
800. Les charismes sont à accueillir avec reconnaissance par celui qui les reçoit, mais aussi par tous les membres de l’Église. Ils sont, en effet, une merveilleuse richesse de grâce pour la vitalité apostolique et pour la sainteté de tout le Corps du Christ ; pourvu cependant qu’il s’agisse de dons qui proviennent véritablement de l’Esprit Saint et qu’ils soient exercés de façon pleinement conforme aux impulsions authentiques de ce même Esprit, c’est-à-dire selon la charité, vraie mesure des charismes (cf. 1 Co 13).
801. C’est dans ce sens qu’apparaît toujours nécessaire le discernement des charismes. Aucun charisme ne dispense de la référence et de la soumission aux Pasteurs de l’Église. " C’est à eux qu’il convient spécialement, non pas d’éteindre l’Esprit, mais de tout éprouver pour retenir ce qui est bon " (LG 12), afin que tous les charismes coopèrent, dans leur diversité et leur complémentarité, au " bien commun " (1 Co 12, 7) (cf. LG 30 ; CL 24).
813. " Le mystère sacré de l’Unité de l’Église " (UR 2)
L’Église est une de par sa source : " De ce mystère, le modèle suprême et le principe est dans la trinité des personnes l’unité d’un seul Dieu Père, et Fils, en ‘l’Esprit Saint " (UR 2). L’Église est une de par son Fondateur : " Car le Fils incarné en personne a réconcilié tous les hommes avec Dieu par sa Croix, rétablissant l’unité de tous en un seul Peuple et un seul Corps " (GS 78, §3). L’Église est une de par son " âme " : " L’Esprit Saint qui habite dans les croyants, qui remplit et régit toute l’Église, réalise cette admirable communion des fidèles et les unit tous si intimement dans le Christ, qu’il est le principe de l’Unité de l’Église " (UR 2). Il est donc de l’essence même de l’Église d’être une :
Quel étonnant mystère ! Il y a un seul Père de l’univers, un seul Logos de l’univers et aussi un seul Esprit Saint, partout identique ; il y a aussi une seule vierge devenue mère, et j’aime l’appeler l’Église (S. Clément d’Alexandrie, pæd. 1, 6).
814. Dès l’origine, cette Église une se présente cependant avec une grande diversité qui provient à la fois de la variété des dons de Dieu et de la multiplicité des personnes qui les reçoivent. Dans l’unité du Peuple de Dieu se rassemblent les diversités des peuples et des cultures. Entre les membres de l’Église existe une diversité de dons, de charges, de conditions et de modes de vie ; " au sein de la communion de l’Église il existe légitimement des Églises particulières, jouissant de leurs traditions propres " (LG 13). La grande richesse de cette diversité ne s’oppose pas à l’unité de l’Église. Cependant, le péché et le poids de ses conséquences menacent sans cesse le don de l’unité. Aussi l’apôtre doit-il exhorter à " garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix " (Ep 4, 3).
815. Quels sont ces liens de l’unité ? " Par-dessus tout [c’est] la charité, qui est le lien de la perfection " (Col 3, 14). Mais l’unité de l’Église pérégrinante est assurée aussi par des liens visibles de communion :
– la profession d’une seule foi reçue des apôtres ;
– la célébration commune du culte divin, surtout des sacrements ;
– la succession apostolique par le sacrement de l’ordre, maintenant la concorde fraternelle de la famille de Dieu (cf. UR 2 ; LG 14 ; CIC, can. 205).
816. " L’unique Église du Christ, (...) est celle que notre Sauveur, après sa Résurrection, remit à Pierre pour qu’il en soit le pasteur, qu’il lui confia, à lui et aux autres apôtres, pour la répandre et la diriger (...). Cette Église comme société constituée et organisée dans le monde est réalisée dans (subsistit in) l’Église catholique gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui " (LG 8) :
Le Décret sur l’Œcuménisme du deuxième Concile du Vatican explicite : " C’est, en effet, par la seule Église catholique du Christ, laquelle est ‘moyen général de salut’, que peut s’obtenir toute la plénitude des moyens de salut. Car c’est au seul collège apostolique, dont Pierre est le chef, que le Seigneur confia, selon notre foi, toutes les richesses de la Nouvelle Alliance, afin de constituer sur la terre un seul Corps du Christ auquel il faut que soient pleinement incorporés tous ceux qui, d’une certaine façon, appartiennent déjà au Peuple de Dieu " (UR 3).
817. De fait, " dans cette seule et unique Église de Dieu apparurent dès l’origine certaines scissions, que l’apôtre réprouve avec vigueur comme condamnables ; au cours des siècles suivants naquirent des dissensions plus amples, et des communautés considérables furent séparées de la pleine communion de l’Église catholique, parfois de par la faute des personnes de l’une et de l’autre partie " (UR 3). Les ruptures qui blessent l’unité du Corps du Christ (on distingue l’hérésie, l’apostasie et le schisme [cf. CIC, can. 751]) ne se font pas sans les péchés des hommes :
Où se trouve le péché, là aussi la multiplicité, là le schisme, là l’hérésie, là le conflit ; mais où se trouve la vertu, là aussi l’unité, là l’union qui faisait que tous les croyants n’avaient qu’un corps et une âme (Origène, hom. in Ezech. 9, 1).
818. Ceux qui naissent aujourd’hui dans des communautés issues de telles ruptures " et qui vivent la foi au Christ, ne peuvent être accusés de péché de division, et l’Église catholique les entoure de respect fraternel et de charité (...). Justifiés par la foi reçue au Baptême, incorporés au Christ, ils portent à juste titre le nom de chrétiens, et les fils de l’Église catholique les reconnaissent à bon droit comme des frères dans le Seigneur " (UR 3).
819. Au surplus, " beaucoup d’éléments de sanctification et de vérité " (LG 8) existent en dehors des limites visibles de l’Église catholique : " la parole de Dieu écrite, la vie de la grâce, la foi, l’espérance et la charité, d’autres dons intérieurs du Saint-Esprit et d’autres éléments visibles " (UR 3 ; cf. LG 15). L’Esprit du Christ se sert de ces Églises et communautés ecclésiales comme moyens de salut dont la force vient de la plénitude de grâce et de vérité que le Christ a confié à l’Église catholique. Tous ces biens proviennent du Christ et conduisent à lui (cf. UR 3) et appellent par eux-mêmes " l’unité catholique " (LG 8).
820. L’unité, " le Christ l’a accordée à son Église dès le commencement. Nous croyons qu’elle subsiste de façon inamissible dans l’Église catholique et nous espérons qu’elle s’accroîtra de jour en jour jusqu’à la consommation des siècles " (UR 4). Le Christ donne toujours à son Église le don de l’unité, mais l’Église doit toujours prier et travailler pour maintenir, renforcer et parfaire l’unité que le Christ veut pour elle. C’est pourquoi Jésus lui-même a prié à l’heure de sa passion, et Il ne cesse de prier le Père pour l’unité de ses disciples : " ... Que tous soient un. Comme Toi, Père, Tu es en Moi et Moi en Toi, qu’eux aussi soient un en Nous, afin que le monde croie que Tu M’as envoyé " (Jn 17, 21). Le désir de retrouver l’unité de tous les chrétiens est un don du Christ et un appel de l’Esprit Saint (cf. UR 1).
821. Pour y répondre adéquatement sont exigés :
– un renouveau permanent de l’Église dans une fidélité plus grande à sa vocation. Cette rénovation est le ressort du mouvement vers l’unité (cf. UR 6) ;
– la conversion du cœur " en vue de vivre plus purement selon l’Évangile " (cf. UR 7), car c’est l’infidélité des membres au don du Christ qui cause les divisions ;
– la prière en commun, car " la conversion du cœur et la sainteté de vie, unies aux prières publiques et privées pour l’unité des chrétiens, doivent être regardées comme l’âme de tout œcuménisme et peuvent être à bon droit appelées œcuménisme spirituel " (UR 8) ;
– la connaissance réciproque fraternelle (cf. UR 9) ;
– la formation œcuménique des fidèles et spécialement des prêtres (cf. UR 10) ;
– le dialogue entre les théologiens et les rencontres entre les chrétiens des différentes Églises et communautés (cf. UR 4 ; 9 ; 11) ;
– la collaboration entre chrétiens dans les divers domaines du service des hommes (cf. UR 12).
822. Le souci de réaliser l’union " concerne toute l’Église, fidèles et pasteurs " (UR 5). Mais il faut aussi " avoir conscience que ce projet sacré, la réconciliation de tous les chrétiens dans l’unité d’une seule et unique Église du Christ, dépasse les forces et les capacités humaines " C’est pourquoi nous mettons tout notre espoir " dans la prière du Christ pour l’Église, dans l’amour du Père à notre égard, et dans la puissance du Saint-Esprit " (UR 24).
823. " L’Église (...) est aux yeux de la foi indéfectiblement sainte. En effet le Christ, Fils de Dieu, qui, avec le Père et l’Esprit, est proclamé ‘seul Saint’, a aimé l’Église comme son épouse, il s’est livré pour elle afin de la sanctifier, il se l’est unie comme son Corps et l’a comblée du don de l’Esprit Saint pour la gloire de Dieu " (LG 39). L’Église est donc " le Peuple saint de Dieu " (LG 12), et ses membres sont appelés " saints " (cf. Ac 9, 13 ; 1 Co 6, 1 ; 16, 1).
824. L’Église, unie au Christ, est sanctifiée par Lui ; par Lui et en Lui elle devient aussi sanctifiante. " Toutes les œuvres de l’Église tendent comme à leur fin, à la sanctification des hommes dans le Christ et à la glorification de Dieu " (SC 10). C’est dans l’Église qu’est déposée " la plénitude des moyens de salut " (UR 3). C’est en elle que " nous acquérons la sainteté par la grâce de Dieu " (LG 48).
825. " Sur terre, l’Église est parée d’une sainteté véritable, bien qu’imparfaite " (LG 48). En ses membres, la sainteté parfaite est encore à acquérir : " Pourvue de moyens salutaires d’une telle abondance et d’une telle grandeur, tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur condition et leur état de vie, sont appelés par Dieu chacun dans sa route, à une sainteté dont la perfection est celle même du Père " (LG 11).
826. La charité est l’âme de la sainteté à laquelle tous sont appelés : " Elle dirige tous les moyens de sanctification, leur donne leur âme et les conduit à leur fin " (LG 42) :
Je compris que si l’Église avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l’Église avait un Cœur, et que ce Cœur était brûlant d’amour. Je compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Église, que si l’Amour venait à s’éteindre, les apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang (...). Je compris que l’Amour renfermait toutes les vocations, que l’amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux (...) en un mot, qu’il est éternel ! (Ste. Thérèse de l’Enfant-Jésus, ms. autob. B 3v).
827. " Tandis que le Christ saint, innocent, sans tache, venu uniquement pour expier les péchés du peuple, n’a pas connu le péché, l’Église, elle, qui renferme des pécheurs dans son propre sein, est donc à la fois sainte et appelée à se purifier, et poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement " (LG 8 ; cf. UR 3 ; 6). Tous les membres de l’Église, ses ministres y compris, doivent se reconnaître pécheurs (cf. 1 Jn 1, 8-10). En tous, l’ivraie du péché se trouve encore mêlée au bon grain de l’Évangile jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 13, 24-30). L’Église rassemble donc des pécheurs saisis par le salut du Christ mais toujours en voie de sanctification :
L’Église est sainte tout en comprenant en son sein des pécheurs, parce qu’elle n’a elle-même d’autre vie que celle de la grâce : c’est en vivant de sa vie que ses membres se sanctifient ; c’est en se soustrayant à sa vie qu’ils tombent dans les péchés et les désordres qui empêchent le rayonnement de sa sainteté. C’est pourquoi elle souffre et fait pénitence pour ces fautes, dont elle a le pouvoir de guérir ses enfants par le sang du Christ et le don de l’Esprit Saint (SPF 19).
828. En canonisant certains fidèles, c’est-à-dire en proclamant solennellement que ces fidèles ont pratiqué héroïquement les vertus et vécu dans la fidélité à la grâce de Dieu, l’Église reconnaît la puissance de l’Esprit de sainteté qui est en elle et elle soutient l’espérance des fidèles en les leur donnant comme modèles et intercesseurs (cf. LG 40 ; 48-51). " Les saints et les saintes ont toujours été source et origine de renouvellement dans les moments les plus difficiles de l’histoire de l’Église " (CL 16, 3). En effet, " la sainteté est la source secrète et la mesure infaillible de son activité apostolique et de son élan missionnaire " (CL 17, 3).
829. " En la personne de la bienheureuse Vierge l’Église atteint déjà à la perfection qui la fait sans tache ni ride. Les fidèles du Christ, eux, sont encore tendus dans leur effort pour croître en sainteté par la victoire sur le péché : c’est pourquoi ils lèvent leurs yeux vers Marie " (LG 65) : en elle, l’Église est déjà la toute sainte.
830. Le mot " catholique " signifie " universel " dans le sens de " selon la totalité " ou " selon l’intégralité ". L’Église est catholique dans un double sens :
Elle est catholique parce qu’en elle le Christ est présent. " Là où est le Christ Jésus, là est l’Église Catholique " (S. Ignace d’Antioche, Smyrn. 8, 2). En elle subsiste la plénitude du Corps du Christ uni à sa Tête (cf. Ep 1, 22-23), ce qui implique qu’elle reçoive de lui " la plénitude des moyens de salut " (AG 6) qu’Il a voulus : confession de foi droite et complète, vie sacramentelle intégrale et ministère ordonné dans la succession apostolique. L’Église était, en ce sens fondamental, catholique au jour de la Pentecôte (cf. AG 4) et elle le sera toujours jusqu’au jour de la Parousie.
831. Elle est catholique parce qu’elle est envoyée en mission par le Christ à l’universalité du genre humain (cf. Mt 28, 19) :
Tous les hommes sont appelés à faire partie du Peuple de Dieu. C’est pourquoi ce Peuple, demeurant un et unique, est destiné à se dilater aux dimensions de l’univers entier et à toute la suite des siècles pour que s’accomplisse ce que s’est proposé la volonté de Dieu créant à l’origine la nature humaine dans l’unité, et décidant de rassembler enfin dans l’unité ses fils dispersés (...). Ce caractère d’universalité qui brille sur le Peuple de Dieu est un don du Seigneur lui-même, grâce auquel l’Église catholique, efficacement et perpétuellement, tend à récapituler l’humanité entière avec tout ce qu’elle comporte de biens sous le Christ chef, dans l’unité de son Esprit (LG 13).
832. Chaque Église particulière est " catholique "
" L’Église du Christ est vraiment présente en tous les légitimes groupements locaux de fidèles qui, unis à leurs pasteurs, reçoivent, dans le Nouveau Testament, eux aussi, le nom d’Églises (...). En elles, les fidèles sont rassemblés par la prédication de l’Évangile du Christ, le mystère de la Cène du Seigneur est célébré (...). Dans ces communautés, si petites et pauvres qu’elles puissent être souvent ou dispersées, le Christ est présent par la vertu de qui se constitue l’Église une, sainte, catholique et apostolique " (LG 26).
833. On entend par Église particulière, qui est d’abord le diocèse (ou l’éparchie), une communauté de fidèles chrétiens en communion dans la foi et les sacrements avec leur évêque ordonné dans la succession apostolique (cf. CD 11 ; CIC, can. 368-369 ; CCEO 177, 1 ; 178 ; 311, 1 ; 312). Ces Églises particulières " sont formées à l’image de l’Église universelle ; c’est en elles et à partir d’elles qu’existe l’Église catholique une et unique " (LG 23).
834. Les Églises particulières sont pleinement catholiques par la communion avec l’une d’entre elles : l’Église de Rome " qui préside à la charité " (S. Ignace d’Antioche, Rom. 1, 1). " Car avec cette Église, en raison de son origine plus excellente doit nécessairement s’accorder toute Église, c’est-à-dire les fidèles de partout " (S. Irénée, hær. 3, 3, 2 : repris par Cc. Vatican I : DS 3057). " En effet, dès la descente vers nous du Verbe incarné, toutes les Églises chrétiennes de partout ont tenu et tiennent la grande Église qui est ici [à Rome] pour unique base et fondement parce que, selon les promesses mêmes du Sauveur, les portes de l’enfer n’ont jamais prévalu sur elle " (S. Maxime le Confesseur, opusc. : PG 91, 137-140).
835. " L’Église universelle ne doit pas être comprise comme une simple somme ou fédération d’églises particulières. Mais c’est bien plus l’Église, universelle par vocation et mission, qui prend racine dans une variété de terrains culturels, sociaux et humains, prenant dans chaque partie du monde des aspects et des formes d’expression diverses " (EN 62). La riche variété de disciplines ecclésiastiques, de rites liturgiques, de patrimoines théologiques et spirituels propres aux Églises locales " montre avec plus d’éclat, par leur convergence dans l’unité, la catholicité de l’Église indivise " (LG 23).
836. Qui appartient à l’Église catholique ?
" A l’unité catholique du Peuple de Dieu (...) tous les hommes sont appelés ; à cette unité appartiennent sous diverses formes ou sont ordonnés, et les fidèles catholiques et ceux qui, par ailleurs, ont foi dans le Christ, et finalement tous les hommes sans exception que la grâce de Dieu appelle au salut " (LG 13) :
837. " Sont incorporés pleinement à la société qu’est l’Église ceux qui, ayant l’Esprit du Christ, acceptent intégralement son organisation et tous les moyens de salut institués en elle, et qui, en outre, grâce aux liens constitués par la profession de foi, les sacrements, le gouvernement ecclésiastique et la communion, sont unis, dans l’ensemble visible de l’Église, avec le Christ qui la dirige par le Souverain Pontife et les évêques. L’incorporation à l’Église, cependant, n’assure pas le salut pour celui qui, faute de persévérer dans la charité, reste bien ‘de corps’ au sein de l’Église, mais non ‘de cœur’ "(LG 14).
838. " Avec ceux qui, étant baptisés, portent le beau nom de chrétiens sans professer pourtant intégralement la foi ou sans garder l’unité de communion avec le successeur de Pierre, l’Église se sait unie pour de multiples raisons " (LG 15). " Ceux qui croient au Christ et qui ont reçu validement le Baptême, se trouvent dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique " (UR 3). Avec les Églises orthodoxes, cette communion est si profonde " qu’il lui manque bien peu pour qu’elle atteigne la plénitude autorisant une célébration commune de l’Eucharistie du Seigneur " (Paul VI, discours 14 décembre 1975 ; cf. UR 13-18).
839. " Quant à ceux qui n’ont pas encore reçu l’Évangile, sous des formes diverses, eux aussi sont ordonnés au Peuple de Dieu " (LG 16) :
Le rapport de l’Église avec le Peuple Juif. L’Église, Peuple de Dieu dans la Nouvelle Alliance, découvre, en scrutant son propre mystère, son lien avec le Peuple Juif (cf. NA 4). " à qui Dieu a parlé en premier " (MR, Vendredi Saint 13 : oraison universelle VI). A la différence des autres religions non-chrétiennes la foi juive est déjà réponse à la révélation de Dieu dans l’Ancienne Alliance. C’est au Peuple Juif qu’" appartiennent l’adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses et les patriarches, lui de qui est né, selon la chair le Christ " (Rm 9, 4-5) car " les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance " (Rm 11, 29).
840. Par ailleurs, lorsque l’on considère l’avenir, le Peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance et le nouveau Peuple de Dieu tendent vers des buts analogues : l’attente de la venue (ou du retour) du Messie. Mais l’attente est d’un côté du retour du Messie, mort et ressuscité, reconnu comme Seigneur et Fils de Dieu, de l’autre de la venue du Messie, dont les traits restent voilés, à la fin des temps, attente accompagnée du drame de l’ignorance ou de la méconnaissance du Christ Jésus.
841. Les relations de l’Église avec les musulmans. " Le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui, en déclarant qu’ils gardent la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, juge des hommes au dernier jour " (LG 16 ; cf. NA 3).
842. Le lien de l’Église avec les religions non-chrétiennes est d’abord celui de l’origine et de la fin communes du genre humain :
En effet, tous les peuples forment une seule communauté ; ils ont une seule origine, puisque Dieu a fait habiter toute la race humaine sur la face de la terre ; ils ont aussi une seule fin dernière, Dieu, dont la providence, les témoignages de bonté et les desseins de salut s’étendent à tous, jusqu’à ce que les élus soient réunis dans la cité sainte (NA 1).
843. L’Église reconnaît dans les autres religions la recherche, " encore dans les ombres et sous des images ", du Dieu inconnu mais proche puisque c’est Lui qui donne à tous vie, souffle et toutes choses et puisqu’il veut que tous les hommes soient sauvés. Ainsi, l’Église considère tout ce qui peut se trouver de bon et de vrai dans les religions " comme une préparation évangélique et comme un don de Celui qui illumine tout homme pour que, finalement, il ait la vie " (LG 16 ; cf. NA 2 ; EN 53).
844. Mais dans leur comportement religieux, les hommes montrent aussi des limites et des erreurs qui défigurent en eux l’image de Dieu :
Bien souvent, trompés par le malin, ils se sont égarés dans leurs raisonnements, ils ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge, en servant la créature de préférence au Créateur ou bien vivant et mourant sans Dieu en ce monde, ils sont exposés à l’extrême désespoir (LG 16).
845. C’est pour réunir de nouveau tous ses enfants que le péché a dispersés et égarés que le Père a voulu convoquer toute l’humanité dans l’Église de son Fils. L’Église est le lieu où l’humanité doit retrouver son unité et son salut. Elle est " le monde réconcilié " (S. Augustin, serm. 96, 7, 9 : PL 38, 588). Elle est ce navire qui " navigue bien en ce monde au souffle du Saint-Esprit sous la pleine voile de la Croix du Seigneur " (S. Ambroise, virg. 18, 118 : PL 16, 297B) ; selon une autre image chère aux Pères de l’Église, elle est figurée par l’Arche de Noé qui seule sauve du déluge (cf. déjà 1 P 3, 20-21).
846. " Hors de l’Église point de salut "
Comment faut-il entendre cette affirmation souvent répétée par les Pères de l’Église ? Formulée de façon positive, elle signifie que tout salut vient du Christ-Tête par l’Église qui est son Corps :
Appuyé sur la Sainte Écriture et sur la Tradition, le Concile enseigne que cette Église en marche sur la terre est nécessaire au salut. Seul, en effet, le Christ est médiateur et voie de salut : or, il nous devient présent en son Corps qui est l’Église ; et en nous enseignant expressément la nécessité de la foi et du Baptême, c’est la nécessité de l’Église elle-même, dans laquelle les hommes entrent par la porte du Baptême, qu’il nous a confirmée en même temps. C’est pourquoi ceux qui refuseraient soit d’entrer dans l’Église catholique, soit d’y persévérer, alors qu’ils la sauraient fondée de Dieu par Jésus-Christ comme nécessaire, ceux-là ne pourraient être sauvés (LG 14).
847. Cette affirmation ne vise pas ceux qui, sans leur faute, ignorent le Christ et son Église :
En effet, ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile du Christ et son Église, mais cherchent pourtant Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent, sous l’influence de sa grâce, d’agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, ceux-là peuvent arriver au salut éternel (LG 16 ; cf. DS 3866-3872).
848. " Bien que Dieu puisse par des voies connues de lui seul amener à la foi ‘sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu’ (He 11, 6) des hommes qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile, l’Église a le devoir en même temps que le droit sacré d’évangéliser " (AG 7) tous les hommes.
La mission – une exigence de la catholicité de l’Église
849. Le mandat missionnaire. " Envoyée par Dieu aux nations pour être le sacrement universel du salut, l’Église, en vertu des exigences intimes de sa propre catholicité et obéissant au commandement de son fondateur est tendue de tout son effort vers la prédication de l’Évangile à tous les hommes " (AG 1) : " Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde " (Mt 28, 19-20).
850. L’origine et le but de la mission. Le mandat missionnaire du Seigneur a sa source ultime dans l’amour éternel de la Très Sainte Trinité : " De par sa nature, l’Église, durant son pèlerinage sur terre, est missionnaire, puisqu’elle-même tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père " (AG 2). Et but dernier de la mission n’est autre que de faire participer les hommes à la communion qui existe entre le Père et le Fils dans leur Esprit d’amour (cf. Jean-Paul II, RM 23).
851. Le motif de la mission.. C’est de l’amour de Dieu pour tous les hommes que l’Église a de tout temps tiré l’obligation et la force de son élan missionnaire : " car l’amour du Christ nous presse... " (2 Co 5, 14 ; cf. AA 6 ; RM 11). En effet, " Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité " (1 Tm 2, 4). Dieu veut le salut de tous par la connaissance de la vérité. Le salut se trouve dans la vérité. Ceux qui obéissent à la motion de l’Esprit de vérité sont déjà sur le chemin du salut ; mais l’Église à qui cette vérité a été confiée, doit aller à la rencontre de leur désir pour la leur apporter. C’est parce qu’elle croit au dessin universel de salut qu’elle doit être missionnaire.
852. Les chemins de la mission. " L’Esprit Saint est le protagoniste de toute la mission ecclésiale " (RM 21). C’est lui qui conduit l’Église sur les chemins de la mission. Celle-ci " continue et développe au cours de l’histoire la mission du Christ lui-même, qui fut envoyé pour annoncer aux pauvres la Bonne Nouvelle ; c’est donc par la même route qu’a suivi le Christ lui-même que, sous la poussée de l’Esprit du Christ, l’Église doit marcher, c’est-à-dire par la route de la pauvreté, de l’obéissance, du service et de l’immolation de soi jusqu’à la mort, dont il est sorti victorieux par sa résurrection " (AG 5). C’est ainsi que " le sang des martyrs est une semence de chrétiens " (Tertullien, apol. 50).
853. Mais dans son pèlerinage l’Église fait aussi l’expérience de la " distance qui sépare le message qu’elle révèle et la faiblesse humaine de ceux auxquels cet Évangile est confié " (GS 43, § 6). Ce n’est qu’en avançant sur le chemin " de la pénitence et du renouvellement " (LG 8 ; cf. 15) et " par la porte étroite de la Croix " (AG 1) que le Peuple de Dieu peut étendre le règne du Christ (cf. RM 12-20). En effet, " comme c’est dans la pauvreté et la persécution que le Christ a opéré la Rédemption, l’Église elle aussi est appelée à entrer dans cette même voie pour communiquer aux hommes les fruits du salut " (LG 8).
854. Par sa mission même " l’Église fait route avec toute l’humanité et partage le sort terrestre du monde ; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l’âme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu " (GS 40, § 2). L’effort missionnaire exige donc la patience. Il commence par l’annonce de l’Évangile aux peuples et aux groupes qui ne croient pas encore au Christ (cf. RM 42-47) ; il se poursuit dans l’établissement de communautés chrétiennes qui soient des " signes de la présence de Dieu dans le monde " (AG 15), et dans la fondation d’Églises locales (cf. RM 48-49) ; il engage un processus d’inculturation pour incarner l’Évangile dans les cultures des peuples (cf. RM 52-54) ; il ne manquera pas de connaître aussi des échecs. " En ce qui concerne les hommes, les groupes humains et les peuples, l’Église ne les atteint et ne les pénètre que progressivement, et les assume ainsi dans la plénitude catholique " (AG 6).
855. La mission de l’Église appelle l’effort vers l’unité des chrétiens (cf. RM 50). En effet " les divisions entre chrétiens empêchent l’Église de réaliser la plénitude de catholicité qui lui est propre en ceux de ses fils qui, certes, lui appartiennent par le Baptême, mais se trouvent séparés de sa pleine communion. Bien plus, pour l’Église elle-même, il devient plus difficile d’exprimer sous tous ses aspects la plénitude de la catholicité dans la réalité même de sa vie " (UR 4).
856. La tâche missionnaire implique un dialogue respectueux avec ceux qui n’acceptent pas encore l’Évangile (cf. RM 55). Les croyants peuvent tirer profit pour eux-mêmes de ce dialogue en apprenant à mieux connaître " tout ce qui se trouvait déjà de vérité et de grâce chez les nations comme par une secrète présence de Dieu " (AG 9). S’ils annoncent la Bonne Nouvelle à ceux qui l’ignorent, c’est pour consolider, compléter et élever la vérité et le bien que Dieu a répandus parmi les hommes et les peuples, et pour les purifier de l’erreur et du mal " pour la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur de l’homme " (AG 9).
857. L’Église est apostolique parce qu’elle est fondée sur les apôtres, et ceci en un triple sens :
– elle a été et demeure bâtie sur " le fondement des apôtres " (Ep 2, 20 ; Ap 21, 14), témoins choisis et envoyés en mission par le Christ lui-même (cf. Mt 28, 16-20 ; Ac 1, 8 ; 1 Co 9, 1 ; 15, 7-8 ; Ga 1, 1 ; etc.) ;
– elle garde et transmet, avec l’aide de l’Esprit qui habite en elle, l’enseignement (cf. Ac 2, 42), le bon dépôt, les saines paroles entendues des apôtres (cf. 2 Tm 1, 13-14) ;
– elle continue à être enseignée, sanctifiée et dirigée par les apôtres jusqu’au retour du Christ grâce à ceux qui leurs succèdent dans leur charge pastorale : le collège des évêques, " assisté par les prêtres, en union avec le successeur de Pierre, pasteur suprême de l’Église " (AG 5) :
Père éternel, tu n’abandonnes pas ton troupeau, mais tu le gardes par tes bienheureux apôtres sous ta constante protection. Tu le diriges encore par ces mêmes pasteurs qui continuent aujourd’hui l’œuvre de ton Fils (MR, Préface des apôtres).
858. Jésus est l’Envoyé du Père. Dès le début de son ministère, il " appela à lui ceux qu’il voulut, et il en institua Douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher " (Mc 3, 13-14). Dès lors, ils seront ses " envoyés " (ce que signifie le mot grec apostoloi). En eux continue sa propre mission : " Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie " (Jn 20, 21 ; cf. 13, 20 ; 17, 18). Leur ministère est donc la continuation de sa propre mission : " Qui vous accueille, M’accueille ", dit-il aux Douze (Mt 10, 40 ; cf. Lc 10, 16).
859. Jésus les unit à sa mission reçue du Père : comme " le Fils ne peut rien faire de Lui-même " (Jn 5, 19. 30), mais reçoit tout du Père qui l’a envoyé, ainsi ceux que Jésus envoie ne peuvent rien faire sans Lui (cf. Jn 15, 5) de qui ils reçoivent le mandat de mission et le pouvoir de l’accomplir. Les apôtres du Christ savent donc qu’ils sont qualifiés par Dieu comme " ministres d’une alliance nouvelle " (2 Co 3, 6), " ministres de Dieu " (2 Co 6, 4), " en ambassade pour le Christ " (2 Co 5, 20), " serviteurs du Christ et dispensateurs des mystères de Dieu " (1 Co 4, 1).
860. Dans la charge des apôtres, il y a un aspect intransmissible : être les témoins choisis de la Résurrection du Seigneur et les fondements de l’Église. Mais il y a aussi un aspect permanent de leur charge. Le Christ leur a promis de rester avec eux jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 28, 20). " La mission divine confiée par Jésus aux apôtres est destinée à durer jusqu’à la fin des siècles, étant donné que l’Évangile qu’ils doivent transmettre est pour l’Église principe de toute sa vie, pour toute la durée du temps. C’est pourquoi les apôtres prirent soin d’instituer (...) des successeurs " (LG 20).
861. Les évêques successeurs des apôtres
" Pour que la mission qui leur avait été confiée pût se continuer après leur mort, les apôtres donnèrent mandat, comme par testament, à leurs coopérateurs immédiats d’achever leur tâche et d’affermir l’œuvre commencée par eux, leur recommandant de prendre garde au troupeau dans lequel l’Esprit Saint les avait institués pour paître l’Église de Dieu. Ils instituèrent donc des hommes de ce genre, et disposèrent par la suite qu’après leur mort d’autres hommes éprouvés recueilleraient leur ministère " (LG 20 ; cf. S. Clément de Rome, Cor. 42 ; 44).
861. Les évêques successeurs des apôtres
" Pour que la mission qui leur avait été confiée pût se continuer après leur mort, les apôtres donnèrent mandat, comme par testament, à leurs coopérateurs immédiats d’achever leur tâche et d’affermir l’œuvre commencée par eux, leur recommandant de prendre garde au troupeau dans lequel l’Esprit Saint les avait institués pour paître l’Église de Dieu. Ils instituèrent donc des hommes de ce genre, et disposèrent par la suite qu’après leur mort d’autres hommes éprouvés recueilleraient leur ministère " (LG 20 ; cf. S. Clément de Rome, Cor. 42 ; 44).
862. " De même que la charge confiée personnellement par le Seigneur à Pierre, le premier des apôtres, et destinée à être transmise à ses successeurs, constitue une charge permanente, permanente est également la charge confiée aux apôtres d’être les pasteurs de l’Église, charge dont l’ordre sacré des évêques doit assurer la pérennité ". C’est pourquoi l’Église enseigne que " les évêques, en vertu de l’institution divine, succèdent aux apôtres, comme pasteurs de l’Église, en sorte que, qui les écoute, écoute le Christ, qui les rejette, rejette le Christ et celui qui a envoyé le Christ " (LG 20).
863. Toute l’Église est apostolique en tant qu’elle demeure, à travers les successeurs de S. Pierre et des apôtres, en communion de foi et de vie avec son origine. Toute l’Église est apostolique en tant qu’elle est " envoyée " dans le monde entier ; tous les membres de l’Église, toutefois de diverses manières, ont part à cet envoi. " La vocation chrétienne est aussi par nature vocation à l’apostolat ". On appelle " apostolat " " toute activité du Corps mystique " qui tend à " étendre le règne du Christ à toute la terre " (AA 2).
864. " Le Christ envoyé par le Père étant la source et l’origine de tout l’apostolat de l’Église ", il est évident que la fécondité de l’apostolat, celui des ministres ordonnés comme celui des laïcs, dépend de leur union vitale avec le Christ (cf. Jn 15, 5 ; AA 5). Selon les vocations, les appels du temps, les dons variés du Saint-Esprit, l’apostolat prend les formes les plus diverses. Mais c’est toujours la charité, puisée surtout dans l’Eucharistie, " qui est comme l’âme de tout apostolat " (AA 3).
865. L’Église est une, sainte, catholique et apostolique dans son identité profonde et ultime, parce que c’est en elle qu’existe déjà et sera accompli à la fin des temps " le Royaume des cieux ", " le Règne de Dieu " (cf. Ap 19, 6), advenu dans la Personne du Christ et grandissant mystérieusement au cœur de ceux qui Lui sont incorporés, jusqu’à sa pleine manifestation eschatologique. Alors tous les hommes rachetés par Lui, rendus en lui " saints et immaculés en présence de Dieu dans l’Amour " (cf. Ep 1, 4), seront rassemblés comme l’unique Peuple de Dieu, " l’Épouse de l’Agneau " (Ap 21, 9), " la Cité Sainte descendant du Ciel, de chez Dieu, avec en elle la Gloire de Dieu " (Ap 21, 10-11) ; et " le rempart de la ville repose sur les douze assises portant chacune le nom de l’un des douze apôtres de l’Agneau " (Ap 21, 14).
871. Paragraphe 4. Les fideles du Christ – Hiérarchie, laïcs, vie consacrée
" Les fidèles du Christ sont ceux qui, en tant qu’incorporés au Christ par le Baptême, sont constitués en peuple de Dieu et qui, pour cette raison, participant à leur manière à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, sont appelés à exercer, chacun selon sa condition propre, la mission que Dieu a confiée à l’Église pour qu’elle l’accomplisse dans le monde " (CIC, can. 204, §1 ; cf. LG 31).
872. " Entre tous les fidèles du Christ, du fait de leur régénération dans le Christ, il existe, quant à la dignité et à l’activité, une véritable égalité en vertu de laquelle tous coopèrent à l’édification du Corps du Christ, selon la condition et la fonction propre de chacun " (CIC, can. 208 ; cf. LG 32).
873. Les différences mêmes que le Seigneur a voulu mettre entre les membres de son Corps servent son unité et sa mission. Car " il y a dans l’Église diversité de ministères, mais unité de mission. Le Christ a confié aux apôtres et à leurs successeurs la charge d’enseigner, de sanctifier et de gouverner en son nom et par son pouvoir. Mais les laïcs rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ assument, dans l’Église et dans le monde, leur part dans ce qui est la mission du Peuple de Dieu tout entier " (AA 2). Enfin il y a " des fidèles qui appartiennent à l’une et l’autre catégorie [hiérarchie et laïcs] et qui, par la profession des conseils évangéliques (...) sont consacrés à Dieu et concourent à la mission salvatrice de l’Église à leur manière propre " (CIC, can. 207, § 2).
874. I. La constitution hiérarchique de l’Église
Pourquoi le ministère ecclésial ?
Le Christ est lui-même la source du ministère dans l’Église. Il l’a instituée, lui a donné autorité et mission, orientation et finalité :
Le Christ Seigneur, pour assurer au Peuple de Dieu des pasteurs et les moyens de sa croissance, a institué dans son Église des ministères variés qui tendent au bien de tout le corps. En effet, les ministres qui disposent du pouvoir sacré, sont au service de leurs frères, pour que tous ceux qui appartiennent au Peuple de Dieu (...) parviennent au salut (LG 18).
875. " Comment croire sans d’abord entendre ? Et comment entendre sans prédicateur ? Et comment prêcher sans être d’abord envoyé ? " (Rm 10, 14-15). Personne, aucun individu ni aucune communauté, ne peut s’annoncer à lui-même l’Évangile. " La foi vient de l’écoute " (Rm 10, 17). Personne ne peut se donner lui-même le mandat et la mission d’annoncer l’Évangile. L’envoyé du Seigneur parle et agit non pas par autorité propre, mais en vertu de l’autorité du Christ ; non pas comme membre de la communauté, mais parlant à elle au nom du Christ. Personne ne peut se conférer à lui-même la grâce, elle doit être donnée et offerte. Cela suppose des ministres de la grâce, autorisés et habilités de la part du Christ. De Lui, les évêques et les prêtres reçoivent la mission et la faculté (le " pouvoir sacré ") d’agir in persona Christi Capitis, les Diacres, la force de servir le peuple de Dieu dans la " diaconie " de la liturgie, de la parole et de la charité, en communion avec l’évêque et son presbytérium. Ce ministère, dans lequel les envoyés du Christ font et donnent par don de Dieu ce qu’ils ne peuvent faire et donner d’eux-mêmes, la tradition de l’Église l’appelle " sacrement ". Le ministère de l’Église est conféré par un sacrement propre.
876. Intrinsèquement lié à la nature sacramentelle du ministère ecclésial est son caractère de service. En effet, entièrement dépendant du Christ qui donne mission et autorité, les ministres sont vraiment " esclaves du Christ " (Rm 1, 1), à l’image du Christ qui a pris librement pour nous " la forme d’esclave " (Ph 2, 7). Parce que la parole et la grâce dont ils sont les ministres ne sont pas les leurs, mais celles du Christ qui les leurs a confiées pour les autres, ils se feront librement esclaves de tous (cf. 1 Co 9, 19).
877. De même, il est de la nature sacramentelle du ministère ecclésial qu’il ait un caractère collégial. En effet, dès le début de son ministère, le Seigneur Jésus institua les Douze, " les germes du Nouvel Israël et en même temps l’origine de la hiérarchie sacrée " (AG 5). Choisis ensemble, ils sont aussi envoyés ensemble, et leur unité fraternelle sera au service de la communion fraternelle de tous les fidèles ; elle sera comme un reflet et un témoignage de la communion des personnes divines (cf. Jn 17, 21-23). Pour cela, tout évêque exerce son ministère au sein du collège épiscopal, en communion avec l’évêque de Rome, successeur de S. Pierre et chef du collège ; les prêtres exercent leur ministère au sein du presbyterium du diocèse, sous la direction de leur évêque.
878. Enfin il est de la nature sacramentelle du ministère ecclésial qu’il ait un caractère personnel. Si les ministres du Christ agissent en communion, ils agissent toujours aussi de façon personnelle. Chacun est appelé personnellement : " Toi, suis-moi " (Jn 21, 22 ; cf. Mt 4, 19. 21 ; Jn 1, 43) pour être, dans la mission commune, témoin personnel, portant personnellement responsabilité devant Celui qui donne la mission, agissant " en Sa personne " et pour des personnes : " Je te baptise au nom du Père... " ; " Je te pardonne... ".
879. Le ministère sacramentel dans l’Église est donc un service exercé au nom du Christ. Il a un caractère personnel et une forme collégiale. Cela se vérifie dans les liens entre le collège épiscopal et son chef, le successeur de S. Pierre, et dans le rapport entre la responsabilité pastorale de l’évêque pour son Église particulière et la sollicitude commune du collège épiscopal pour l’Église Universelle.
881. Le Seigneur a fait du seul Simon, auquel Il donna le nom de Pierre, la pierre de son Église. Il lui en a remis les clefs (cf. Mt 16, 18-19) ; Il l’a institué pasteur de tout le troupeau (cf. Jn 21, 15-17). " Mais cette charge de lier et de délier qui a été donnée à Pierre a été aussi donnée, sans aucun doute, au collège des apôtres unis à leur chef " (LG 22). Cette charge pastorale de Pierre et des autres apôtres appartient aux fondements de l’Église. Elle est continuée par les évêques sous la primauté du Pape.
882. Le Pape, évêque de Rome et successeur de S. Pierre, " est principe perpétuel et visible et fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles " (LG 23). " En effet, le Pontife romain a sur l’Église, en vertu de sa charge de Vicaire du Christ et de Pasteur de toute l’Église, un pouvoir plénier, suprême et universel qu’il peut toujours librement exercer " (LG 22 ; cf. CD 2 ; 9).
883. " Le collège ou corps épiscopal n’a d’autorité que si on l’entend comme uni au Pontife romain, comme à son chef ". Comme tel, ce collège est " lui aussi le sujet d’un pouvoir suprême et plénier sur toute l’Église, pouvoir cependant qui ne peut s’exercer qu’avec le consentement du Pontife romain " (LG 22 ; cf. CIC, can. 336).
884. " Le Collège des Évêques exerce le pouvoir sur l’Église tout entière de manière solennelle dans le Concile Œcuménique " (CIC, can. 337, §1). " Il n’y a pas de Concile Œcuménique s’il n’est comme tel confirmé ou tout au moins accepté par le successeur de Pierre " (LG 22).
885. " Par sa composition multiple, ce collège exprime la variété et l’universalité du Peuple de Dieu ; il exprime, par son rassemblement sous un seul chef, l’unité du troupeau du Christ " (LG 22).
888. Les évêques, avec les prêtres, leurs coopérateurs, " ont pour première tâche d’annoncer l’Évangile de Dieu à tous les hommes " (PO 4), selon l’ordre du Seigneur (cf. Mc 16, 15). Ils sont " les hérauts de la foi, qui amènent au Christ de nouveaux disciples, les docteurs authentiques " de la foi apostolique, " pourvus de l’autorité du Christ " (LG 25).
889. Pour maintenir l’Église dans la pureté de la foi transmise par les apôtres, le Christ a voulu conférer à son Église une participation à sa propre infaillibilité, Lui qui est la Vérité. Par le " sens surnaturel de la foi ", le Peuple de Dieu " s’attache indéfectiblement à la foi ", sous la conduite du Magistère vivant de l’Église (cf. LG 12 ; DV 10).
890. La mission du Magistère est liée au caractère définitif de l’alliance instaurée par Dieu dans le Christ avec son Peuple ; il doit le protéger des déviations et des défaillances, et lui garantir la possibilité objective de professer sans erreur la foi authentique. La charge pastorale du Magistère est ainsi ordonnée à veiller à ce que le Peuple de Dieu demeure dans la vérité qui libère. Pour accomplir ce service, le Christ a doté les pasteurs du charisme d’infaillibilité en matière de foi et de mœurs. L’exercice de ce charisme peut revêtir plusieurs modalités :
891. " De cette infaillibilité, le Pontife romain, chef du collège des évêques, jouit du fait même de sa charge quand, en tant que pasteur et docteur suprême de tous les fidèles, et chargé de confirmer ses frères dans la foi, il proclame, par un acte définitif, un point de doctrine touchant la foi et les mœurs (...). L’infaillibilité promise à l’Église réside aussi dans le corps des évêques quand il exerce son Magistère suprême en union avec le successeur de Pierre ", surtout dans un Concile Œcuménique (LG 25 ; cf. Vatican I : DS 3074). Lorsque par son Magistère suprême, l’Église propose quelque chose " à croire comme étant révélé par Dieu " (DV 10) et comme enseignement du Christ, " il faut adhérer dans l’obéissance de la foi à de telles définitions " (LG 25). Cette infaillibilité s’étend aussi loin que le dépôt lui-même de la Révélation divine (cf. LG 25).
893. L’évêque porte aussi " la responsabilité de dispenser la grâce du suprême sacerdoce " (LG 26), en particulier dans l’Eucharistie qu’il offre lui-même ou dont il assure l’oblation par les prêtres, ses coopérateurs. Car l’Eucharistie est le centre de la vie de l’Église particulière. L’évêque et les prêtres sanctifient l’Église par leur prière et leur travail, par le ministère de la parole et des sacrements. Ils la sanctifient par leur exemple, " non pas en faisant les seigneurs à l’égard de ceux qui vous sont échus en partage, mais en devenant les modèles du troupeau " (1 P 5, 3). C’est ainsi " qu’ils parviennent, avec le troupeau qui leur est confié, à la vie éternelle " (LG 26).
894. " Les évêques dirigent leurs Églises particulières comme vicaires et légats du Christ par leurs conseils, leurs encouragements, leurs exemples, mais aussi par leur autorité et par l’exercice de leur pouvoir sacré " (LG 27), qu’ils doivent cependant exercer pour édifier, dans l’esprit de service qui est celui de leur Maître (cf. Lc 22, 26-27).
895. " Ce pouvoir qu’ils exercent personnellement au nom du Christ est un pouvoir propre, ordinaire et immédiat : il est soumis cependant dans son exercice à la régulation dernière de l’autorité suprême de l’Église " (LG 27). Mais on ne doit pas considérer les évêques comme des vicaires du Pape dont l’autorité ordinaire et immédiate sur toute l’Église n’annule pas, mais au contraire confirme et défend la leur. Celle-ci doit s’exercer en communion avec toute l’Église sous la conduite du Pape.
896. Le Bon Pasteur sera le modèle et la " forme " de la charge pastorale de l’évêque. Conscient de ses faiblesses, " l’évêque peut se montrer indulgent envers les ignorants et les égarés. Qu’il ne répugne pas à écouter ceux qui dépendent de lui, les entourant comme de vrais fils (...). Quant aux fidèles, ils doivent s’attacher à leur évêque comme l’Église à Jésus-Christ et comme Jésus-Christ à son Père " (LG 27) :
Suivez tous l’évêque, comme Jésus-Christ [suit] son Père, et le presbytérium comme les apôtres ; quant aux diacres, respectez-les comme la loi de Dieu. Que personne ne fasse en dehors de l’évêque rien de ce qui regarde l’Église (S. Ignace d’Antioche, Smyrn. 8, 1).
897. " Sous le nom de laïcs, on entend ici l’ensemble des chrétiens excepté les membres de l’ordre sacré et de l’état religieux reconnu par l’Église, c’est-à-dire les chrétiens qui, étant incorporés au Christ par le baptême, intégrés au Peuple de Dieu, faits participants à leur manière de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, exercent pour leur part, dans l’Église et dans le monde, la mission qui est celle de tout le peuple chrétien " (LG 31).
898. " La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu (...). C’est à eux qu’il revient, d’une manière particulière, d’éclairer et d’orienter toutes les réalités temporelles auxquelles ils sont étroitement unis, de telle sorte qu’elles se fassent et prospèrent constamment selon le Christ et soient à la louange du Créateur et Rédempteur " (LG 31).
899. L’initiative des chrétiens laïcs est particulièrement nécessaire lorsqu’il s’agit de découvrir, d’inventer des moyens pour imprégner les réalités sociales, politiques, économiques, les exigences de la doctrine et de la vie chrétiennes. Cette initiative est un élément normal de la vie de l’Église :
Les fidèles laïcs se trouvent sur la ligne la plus avancée de la vie de l’Église ; par eux, l’Église est le principe vital de la société. C’est pourquoi eux surtout doivent avoir une conscience toujours plus claire, non seulement d’appartenir à l’Église, mais d’être l’Église, c’est-à-dire la communauté des fidèles sur la terre sous la conduite du Chef commun, le Pape, et des Évêques en communion avec lui. Ils sont l’Église (Pie XII, discours 20 février 1946 : cité par Jean-Paul II, CL 9).
900. Parce que, comme tous les fidèles, ils sont chargés par Dieu de l’apostolat en vertu du baptême et de la confirmation, les laïcs sont tenus par l’obligation et jouissent du droit, individuellement ou groupés en associations, de travailler à ce que le message divin du salut soit connu et reçu par tous les hommes et par toute la terre ; cette obligation est encore plus pressante lorsque ce n’est que par eux que les hommes peuvent entendre l’Évangile et connaître le Christ. Dans les communautés ecclésiales, leur action est si nécessaire que, sans elle, l’apostolat des pasteurs ne peut, la plupart du temps, obtenir son plein effet (cf. LG 33)..
901. La participation des laïcs à la charge sacerdotale du Christ
" Les laïcs, en vertu de leur consécration au Christ et de l’onction de l’Esprit Saint, reçoivent la vocation admirable et les moyens qui permettent à l’Esprit de produire en eux des fruits toujours plus abondants. En effet, toutes leurs activités, leurs prières et leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leurs labeurs quotidiens, leurs détentes d’esprit et de corps, s’ils sont vécus dans l’Esprit de Dieu, et même les épreuves de la vie, pourvu qu’elles soient patiemment supportées, tout cela devient ‘offrande spirituelle, agréable à Dieu par Jésus-Christ’ (1 P 2, 5) ; et dans la célébration eucharistique, ces offrandes rejoignent l’oblation du Corps du Seigneur pour être offertes en toute piété au Père. C’est ainsi que les laïcs consacrent à Dieu le monde lui-même, rendant partout à Dieu dans la sainteté de leur vie un culte d’adoration " (LG 34 ; cf. LG 10).
902. De façon particulière, les parents participent de la charge de sanctification " lorsqu’ils mènent une vie conjugale selon l’esprit chrétien et procurent à leurs enfants une éducation chrétienne " (CIC, can. 835, § 4).
903. Les laïcs, s’ils ont les qualités requises, peuvent être admis de manière stable aux ministères de lecteurs et d’acolyte (cf. CIC, can. 230, § 1). " Là où le besoin de l’Église le demande par défaut de ministres, les laïcs peuvent aussi, même s’ils ne sont ni lecteurs ni acolytes, suppléer à certaines de leurs fonctions, à savoir exercer le ministère de la parole, présider les prières liturgiques, conférer le baptême et distribuer la sainte communion, selon les dispositions du droit " (CIC, can. 230, § 3).
904. Leur participation à la charge prophétique du Christ
" Le Christ (...) accomplit sa fonction prophétique non seulement par la hiérarchie (...) mais aussi par les laïcs dont il fait pour cela des témoins en les pourvoyant du sens de la foi et de la grâce de la parole " (LG 35) :
Enseigner quelqu’un pour l’amener à la foi est la tâche de chaque prédicateur et même de chaque croyant (S. Thomas d’A., s. th. 3 71, 4, ad 3).
905. Leur mission prophétique, les laïcs l’accomplissent aussi par l’évangélisation, " c’est-à-dire l’annonce du Christ faite par le témoignage de la vie et par la parole ". Chez les laïcs, " cette action évangélisatrice (...) prend un caractère spécifique et une particulière efficacité du fait qu’elle s’accomplit dans les conditions communes du siècle " (LG 35) :
Cet apostolat ne consiste pas dans le seul témoignage de la vie : le véritable apôtre cherche les occasions d’annoncer le Christ par la parole, soit aux incroyants (...), soit aux fidèles (AA 6 ; cf. AG 15).
906. Ceux d’entre les fidèles laïcs qui en sont capables et qui s’y forment peuvent aussi prêter leur concours à la formation catéchétique (cf. CIC, can. 774 ; 776 ; 780), à l’enseignement des sciences sacrées (cf. CIC, can. 229), aux moyens de communication sociale (cf. CIC, can. 823, § 1).
907. " Selon le devoir, la compétence et le prestige dont ils jouissent, ils ont le droit et même parfois le devoir de donner aux Pasteurs sacrés leur opinion sur ce qui touche le bien de l’Église et de la faire connaître aux autres fidèles, restant sauves l’intégrité de la foi et des mœurs et la révérence due aux pasteurs, et tenant compte de l’utilité commune et de la dignité des personnes " (CIC, can. 212, § 3).
908. Leur participation à la charge royale du Christ
Par son obéissance jusqu’à la mort (cf. Ph 2, 8-9), le Christ a communiqué à ses disciples le don de la liberté royale, " pour qu’ils arrachent au péché son empire en eux-mêmes par leur abnégation et la sainteté de leur vie " (LG 36) :
Celui qui soumet son propre corps et régit son âme, sans se laisser submerger par les passions est son propre maître : il peut être appelé roi parce qu’il est capable de régir sa propre personne ; il est libre et indépendant et ne se laisse captiver par un esclavage coupable (S. Ambroise, Psal. 118, 14, 30 : PL 15, 1403A).
909. " Que les laïcs, en outre, unissant leurs forces, apportent aux institutions et aux conditions de vie dans le monde, quand elles provoquent au péché, les assainissements convenables, pour qu’elles deviennent toutes conformes aux règles de la justice et favorisent l’exercice de la vertu au lieu d’y faire obstacle. En agissant ainsi ils imprègnent de valeur morale la culture et les œuvres humaines " (LG 36).
910. " Les laïcs peuvent aussi se sentir appelés ou être appelés à collaborer avec les pasteurs au service de la communauté ecclésiale, pour la croissance et la vie de celle-ci, exerçant des ministères très diversifiés, selon la grâce et les charismes que le Seigneur voudra bien déposer en eux " (EN 73).
911. Dans l’Église, " les fidèles laïcs peuvent coopérer selon le droit à l’exercice du pouvoir de gouvernement " (CIC, can. 129, § 2). Ainsi de leur présence dans les Conseils particuliers (can. 443, § 4), les Synodes diocésains (can. 463, §§ 1. 2), les Conseils pastoraux (can. 511 ; 536) ; dans l’exercice de la charge pastorale d’une paroisse (can. 517, § 2) ; la collaboration aux Conseils des affaires économiques (can. 492, § 1 ; 536) ; la participation aux tribunaux ecclésiastiques (can. 1421, § 2), etc.
912. Les fidèles doivent " distinguer avec soin entre les droits et devoirs qui leur incombent en tant que membres de l’Église et ceux qui leur reviennent comme membres de la société humaine. Qu’ils s’efforcent d’accorder harmonieusement les uns et les autres entre eux, se souvenant que la conscience chrétienne doit être leur guide en tous domaines temporels, car aucune activité humaine, fut-elle d’ordre temporel, ne peut être soustraite à l’empire de Dieu " (LG 36).
913. " Ainsi tout laïc, en vertu des dons qui lui ont été faits, constitue un témoin et en même temps un instrument vivant de la mission de l’Église elle-même ‘à la mesure du don du Christ’ (Ep 4, 7) " (LG 33).
914. " L’état de vie constitué par la profession des conseils évangéliques, s’il ne concerne pas la structure hiérarchique de l’Église, appartient cependant sans conteste à sa vie et à sa sainteté " (LG 44).
915. Conseils évangéliques, vie consacrée
Les conseils évangéliques sont, dans leur multiplicité, proposés à tout disciple du Christ. La perfection de la charité à laquelle tous les fidèles sont appelés comporte pour ceux qui assument librement l’appel à la vie consacrée, l’obligation de pratiquer la chasteté dans le célibat pour le Royaume, la pauvreté et l’obéissance. C’est la profession de ces conseils dans un état de vie stable reconnu par l’Église, qui caractérise la " vie consacrée " à Dieu (cf. LG 42-43 ; PC 1).
916. L’état de la vie consacrée apparaît dès lors comme l’une des manières de connaître une consécration " plus intime ", qui s’enracine dans le Baptême et dédie totalement à Dieu (cf. PC 5). Dans la vie consacrée, les fidèles du Christ se proposent, sous la motion de l’Esprit Saint, de suivre le Christ de plus près, de se donner à Dieu aimé par-dessus tout et, poursuivant la perfection de la charité au service du Royaume, de signifier et d’annoncer dans l’Église la gloire du monde à venir (cf. CIC, can. 573).
931. Consécration et mission : annoncer le Roi qui vient
Livré à Dieu suprêmement aimé, celui que le Baptême avait déjà voué à Lui se trouve ainsi consacré plus intimement au service divin et dédié au bien de l’Église. Par l’état de consécration à Dieu, l’Église manifeste le Christ et montre comment l’Esprit Saint agit en elle de façon admirable. Ceux qui professent les conseils évangéliques ont donc d’abord pour mission de vivre leur consécration. Mais puisqu’ils se vouent au service de l’Église en vertu même de leur consécration, ils sont tenus par obligation de travailler de manière spéciale à l’œuvre missionnaire, selon le mode propre à leur Institut " (CIC, can. 783 ; cf. RM 69).
932. Dans l’Église qui est comme le sacrement, c’est-à-dire le signe et l’instrument de la vie de Dieu, la vie consacrée apparaît comme un signe particulier du mystère de la Rédemption. Suivre et imiter le Christ " de plus près ", manifester " plus clairement " son anéantissement, c’est se trouver " plus profondément " présent, dans le cœur du Christ, à ses contemporains. Car ceux qui sont dans cette voie " plus étroite " stimulent leurs frères par leur exemple, ils rendent ce témoignage éclatant " que le monde ne peut être transfiguré et offert à Dieu sans l’esprit des béatitudes " (LG 31).
933. Que ce témoignage soit public, comme dans l’état religieux, ou plus discret, ou même secret, la venue du Christ demeure pour tous les consacrés l’origine et l’orient de leur vie :
Comme le Peuple de Dieu n’a pas ici-bas de cité permanente, [cet état] (...) manifeste pour tous les croyants la présence, déjà dans ce siècle, des biens célestes ; il témoigne de la vie nouvelle et éternelle acquise par la Rédemption du Christ, il annonce la résurrection future et la gloire céleste (LG 44).
946. Paragraphe 5. La communion des saints
Après avoir confessé " la sainte Église catholique ", le Symbole des apôtres ajoute " la communion des saints ". Cet article est, d’une certaine façon, une explicitation du précédent : " Qu’est-ce que l’Église sinon l’assemblée de tous les saints ? " (Nicétas, symb. 10 : PL 52, 871B). La communion des saints est précisément l’Église.
947. " Puisque tous les croyants forment un seul corps, le bien des uns est communiqué aux autres (...) Il faut de la sorte croire qu’il existe une communion des biens dans l’Église. Mais le membre le plus important est le Christ, puisqu’Il est la tête (...) Ainsi, le bien du Christ est communiqué à tous les membres, et cette communication se fait par les sacrements de l’Église " (S. Thomas d’A., symb. 13). " Comme cette Église est gouvernée par un seul et même Esprit, tous les biens qu’elle a reçus deviennent nécessairement un fonds commun " (Catech. R. 1, 10, 24).
948. Le terme " communion des saints " a dès lors deux significations, étroitement liées : " communion aux choses saintes, sancta " et " communion entre les personnes saintes, sancti ".
" Sancta sanctis ! (Ce qui est saint pour ceux qui sont saints) " est proclamé par le célébrant dans la plupart des liturgies orientales lors de l’élévation des saints Dons avant le service de la communion. Les fidèles (sancti) sont nourris du Corps et du Sang du Christ (sancta) afin de croître dans la communion de l’Esprit Saint (Koinônia) et de la communiquer au monde.
949. I. La communion des biens spirituels
Dans la communauté primitive de Jérusalem, les disciples " se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières " (Ac 2, 42) :
La communion dans la foi. La foi des fidèles est la foi de l’Église reçue des apôtres, trésor de vie qui s’enrichit en étant partagé.
950. La communion des sacrements. " Le fruit de tous les sacrements appartient à tous. Car les sacrements, et surtout le Baptême qui est comme la porte par laquelle les hommes entrent dans l’Église, sont autant de liens sacrés qui les unissent tous et les attachent à Jésus-Christ. La communion des saints, c’est la communion des sacrements (...). Le nom de communion peut s’appliquer à chacun d’eux, car chacun d’eux nous unit à Dieu (...). Mais ce nom convient mieux à l’Eucharistie qu’à tout autre, parce que c’est elle principalement qui consomme cette communion " (Catech. R. 1, 10, 24).
951. La communion des charismes : Dans la communion de l’Église, l’Esprit Saint " distribue aussi parmi les fidèles de tous ordres (...) les grâces spéciales " pour l’édification de l’Église (LG 12). Or, " à chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun " (1 Co 12, 7).
952. " Ils mettaient tout en commun " (Ac 4, 32) : " Tout ce que le vrai chrétien possède, il doit le regarder comme un bien qui lui est commun avec tous, et toujours il doit être prêt et empressé à venir au secours de l’indigent et de la misère du prochain " (Catech. R. 1, 10, 27). Le chrétien est un administrateur des biens du Seigneur (cf. Lc 16, 1. 3).
953. La communion de la charité : dans la sanctorum communio " nul d’entre nous ne vit pour soi-même, comme nul ne meurt pour soi-même " (Rm 14, 7). " Un membre souffre-t-il ? tous les membres souffrent avec lui. Un membre est-il à l’honneur ? tous les membres prennent part à sa joie. Or vous êtes le Corps du Christ, et membres chacun pour sa part " (1 Co 12, 26-27). " La charité ne cherche pas ce qui est à elle " (1 Co 13, 5 ; cf. 10, 24). Le moindre de nos actes fait dans la charité retentit au profit de tous, dans cette solidarité avec tous les hommes, vivants ou morts, qui se fonde sur la communion des saints. Tout péché nuit à cette communion.
954. II. La communion de l’Église du ciel et de la terre
Les trois états de l’Église. " En attendant que le Seigneur soit venu dans sa majesté accompagné de tous les anges et que la mort détruite, tout lui soit soumis, les uns parmi ses disciples continuent sur terre leur pèlerinage ; d’autres, ayant achevé leur vie, se purifient encore ; d’autres enfin sont dans la gloire contemplant ‘dans la pleine lumière, tel qu’il est, le Dieu un en trois Personnes’ " (LG 49) :
Tous cependant, à des degrés divers et sous des formes diverses, nous communions dans la même charité envers Dieu et envers le prochain, chantant à notre Dieu le même hymne de gloire. En effet, tous ceux qui sont du Christ et possèdent son Esprit, constituent une seule Église et se tiennent mutuellement comme un tout dans le Christ (LG 49).
955. " L’union de ceux qui sont encore en chemin avec leurs frères qui se sont endormis dans la paix du Christ ne connaît pas la moindre intermittence ; au contraire, selon la foi constante de l’Église, cette union est renforcée par l’échange des biens spirituels " (LG 49).
956. L’intercession des saints. " Étant en effet plus intimement liés avec le Christ, les habitants du ciel contribuent à affermir plus solidement l’Église en sainteté (...). Ils ne cessent d’intercéder pour nous auprès du Père, offrant les mérites qu’ils ont acquis sur terre par l’unique Médiateur de Dieu et des hommes, le Christ Jésus (...). Ainsi leur sollicitude fraternelle est du plus grand secours pour notre infirmité " (LG 49) :
Ne pleurez pas, je vous serai plus utile après ma mort et je vous aiderai plus efficacement que pendant ma vie (S. Dominique, mourant, à ses frères, cf. Jourdain de Saxe, lib. 93).
Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre (Ste. Thérèse de l’Enfant-Jésus, verba).
957. La communion avec les saints. " Nous ne vénérons pas seulement au titre de leur exemple la mémoire des habitants du ciel ; nous cherchons bien davantage par là à renforcer l’union de toute l’Église dans l’Esprit grâce à l’exercice de la charité fraternelle. Car tout comme la communion entre les chrétiens de la terre nous approche de plus près du Christ, ainsi la communauté avec les saints nous unit au Christ de qui découlent, comme de leur chef, toute grâce et la vie du Peuple de Dieu lui-même " (LG 50) :
Le Christ, nous l’adorons, parce qu’il est le fils de Dieu ; quant aux martyrs, nous les aimons comme disciples et imitateurs du Seigneur, et c’est juste, à cause de leur dévotion incomparable envers leur roi et maître ; puissions-nous, nous aussi, être leurs compagnons et leurs condisciples (S. Polycarpe, mart. 17).
958. La communion avec les défunts. " Reconnaissant dès l’abord cette communion qui existe à l’intérieur de tout le corps mystique de Jésus-Christ, l’Église en ses membres qui cheminent sur terre a entouré de beaucoup de piété la mémoire des défunts dès les premiers temps du christianisme en offrant aussi pour eux ses suffrages ; car ‘la pensée de prier pour les morts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés, est une pensée sainte et pieuse’ (2 M 12, 45) " (LG 50). Notre prière pour eux peut non seulement les aider mais aussi rendre efficace leur intercession en notre faveur.
959. Dans l’unique famille de Dieu. " Lorsque la charité mutuelle et la louange unanime de la Très Sainte Trinité nous font communier les uns aux autres, nous tous, fils de Dieu qui ne faisons dans le Christ qu’une seule famille, nous répondons à la vocation profonde de l’Église " (LG 51).
963. Paragraphe 6. Marie – Mère du Christ, Mère de l’Église
Après avoir parlé du rôle de la Vierge Marie dans le mystère du Christ et de l’Esprit, il convient de considérer maintenant sa place dans le mystère de l’Église. " En effet, la Vierge Marie (...) est reconnue et honorée comme la véritable Mère de Dieu et du Rédempteur (...). Elle est aussi vraiment ‘Mère des membres [du Christ] (...) ayant coopéré par sa charité à la naissance dans l’Église des fidèles qui sont les membres de ce Chef’ (S. Augustin, virg. 6 : PL 40, 399) " (LG 53). " ... Marie Mère du Christ, Mère de l’Église " (Paul VI, discours 21 novembre 1964).
964. I. La maternité de Marie envers l’Église
Le rôle de Marie envers l’Église est inséparable de son union au Christ, elle en découle directement. " Cette union de Marie avec son Fils dans l’œuvre du salut est manifeste dès l’heure de la conception virginale du Christ, jusqu’à sa mort " (LG 57). Elle est particulièrement manifeste à l’heure de sa passion :
La bienheureuse Vierge avança dans son pèlerinage de foi, gardant fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la Croix où, non sans un dessein divin, elle était debout, souffrant cruellement avec son Fils unique, associée d’un cœur maternel à son sacrifice, donnant à l’immolation de la victime, née de sa chair, le consentement de son amour, pour être enfin, par le même Christ Jésus mourant sur la Croix, donnée comme sa Mère au disciple par ces mots : " Femme, voici ton fils " (Jn 19, 26-27) (LG 58).
965. Après l’Ascension de son Fils, Marie a " assisté de ses prières l’Église naissante " (LG 69). Réunie avec les apôtres et quelques femmes, " on voit Marie appelant elle aussi de ses prières le don de l’Esprit qui, à l’Annonciation, l’avait déjà elle-même prise sous son ombre " (LG 59).
966. ... aussi dans son Assomption...
" Enfin la Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l’univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs, victorieux du péché et de la mort " (LG 59 ; cf. la proclamation du dogme de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie par le Pape Pie XII en 1950 : DS 3903). L’Assomption de la Sainte Vierge est une participation singulière à la Résurrection de son Fils et une anticipation de la résurrection des autres chrétiens :
Dans ton enfantement tu as gardé la virginité, dans ta dormition tu n’as pas quitté le monde, ô Mère de Dieu : tu as rejoint la source de la Vie, toi qui conçus le Dieu vivant et qui, par tes prières, délivreras nos âmes de la mort (Liturgie byzantine, Tropaire de la fête de la Dormition [15 août]).
967. ... elle est notre Mère dans l’ordre de la grâce
Par son adhésion entière à la volonté du Père, à l’œuvre rédemptrice de son Fils, à toute motion de l’Esprit Saint, la Vierge Marie est pour l’Église le modèle de la foi et de la charité. Par là elle est " membre suréminent et absolument unique de l’Église " (LG 53), elle constitue même " la réalisation exemplaire ", typus, de l’Église (LG 63).
968. Mais son rôle par rapport à l’Église et à toute l’humanité va encore plus loin. " Elle a apporté à l’œuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareil par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, pour que soit rendue aux âmes la vie surnaturelle. C’est pourquoi elle est devenue pour nous, dans l’ordre de la grâce, notre Mère " (LG 61).
969. " A partir du consentement qu’elle apporta par sa foi au jour de l’Annonciation et qu’elle maintint dans sa fermeté sous la Croix, cette maternité de Marie dans l’économie de la grâce se continue sans interruption jusqu’à la consommation définitive de tous les élus. En effet, après son Assomption au ciel, son rôle dans le salut ne s’interrompt pas : par son intercession répétée elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel. (...) C’est pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Église sous les titres d’avocate, d’auxiliatrice, de secourable, de médiatrice " (LG 62).
970. " Le rôle maternel de Marie à l’égard des hommes n’offusque cependant et ne diminue en rien l’unique médiation du Christ : il en manifeste au contraire la vertu. Car toute influence salutaire de la part de la bienheureuse Vierge (...) découle de la surabondance des mérites du Christ ; elle s’appuie sur sa médiation, dont elle dépend en tout et d’où elle tire toute sa vertu " (LG 60). " Aucune créature en effet ne peut jamais être mise sur le même plan que le Verbe incarné et rédempteur. Mais tout comme le sacerdoce du Christ est participé sous formes diverses, tant par les ministres que par le peuple fidèle, et tout comme l’unique bonté de Dieu se répand réellement sous des formes diverses dans les créatures, ainsi l’unique médiation du Rédempteur n’exclut pas, mais suscite au contraire une coopération variée de la part des créatures, en dépendance de l’unique source " (LG 62).
971. II. Le culte de la Sainte Vierge
" Toutes les générations me diront bienheureuse " (Lc 1, 48) : " La piété de l’Église envers la Saint Vierge est intrinsèque au culte chrétien " (MC 56). La sainte Vierge " est légitimement honorée par l’Église d’un culte spécial. Et de fait, depuis les temps les plus reculés, la bienheureuse Vierge est honorée sous le titre de ‘Mère de Dieu’ ; les fidèles se réfugient sous sa protection, l’implorant dans tous leurs dangers et leurs besoins (...). Ce culte (...) bien que présentant un caractère absolument unique (...) n’en est pas moins essentiellement différent du culte d’adoration qui est rendu au Verbe incarné ainsi qu’au Père et à l’Esprit Saint ; il est éminemment apte à le servir " (LG 66) ; il trouve son expression dans les fêtes liturgiques dédiées à la Mère de Dieu (cf. SC 103) et dans la prière mariale, telle le Saint Rosaire, " abrégé de tout l’Évangile " (cf. MC 42).
972. III. Marie – Icône eschatologique de l’Église
Après avoir parlé de l’Église, de son origine, de sa mission et de sa destinée, nous ne saurions mieux conclure qu’en tournant le regard vers Marie pour contempler en elle ce qu’est l’Église dans son mystère, dans son " pèlerinage de la foi ", et ce qu’elle sera dans la patrie au terme de sa marche, où l’attend, " dans la gloire de la Très Sainte et indivisible Trinité ", " dans la communion de tous les saints " (LG 69), celle que l’Église vénère comme la Mère de son Seigneur et comme sa propre Mère :
Tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure l’Église en son achèvement dans le siècle futur, de même sur terre, en attendant la venue du jour du Seigneur, elle brille déjà comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le Peuple de Dieu en pèlerinage (LG 68).
976. " Je crois au pardon des péchés "
Le Symbole des apôtres lie la foi au pardon des péchés à la foi en l’Esprit Saint, mais aussi à la foi en l’Église et en la communion des saints. C’est en donnant l’Esprit Saint à ses apôtres que le Christ ressuscité leur a conféré son propre pouvoir divin de pardonner les péchés : " Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus " (Jn 20, 22-23).
(La deuxième partie du Catéchisme traitera explicitement du pardon des péchés par le Baptême, le sacrement de Pénitence et les autres sacrements, surtout l’Eucharistie. Il suffit donc d’évoquer ici brièvement quelques données de base).
977. I. Un seul baptême pour le pardon des péchés
Notre Seigneur a lié le pardon des péchés à la foi et au Baptême : " Allez par le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé " (Mc 16, 15-16). Le Baptême est le premier et principal sacrement du pardon des péchés parce qu’il nous unit au Christ mort pour nos péchés, ressuscité pour notre justification (cf. Rm 4, 25), afin que " nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle " (Rm 6, 4).
978. " Au moment où nous faisons notre première profession de Foi, en recevant le saint Baptême qui nous purifie, le pardon que nous recevons est si plein et si entier, qu’il ne nous reste absolument rien à effacer, soit de la faute originelle, soit des fautes commises par notre volonté propre, ni aucune peine à subir pour les expier (...). Mais néanmoins la grâce du Baptême ne délivre personne de toutes les infirmités de la nature. Au contraire nous avons encore à combattre les mouvements de la concupiscence qui ne cessent de nous porter au mal " (Catech. R. 1, 11, 3).
979. En ce combat avec l’inclination au mal, qui serait assez vaillant et vigilant pour éviter toute blessure du péché ? " Si donc il était nécessaire que l’Église eût le pouvoir de remettre les péchés, il fallait aussi que le Baptême ne fût pas pour elle l’unique moyen de se servir de ces clefs du Royaume des cieux qu’elle avait reçues de Jésus-Christ ; il fallait qu’elle fût capable de pardonner leurs fautes à tous les pénitents, quand même ils auraient péché jusqu’au dernier moment de leur vie " (Catech. R. 1, 11, 4).
980. C’est par le sacrement de Pénitence que le baptisé peut être réconcilié avec Dieu et avec l’Église :
Les pères ont eu raison d’appeler la pénitence " un baptême laborieux " (S. Grégoire de Naz., or. 39, 17 : PG 36, 356A). Ce sacrement de Pénitence est, pour ceux qui sont tombés après le Baptême, nécessaire au salut, comme l’est le Baptême lui-même pour ceux qui ne sont pas encore régénérés (Cc. Trente : DS 1672).
981. Le Christ après sa résurrection a envoyé ses apôtres " annoncer à toutes les nations le repentir en son nom en vue de la rémission des péchés " (Lc 24, 47). Ce " ministère de la réconciliation " (2 Co 5, 18), les apôtres et leurs successeurs ne l’accomplissent pas seulement en annonçant aux hommes le pardon de Dieu mérité pour nous par le Christ et en les appelant à la conversion et à la foi, mais aussi en leur communicant la rémission des péchés par le Baptême et en les réconciliant avec Dieu et avec l’Église grâce au pouvoir des clefs reçu du Christ :
L’Église a reçu les clés du Royaume des cieux, afin que se fasse en elle la rémission des péchés par le sang du Christ et l’action du Saint-Esprit. C’est dans cette Église que l’âme revit, elle qui était morte par les péchés, afin de vivre avec le Christ, dont la grâce nous a sauvés (S. Augustin, serm. 214, 11 : PL 38, 1071-1072).
982. Il n’y a aucune faute, aussi grave soit-elle, que la Sainte Église ne puisse remettre. " Il n’est personne, si méchant et si coupable qu’il soit, qui ne doive espérer avec assurance son pardon, pourvu que son repentir soit sincère " (Catech. R. 1, 11, 5). Le Christ qui est mort pour tous les hommes, veut que, dans son Église, les portes du pardon soient toujours ouvertes à quiconque revient du péché (cf. Mt 18, 21-22).
983. La catéchèse s’efforcera d’éveiller et de nourrir chez les fidèles la foi en la grandeur incomparable du don que le Christ ressuscité a fait à son Église : la mission et le pouvoir de pardonner véritablement les péchés, par le ministère des apôtres et de leurs successeurs :
Le Seigneur veut que ses disciples aient un pouvoir immense : il veut que ses pauvres serviteurs accomplissent en son nom tout ce qu’il avait fait quand il était sur la terre (S. Ambroise, pœnit. 1, 34 : PL 16, 477A).
Les prêtres ont reçu un pouvoir que Dieu n’a donné ni aux anges ni aux archanges. (...) Dieu sanctionne là-haut tout ce que les prêtres font ici-bas (S. Jean Chrysostome, sac. 3, 5 : PG 48, 643A).
Si dans l’Église il n’y avait pas la rémission des péchés, nul espoir existerait, nulle espérance d’une vie éternelle et d’une libération éternelle. Rendons grâce à Dieu qui a donné à son Église un tel don (S. Augustin, serm. 213, 8 : PL 38, 1064).
990. Le terme " chair " désigne l’homme dans sa condition de faiblesse et de mortalité (cf. Gn 6, 3 ; Ps 56, 5 ; Is 40, 6). La " résurrection de la chair " signifie qu’il n’y aura pas seulement, après la mort, la vie de l’âme immortelle, mais que même nos " corps mortels " (Rm 8, 11) reprendront vie.
990. Le terme " chair " désigne l’homme dans sa condition de faiblesse et de mortalité (cf. Gn 6, 3 ; Ps 56, 5 ; Is 40, 6). La " résurrection de la chair " signifie qu’il n’y aura pas seulement, après la mort, la vie de l’âme immortelle, mais que même nos " corps mortels " (Rm 8, 11) reprendront vie.
998. Qui ressuscitera ? Tous les hommes qui sont morts : " ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, ceux qui auront fait le mal, pour la damnation " (Jn 5, 29 ; cf. Dn 12, 2).
1002. S’il est vrai que le Christ nous ressuscitera " au dernier jour ", il est vrai aussi que, d’une certaine façon, nous sommes déjà ressuscités avec le Christ. En effet, grâce à l’Esprit Saint, la vie chrétienne est, dès maintenant sur terre, une participation à la mort et à la Résurrection du Christ :
Ensevelis avec le Christ lors du Baptême, vous en êtes aussi ressuscités avec lui, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui L’a ressuscité des morts (...). Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu (Col 2, 12 ; 3, 1)
1003. Unis au Christ par le Baptême, les croyants participent déjà réellement à la vie céleste du Christ ressuscité (cf. Ph 3, 20), mais cette vie demeure " cachée avec le Christ en Dieu " (Col 3, 3) " Avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir au cieux, dans le Christ Jésus " (Ep 2, 6). Nourris de son Corps dans l’Eucharistie, nous appartenons déjà au Corps du Christ. Lorsque nous ressusciterons au dernier jour nous serons aussi " manifestés avec lui pleins de gloire " (Col 3, 3).
992. I. La résurrection du Christ et la nôtre
Révélation progressive de la Résurrection
La résurrection des morts a été révélée progressivement par Dieu à son Peuple. L’espérance en la résurrection corporelle des morts s’est imposée comme une conséquence intrinsèque de la foi en un Dieu créateur de l’homme tout entier, âme et corps. Le créateur du ciel et de la terre est aussi Celui qui maintient fidèlement son alliance avec Abraham et sa descendance. C’est dans cette double perspective que commencera à s’exprimer la foi en la résurrection. Dans leurs épreuves, les martyrs Maccabées confessent :
Le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour ses lois (2 M 7, 9). Mieux vaut mourir de la main des hommes en tenant de Dieu l’espoir d’être ressuscité par lui (2 M 7, 14 ; cf. 7, 29 ; Dn 12, 1-13).
993. Les Pharisiens (cf. Ac 23, 6) et bien des contemporains du Seigneur (cf. Jn 11, 24) espéraient la résurrection. Jésus l’enseigne fermement. Aux Sadducéens qui la nient il répond : " Vous ne connaissez ni les Écritures ni la puissance de Dieu, vous êtes dans l’erreur " (Mc 12, 24). La foi en la résurrection repose sur la foi en Dieu qui " n’est pas un Dieu des morts, mais des vivants " (Mc 12, 27).
994. Mais il y a plus : Jésus lie la foi en la résurrection à sa propre personne : " Je suis la Résurrection et la vie " (Jn 11, 25). C’est Jésus lui-même qui ressuscitera au dernier jour ceux qui auront cru en lui (cf. Jn 5, 24-25 ; 6, 40) et qui auront mangé son corps et bu son sang (cf. Jn 6, 54). Il en donne dès maintenant un signe et un gage en rendant la vie à certains morts (cf. Mc 5, 21-42 ; Lc 7, 11-17 ; Jn 11), annonçant par là sa propre Résurrection qui sera cependant d’un autre ordre. De cet événement unique Il parle comme du " signe de Jonas " (Mt 12, 40), du signe du Temple (cf. Jn 2, 19-22) : il annonce sa Résurrection le troisième jour après sa mise à mort (cf. Mc 10, 34).
995. Être témoin du Christ, c’est être " témoin de sa Résurrection " (Ac 1, 22 ; cf. 4, 33), " avoir mangé et bu avec lui après sa Résurrection d’entre les morts " (Ac 10, 41). L’espérance chrétienne en la résurrection est toute marquée par les rencontres avec le Christ ressuscité. Nous ressusciterons comme Lui, avec Lui, par Lui.
996. Dès le début, la foi chrétienne en la résurrection a rencontré incompréhensions et oppositions (cf. Ac 17, 32 ; 1 Co 15, 12-13). " Sur aucun point la foi chrétienne ne rencontre plus de contradiction que sur la résurrection de la chair " (S. Augustin, Psal. 88, 2, 5). Il est très communément accepté qu’après la mort la vie de la personne humaine continue d’une façon spirituelle. Mais comment croire que ce corps si manifestement mortel puisse ressusciter à la vie éternelle ?
997. Comment les morts ressuscitent-ils ?
Qu’est-ce que " ressusciter " ? Dans la mort, séparation de l’âme et du corps, le corps de l’homme tombe dans la corruption, alors que son âme va à la rencontre de Dieu, tout en demeurant en attente d’être réunie à son corps glorifié. Dieu dans sa Toute-Puissance rendra définitivement la vie incorruptible à nos corps en les unissant à nos âmes, par la vertu de la Résurrection de Jésus.
998. Qui ressuscitera ? Tous les hommes qui sont morts : " ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, ceux qui auront fait le mal, pour la damnation " (Jn 5, 29 ; cf. Dn 12, 2).
999. Comment ? Le Christ est ressuscité avec son propre corps : " Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi " (Lc 24, 39) ; mais Il n’est pas revenu à une vie terrestre. De même, en Lui, " tous ressusciteront avec leur propre corps, qu’ils ont maintenant " (Cc. Latran IV : DS 801), mais ce corps sera " transfiguré en corps de gloire " (Ph 3, 21), en " corps spirituel " (1 Co 15, 44) :
Mais, dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? Insensé ! Ce que tu sèmes, toi, ne reprend vie, s’il ne meurt. Et ce que tu sèmes, ce n’est pas le corps à venir, mais un grain tout nu (...). On sème de la corruption, il ressuscite de l’incorruption ; (...) les morts ressusciteront incorruptibles (...). Il faut en effet que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, que cet être mortel revête l’immortalité (1 Co 15, 35-37. 42. 52-53).
1000. Ce " comment " dépasse notre imagination et notre entendement ; il n’est accessible que dans la foi. Mais notre participation à l’Eucharistie nous donne déjà un avant-goût de la transfiguration de notre corps par le Christ :
De même que le pain qui vient de la terre, après avoir reçu l’invocation de Dieu, n’est plus du pain ordinaire, mais eucharistie, constituée de deux choses, l’une terrestre et l’autre céleste, de même nos corps qui participent à l’eucharistie ne sont plus corruptibles, puisqu’ils ont l’espérance de la résurrection (S. Irénée, hær. 4, 18, 4-5)
1001. Quand ? Définitivement " au dernier jour " (Jn 6, 39-40. 44. 54 ; 11, 24) ; " à la fin du monde " (LG 48). En effet, la résurrection des morts est intimement associée à la Parousie du Christ :
Car lui-même, le Seigneur, au signal donné par la voix de l’archange et la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts qui sont dans le Christ ressusciteront en premier lieu (1 Th 4, 16).
1002. S’il est vrai que le Christ nous ressuscitera " au dernier jour ", il est vrai aussi que, d’une certaine façon, nous sommes déjà ressuscités avec le Christ. En effet, grâce à l’Esprit Saint, la vie chrétienne est, dès maintenant sur terre, une participation à la mort et à la Résurrection du Christ :
Ensevelis avec le Christ lors du Baptême, vous en êtes aussi ressuscités avec lui, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui L’a ressuscité des morts (...). Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu (Col 2, 12 ; 3, 1)
1003. Unis au Christ par le Baptême, les croyants participent déjà réellement à la vie céleste du Christ ressuscité (cf. Ph 3, 20), mais cette vie demeure " cachée avec le Christ en Dieu " (Col 3, 3) " Avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir au cieux, dans le Christ Jésus " (Ep 2, 6). Nourris de son Corps dans l’Eucharistie, nous appartenons déjà au Corps du Christ. Lorsque nous ressusciterons au dernier jour nous serons aussi " manifestés avec lui pleins de gloire " (Col 3, 3).
1004. Dans l’attente de ce jour, le corps et l’âme du croyant participent déjà à la dignité d’être " au Christ " ; d’où l’exigence de respect envers son propre corps, mais aussi envers celui d’autrui, particulièrement lorsqu’il souffre :
Le corps est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps. Et Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera, nous aussi, par sa puissance. Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres du Christ ? (...) Vous ne vous appartenez pas (...) Glorifiez donc Dieu dans votre corps (1 Co 6, 13-15. 19-20).
1005. II. Mourir dans le Christ Jésus
Pour ressusciter avec le Christ, il faut mourir avec le Christ, il faut " quitter ce corps pour aller demeurer auprès du Seigneur " (2 Co 5, 8). Dans ce " départ " (Ph 1, 23) qu’est la mort, l’âme est séparée du corps. Elle sera réunie à son corps le jour de la résurrection des morts (cf. SPF 28).
1006. " C’est en face de la mort que l’énigme de la condition humaine atteint son sommet " (GS 18). En un sens, la mort corporelle est naturelle, mais pour la foi elle est en fait " salaire du péché " (Rm 6, 23 ; cf. Gn 2, 17). Et pour ceux qui meurent dans la grâce du Christ, elle est une participation à la mort du Seigneur, afin de pouvoir participer aussi à sa Résurrection (cf. Rm 6, 3-9 ; Ph 3, 10-11).
1007. La mort est le terme de la vie terrestre. Nos vies sont mesurées par le temps, au cours duquel nous changeons, nous vieillissons et, comme chez tous les êtres vivants de la terre, la mort apparaît comme la fin normale de la vie. Cet aspect de la mort donne une urgence à nos vies : le souvenir de notre mortalité sert aussi à nous rappeler que nous n’avons qu’un temps limité pour réaliser notre vie :
Souviens-toi de ton Créateur aux jours de ton adolescence, (...) avant que la poussière ne retourne à la terre, selon qu’elle était, et que le souffle ne retourne à Dieu qui l’avait donné (Qo 12, 1. 7).
1008. La mort est conséquence du péché. Interprète authentique des affirmations de la Sainte Écriture (cf. Gn 2, 17 ; 3, 3 ; 3, 19 ; Sg 1, 13 ; Rm 5, 12 ; 6, 23) et de la Tradition, le Magistère de l’Église enseigne que la mort est entrée dans le monde à cause du péché de l’homme (cf. DS 1511). Bien que l’homme possédât une nature mortelle, Dieu le destinait à ne pas mourir. La mort fut donc contraire aux desseins de Dieu Créateur, et elle entra dans le monde comme conséquence du péché (cf. Sg 2, 23-24). " La mort corporelle, à laquelle l’homme aurait été soustrait s’il n’avait pas péché " (GS 18), est ainsi " le dernier ennemi " de l’homme à devoir être vaincu (cf. 1 Co 15, 26).
1009. La mort est transformée par le Christ. Jésus, le Fils de Dieu, a souffert lui aussi la mort, propre de la condition humaine. Mais, malgré son effroi face à elle (cf. Mc 14, 33-34 ; He 5, 7-8), il l’assuma dans un acte de soumission totale et libre à la volonté de son Père. L’obéissance de Jésus a transformé la malédiction de la mort en bénédiction (cf. Rm 5, 19-21).
1010. Grâce au Christ, la mort chrétienne a un sens positif. " Pour moi, la vie c’est le Christ et mourir un gain " (Ph 1, 21). " C’est là une parole certaine : si nous mourons avec lui, nous vivrons avec lui " (2 Tm 2, 11). La nouveauté essentielle de la mort chrétienne est là : par le Baptême, le chrétien est déjà sacramentellement " mort avec le Christ ", pour vivre d’une vie nouvelle ; et si nous mourons dans la grâce du Christ, la mort physique consomme ce " mourir avec le Christ " et achève ainsi notre incorporation à Lui dans son acte rédempteur :
Il est bon pour moi de mourir dans (eis) le Christ Jésus, plus que de régner sur les extrémités de la terre. C’est lui que je cherche, qui est mort pour nous ; lui que je veux, qui est ressuscité pour nous. Mon enfantement approche (...). Laissez-moi recevoir la pure lumière ; quand je serai arrivé là, je serai un homme (S. Ignace d’Antioche, Rom. 6, 1-2).
1011. Dans la mort, Dieu appelle l’homme vers Lui. C’est pourquoi le chrétien peut éprouver envers la mort un désir semblable à celui de S. Paul : " J’ai le désir de m’en aller et d’être avec le Christ " (Ph 1, 23) ; et il peut transformer sa propre mort en un acte d’obéissance et d’amour envers le Père, à l’exemple du Christ (cf. Lc 23, 46) :
Mon désir terrestre a été crucifié ; (...) il y a en moi une eau vive qui murmure et qui dit au dedans de moi " Viens vers le Père " (S. Ignace d’Antioche, Rom. 7, 2).
Je veux voir Dieu, et pour le voir il faut mourir (Ste. Thérèse de Jésus, vida 1).
Je ne meurs pas, j’entre dans la vie (Ste. Thérèse de l’Enfant-Jésus, verba).
1012. La vision chrétienne de la mort (cf. 1 Th 4, 13-14) est exprimée de façon privilégiée dans la liturgie de l’Église :
Pour tous ceux qui croient en toi, Seigneur, la vie n’est pas détruite, elle est transformée ; et lorsque prend fin leur séjour sur la terre, ils ont déjà une demeure éternelle dans les cieux (MR, Préface des défunts).
1013. La mort est la fin du pèlerinage terrestre de l’homme, du temps de grâce et de miséricorde que Dieu lui offre pour réaliser sa vie terrestre selon le dessein divin et pour décider son destin ultime. Quand a pris fin " l’unique cours de notre vie terrestre " (LG 48), nous ne reviendrons plus à d’autres vies terrestres. " Les hommes ne meurent qu’une fois " (He 9, 27). Il n’y a pas de " réincarnation " après la mort.
1014. L’Église nous encourage à nous préparer pour l’heure de notre mort (" Délivre-nous, Seigneur, d’une mort subite et imprévue " : ancienne Litanie des saints), à demander à la Mère de Dieu d’intercéder pour nous " à l’heure de notre mort " (Prière Ave Maria), et à nous confier à saint Joseph, patron de la bonne mort :
Dans toutes tes actions, dans toutes tes pensées tu devrais te comporter comme si tu devais mourir aujourd’hui. Si ta conscience était en bon état, tu ne craindrais pas beaucoup la mort. Il vaudrait mieux se garder de pécher que de fuir la mort. Si aujourd’hui tu n’es pas prêt, comment le seras-tu demain ? (Imitation du Christ 1, 23, 1).
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mort corporelle, à qui nul homme vivant ne peut échapper. Malheur à ceux qui mourront dans les péchés mortels, heureux ceux qu’elle trouvera dans ses très saintes volontés, car la seconde mort ne leur fera pas mal (S. François d’Assise, cant.).
1020. " Je crois à la vie éternelle "
Le chrétien qui unit sa propre mort à celle de Jésus voit la mort comme une venue vers Lui et une entrée dans la vie éternelle. Lorsque l’Église a, pour la dernière fois, dit les paroles de pardon de l’absolution du Christ sur le chrétien mourant, l’a scellé pour la dernière fois d’une onction fortifiante et lui a donné le Christ dans le viatique comme nourriture pour le voyage, elle lui parle avec une douce assurance :
Quitte ce monde, âme chrétienne, au nom du Père Tout-Puissant qui t’a créé, au nom de Jésus-Christ, le Fils du Dieu vivant, qui a souffert pour toi, au nom du Saint-Esprit qui a été répandu en toi. Prends ta place aujourd’hui dans la paix, et fixe ta demeure avec Dieu dans la sainte Sion, avec la Vierge Marie, la Mère de Dieu, avec saint Joseph, les anges et tous les saints de Dieu (...). Retourne auprès de ton Créateur qui t’a formé de la poussière du sol. Qu’à l’heure où ton âme sortira de ton corps, Marie, les anges et tous les saints se hâtent à ta rencontre (...). Que tu puisses voir ton Rédempteur face à face ... (OEx " Commendatio animæ ").
1021. La mort met fin à la vie de l’homme comme temps ouvert à l’accueil ou au rejet de la grâce divine manifestée dans le Christ (cf. 2 Tm 1, 9-10). Le Nouveau Testament parle du jugement principalement dans la perspective de la rencontre finale avec le Christ dans son second avènement, mais il affirme aussi à plusieurs reprises la rétribution immédiate après la mort de chacun en fonction de ses œuvres et de sa foi. La parabole du pauvre Lazare (cf. Lc 16, 22) et la parole du Christ en Croix au bon larron (cf. Lc 23, 43), ainsi que d’autres textes du Nouveau Testament (cf. 2 Co 5, 8 ; Ph 1, 23 ; He 9, 27 ; 12, 23) parlent d’une destinée ultime de l’âme (cf. Mt 16, 26) qui peut être différente pour les unes et pour les autres.
1022. Chaque homme reçoit dans son âme immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier qui réfère sa vie au Christ, soit à travers une purification (cf. Cc. Lyon : DS 857-858 ; Cc. Florence : DS 1304-1306 ; Cc. Trente : DS 1820), soit pour entrer immédiatement dans la béatitude du ciel (cf. Benoît XII : DS 1000-1001 ; Jean XXII : DS 990), soit pour se damner immédiatement pour toujours (cf. Benoît XII : DS 1002).
Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour (S. Jean de la Croix, dichos 64)
1023. Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, et qui sont parfaitement purifiées, vivent pour toujours avec le Christ. Ils sont pour toujours semblables à Dieu, parce qu’ils le voient " tel qu’il est " (1 Jn 3, 2), face à face (cf. 1 Co 13, 12 ; Ap 22, 4) :
De notre autorité apostolique nous définissons que, d’après la disposition générale de Dieu, les âmes de tous les saints (...) et de tous les autres fidèles morts après avoir reçu le saint Baptême du Christ, en qui il n’y a rien eu à purifier lorsqu’ils sont morts, (...) ou encore, s’il y a eu ou qu’il y a quelque chose à purifier, lorsque, après leur mort, elles auront achevé de le faire, (...) avant même la résurrection dans leur corps et le Jugement général, et cela depuis l’Ascension du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ au ciel, ont été, sont et seront au ciel, au Royaume des cieux et au Paradis céleste avec le Christ, admis dans la société des saints anges. Depuis la passion et la mort de notre Seigneur Jésus-Christ, elles ont vu et voient l’essence divine d’une vision intuitive et même face à face, sans la médiation d’aucune créature (Benoît XII : DS 1000 ; cf. LG 49).
1024. Cette vie parfaite avec la Très Sainte Trinité, cette communion de vie et d’amour avec Elle, avec la Vierge Marie, les anges et tous les bienheureux est appelée " le ciel ". Le ciel est la fin ultime et la réalisation des aspirations les plus profondes de l’homme, l’état de bonheur suprême et définitif.
1025. Vivre au ciel c’est " être avec le Christ " (cf. Jn 14, 3 ; Ph 1, 23 ; 1 Th 4, 17). Les élus vivent " en Lui ", mais ils y gardent, mieux, ils y trouvent leur vraie identité, leur propre nom (cf. Ap 2, 17) :
Car la vie c’est d’être avec le Christ : là où est le Christ, là est la vie, là est le royaume. (S. Ambroise, Luc. 10, 121: PL 15, 1834A).
1026. Par sa mort et sa Résurrection Jésus-Christ nous a " ouvert " le ciel. La vie des bienheureux consiste dans la possession en plénitude des fruits de la rédemption opérée par le Christ qui associe à sa glorification céleste ceux qui ont cru en Lui et qui sont demeurés fidèles à sa volonté. Le ciel est la communauté bienheureuse de tous ceux qui sont parfaitement incorporés à Lui.
1030. III. La purification finale ou Purgatoire
Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, mais imparfaitement purifiés, bien qu’assurés de leur salut éternel, souffrent après leur mort une purification, afin d’obtenir la sainteté nécessaires pour entrer dans la joie du ciel .
1031. L’Église appelle Purgatoire cette purification finale des élus qui est tout à fait distincte du châtiment des damnés. L’Église a formulé la doctrine de la foi relative au Purgatoire surtout aux Conciles de Florence (cf. DS 1304) et de Trente (cf. DS 1820 ; 1580). La tradition de l’Église, faisant référence à certains textes de l’Écriture (par exemple 1 Co 3, 15 ; 1 P 1, 7), parle d’un feu purificateur :
Pour ce qui est de certaines fautes légères, il faut croire qu’il existe avant le jugement un feu purificateur, selon ce qu’affirme Celui qui est la Vérité, en disant que si quelqu’un a prononcé un blasphème contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera pardonné ni dans ce siècle-ci, ni dans le siècle futur (Mt 12, 31). Dans cette sentence nous pouvons comprendre que certaines fautes peuvent être remises dans ce siècle-ci, mais certaines autres dans le siècle futur (S. Grégoire le Grand, dial. 4, 39).
1032. Cet enseignement s’appuie aussi sur la pratique de la prière pour les défunts dont parle déjà la Sainte Écriture : " Voilà pourquoi il (Judas Maccabée) fit faire ce sacrifice expiatoire pour les morts, afin qu’ils fussent délivrés de leur péché " (2 M 12, 46). Dès les premiers temps, l’Église a honoré la mémoire des défunts et offert des suffrages en leur faveur, en particulier le sacrifice eucharistique (cf. DS 856 ;), afin que, purifiés, ils puissent parvenir à la vision béatifique de Dieu. L’Église recommande aussi les aumônes, les indulgences et les œuvres de pénitence en faveur des défunts :
Portons-leur secours et faisons leur commémoraison. Si les fils de Job ont été purifiés par le sacrifice de leur père (cf. Jb 1, 5), pourquoi douterions-nous que nos offrandes pour les morts leur apportent quelque consolation ? N’hésitons pas à porter secours à ceux qui sont partis et à offrir nos prières pour eux (S. Jean Chrysostome, hom. in 1 Cor. 41, 5 : PG 61, 361C).
1033. Nous ne pouvons pas être unis à Dieu à moins de choisir librement de l’aimer. Mais nous ne pouvons pas aimer Dieu si nous péchons gravement contre Lui, contre notre prochain ou contre nous-mêmes : " Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Quiconque hait son frère est un homicide ; or vous savez qu’aucun homicide n’a la vie éternelle demeurant en lui " (1 Jn 3, 15). Notre Seigneur nous avertit que nous serons séparés de Lui si nous omettons de rencontrer les besoins graves des pauvres et des petits qui sont ses frères (cf. Mt 25, 31-46). Mourir en péché mortel sans s’en être repenti et sans accueillir l’amour miséricordieux de Dieu, signifie demeurer séparé de Lui pour toujours par notre propre choix libre. Et c’est cet état d’auto-exclusion définitive de la communion avec Dieu et avec les bienheureux qu’on désigne par le mot " enfer ".
1034. Jésus parle souvent de la " géhenne " du " feu qui ne s’éteint pas " (cf. Mt 5, 22. 29 ; 13, 42. 50 ; Mc 9, 43-48), réservé à ceux qui refusent jusqu’à la fin de leur vie de croire et de se convertir , et où peuvent être perdus à la fois l’âme et le corps (cf. Mt 10, 28). Jésus annonce en termes graves qu’il " enverra ses anges, qui ramasseront tous les fauteurs d’iniquité (...), et les jetteront dans la fournaise ardente " (Mt 13, 41-42), et qu’il prononcera la condamnation : " Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel ! " (Mt 25, 41).
1035. L’enseignement de l’Église affirme l’existence de l’enfer et son éternité. Les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel descendent immédiatement après la mort dans les enfers, où elles souffrent les peines de l’enfer, " le feu éternel " (cf. DS 76 ; 409 ; 411 ; 801 ; 858 ; 1002 ; 1351 ; 1575 ; SPF 12). La peine principale de l’enfer consiste en la séparation éternelle d’avec Dieu en qui seul l’homme peut avoir la vie et le bonheur pour lesquels il a été crée et auxquels il aspire.
1036. Les affirmations de la Sainte Écriture et les enseignements de l’Église au sujet de l’enfer sont un appel à la responsabilité avec laquelle l’homme doit user de sa liberté en vue de son destin éternel. Elles constituent en même temps un appel pressant à la conversion : " Entrez par la porte étroite. Car large et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui le prennent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent " (Mt 7, 13-14) :
Ignorants du jour et de l’heure, il faut que, suivant l’avertissement du Seigneur, nous restions constamment vigilants pour mériter, quand s’achèvera le cours unique de notre vie terrestre, d’être admis avec lui aux noces et comptés parmi les bénis de Dieu, au lieu d’être, comme de mauvais et paresseux serviteurs, écartés par l’ordre de Dieu vers le feu éternel, vers ces ténèbres du dehors où seront les pleurs et les grincements de dents (LG 48).
1037. Dieu ne prédestine personne à aller en enfer (cf. DS 397 ; 1567) ; il faut pour cela une aversion volontaire de Dieu (un péché mortel), et y persister jusqu’à la fin. Dans la liturgie eucharistique et dans les prières quotidiennes de ses fidèles, l’Église implore la miséricorde de Dieu, qui veut " que personne ne périsse, mais que tous arrivent au repentir " (2 P 3, 9) :
Voici l’offrande que nous présentons devant toi, nous, tes serviteurs, et ta famille entière : dans ta bienveillance, accepte-la. Assure toi-même la paix de notre vie, arrache-nous à la damnation et reçois-nous parmi tes élus (MR, Canon Romain 88).
1038. La résurrection de tous les morts, " des justes et des pécheurs " (Ac 24, 15), précédera le Jugement dernier. Ce sera " l’heure où ceux qui gisent dans la tombe en sortiront à l’appel de la voix du Fils de l’Homme ; ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, ceux qui auront fait le mal pour la damnation " (Jn 5, 28-29). Alors le Christ " viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges (...). Devant lui seront rassemblés toutes les nations, et il séparera les gens les uns des autres, tout comme le berger sépare les brebis des boucs. Il placera les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche (...). Et ils s’en iront, ceux-ci à une peine éternelle, et les justes à la vie éternelle " (Mt 25, 31. 32. 46).
1039. C’est face au Christ qui est la Vérité que sera définitivement mise à nu la vérité sur la relation de chaque homme à Dieu (cf. Jn 12, 49). Le jugement dernier révélera jusque dans ses ultimes conséquences ce que chacun aura fait de bien ou omis de faire durant sa vie terrestre :
Tout le mal que font les méchants est enregistré – et ils ne le savent pas. Le Jour où " Dieu ne se taira pas " (Ps 50, 3) (...) Il se tournera vers les mauvais : " J’avais, leur dira-t-il, placé sur terre mes petits pauvres, pour vous. Moi, leur chef, je trônais dans le ciel à la droite de mon Père – mais sur la terre mes membres avaient faim. Si vous aviez donné à mes membres, ce que vous auriez donné serait parvenu jusqu’à la tête. Quand j’ai placé mes petits pauvres sur la terre, je les ai institués vos commissionnaires pour porter vos bonnes œuvres dans mon trésor : vous n’avez rien déposé dans leurs mains, c’est pourquoi vous ne possédez rien auprès de moi " (S. Augustin, serm. 18, 4, 4 : PL 38, 130-131).
1040. Le jugement dernier interviendra lors du retour glorieux du Christ. Le Père seul en connaît l’heure et le jour, Lui seul décide de son avènement. Par son Fils Jésus-Christ Il prononcera alors sa parole définitive sur toute l’histoire. Nous connaîtrons le sens ultime de toute l’œuvre de la création et de toute l’économie du salut, et nous comprendrons les chemins admirables par lesquels Sa Providence aura conduit toute chose vers sa fin ultime. Le jugement dernier révélera que la justice de Dieu triomphe de toutes les injustices commises par ses créatures et que son amour est plus fort que la mort (cf. Ct 8, 6).
1041. Le message du Jugement dernier appelle à la conversion pendant que Dieu donne encore aux hommes " le temps favorable, le temps du salut " (2 Co 6, 2). Il inspire la sainte crainte de Dieu. Il engage pour la justice du Royaume de Dieu. Il annonce la " bienheureuse espérance " (Tt 2, 13) du retour du Seigneur qui " viendra pour être glorifié dans ses saints et admiré en tous ceux qui auront cru " (2 Th 1, 10).
1040. Le jugement dernier interviendra lors du retour glorieux du Christ. Le Père seul en connaît l’heure et le jour, Lui seul décide de son avènement. Par son Fils Jésus-Christ Il prononcera alors sa parole définitive sur toute l’histoire. Nous connaîtrons le sens ultime de toute l’œuvre de la création et de toute l’économie du salut, et nous comprendrons les chemins admirables par lesquels Sa Providence aura conduit toute chose vers sa fin ultime. Le jugement dernier révélera que la justice de Dieu triomphe de toutes les injustices commises par ses créatures et que son amour est plus fort que la mort (cf. Ct 8, 6).
1042. VI. L’espérance des cieux nouveaux et de la terre nouvelle
A la fin des temps, le Royaume de Dieu arrivera à sa plénitude. Après le jugement universel, les justes régneront pour toujours avec le Christ, glorifiés en corps et en âme, et l’univers lui-même sera renouvelé :
Alors l’Église sera " consommée dans la gloire céleste, lorsque, avec le genre humain, tout l’univers lui-même, intimement uni avec l’homme et atteignant par lui sa destinée, trouvera dans le Christ sa définitive perfection " (LG 48).
1043. Cette rénovation mystérieuse, qui transformera l’humanité et le monde, la Sainte Écriture l’appelle " les cieux nouveaux et la terre nouvelle " (2 P 3, 13 ; cf. Ap 21, 1). Ce sera la réalisation définitive du dessein de Dieu de " ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres " (Ep 1, 10).
1044. Dans cet " univers nouveau " (Ap 21, 5), la Jérusalem céleste, Dieu aura sa demeure parmi les hommes. " Il essuiera toute larme de leurs yeux ; de mort, il n’y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé " (Ap 21, 4 ; cf. 21, 27).
1045. Pour l’homme, cette consommation sera la réalisation ultime de l’unité du genre humain, voulue par Dieu dès la création et dont l’Église pérégrinante était " comme le sacrement " (LG 1). Ceux qui seront unis au Christ formeront la communauté des rachetés, la Cité Sainte de Dieu (Ap 21, 2), " l’Épouse de l’Agneau " (Ap 21, 9). Celle-ci ne sera plus blessée par le péché, les souillures (cf. Ap 21, 27), l’amour propre, qui détruisent ou blessent la communauté terrestre des hommes. La vision béatifique, dans laquelle Dieu s’ouvrira de façon inépuisable aux élus, sera la source intarissable de bonheur, de paix et de communion mutuelle.
1046. Quant au cosmos, la Révélation affirme la profonde communauté de destin du monde matériel et de l’homme :
Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu (...) avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption. (...) Nous le savons en effet, toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement. Et non pas elle seule ; nous-mêmes qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons nous aussi intérieurement dans l’attente de la rédemption de notre corps (Rm 8, 19-23).
1047. L’univers visible est donc destiné, lui aussi, à être transformé, " afin que le monde lui-même, restauré dans son premier état, soit, sans plus aucun obstacle, au service des justes ", participant à leur glorification en Jésus-Christ ressuscité (S. Irénée, hær. 5, 32, 1).
1048. " Nous ignorons le temps de l’achèvement de la terre et de l’humanité, nous ne connaissons pas le mode de transformation du cosmos. Elle passe, certes, la figure de ce monde déformée par le péché ; mais nous l’avons appris, Dieu nous prépare une nouvelle demeure et une nouvelle terre où régnera la justice et dont la béatitude comblera et dépassera tous les désirs de paix qui montent au cœur de l’homme " (GS 39, § 1).
1049. " Mais l’attente de la terre nouvelle, loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller : le corps de la nouvelle famille humaine y grandit, qui offre déjà quelque ébauche du siècle à venir. C’est pourquoi, s’il faut soigneusement distinguer le progrès terrestre de la croissance du règne du Christ, ce progrès a cependant beaucoup d’importance pour le royaume de Dieu, dans la mesure où il peut contribuer à une meilleure organisation de la société humaine " (GS 39, § 2).
1050. " Car tous les fruits excellents de notre nature et de notre industrie, que nous aurons propagés sur terre selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père le royaume éternel et universel " (GS 39, § 3 ; cf. LG 2). Dieu sera alors " tout en tous " (1 Co 15, 28), dans la vie éternelle :
La vie subsistante et vraie, c’est le Père qui, par le Fils et en l’Esprit Saint, déverse sur tous sans exception les dons célestes. Grâce à sa miséricorde, nous aussi, hommes, nous avons reçu la promesse indéfectible de la vie éternelle (S. Cyrille de Jérusalem, catech. ill. 18, 29 : PG 33, 1049).
1061. Le Credo, comme aussi le dernier livre de l’Écriture Sainte (cf. Ap 22, 21), se termine avec le mot hébreu Amen. On le trouve fréquemment à la fin des prières du Nouveau Testament. De même, l’Église termine ses prières par " Amen ".
1062. En hébreux, " Amen " se rattache à la même racine que le mot " croire ". Cette racine exprime la solidité, la fiabilité, la fidélité. Ainsi on comprend pourquoi le " Amen " peut être dit de la fidélité de Dieu envers nous et de notre confiance en Lui.
1063. Dans le prophète Isaïe on trouve l’expression " Dieu de vérité ", littéralement " Dieu de l’Amen ", c’est-à-dire le Dieu fidèle à ses promesses : " Quiconque voudra être béni sur terre voudra être béni par le Dieu de l’Amen " (Is 65, 16). Notre Seigneur emploie souvent le terme " Amen " (cf. Mt 6, 2. 5. 16), parfois sous forme redoublée (cf. Jn 5, 19), pour souligner la fiabilité de son enseignement, son Autorité fondée sur la Vérité de Dieu.
1064. L’" Amen " final du Credo reprend et confirme donc ses deux premiers mots : " Je crois ". Croire, c’est dire " Amen " aux paroles, aux promesses, aux commandements de Dieu, c’est se fier totalement en Celui qui est l’" Amen " d’infini amour et de parfaite fidélité. La vie chrétienne de chaque jour sera alors l’" Amen " au " Je crois " de la Profession de foi de notre Baptême :
Que ton Symbole soit pour toi comme un miroir. Regarde-toi en lui : pour voir si tu crois tout ce que tu déclares croire. Et réjouis-toi chaque jour en ta foi (S. Augustin, serm. 58, 11, 13 : PL 38, 399).
1065. Jésus-Christ lui-même est " l’Amen " (Ap 3, 14). Il est l’" Amen " définitif de l’amour du Père pour nous ; il assume et achève notre " Amen " au Père : " Toutes les promesses de Dieu ont en effet leur ‘oui’ en lui ; aussi bien est-ce par lui que nous disons notre ‘Amen’ à la gloire de Dieu " (2 Co 1, 20) :
Par Lui, avec Lui et en Lui,
à toi, Dieu le Père Tout-Puissant,
dans l’unité du Saint-Esprit,
tout honneur et toute gloire,
pour les siècles des siècles.
Amen
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