1. I. La vie de l’homme – connaître et aimer Dieu
Dieu, infiniment Parfait et Bienheureux en Lui-même, dans un dessein de pure bonté, a librement créé l’homme pour le faire participer à sa vie bienheureuse. C’est pourquoi, de tout temps et en tout lieu, Il se fait proche de l’homme. Il l’appelle, l’aide à Le chercher, à Le connaître et à L’aimer de toutes ses forces. Il convoque tous les hommes que le péché a dispersés dans l’unité de sa famille, l’Église. Pour ce faire, Il a envoyé son Fils comme Rédempteur et Sauveur lorsque les temps furent accomplis. En Lui et par Lui, Il appelle les hommes à devenir, dans l’Esprit Saint, ses enfants d’adoption, et donc les héritiers de sa vie bienheureuse.
2. Pour que cet appel retentisse par toute la terre, le Christ a envoyé les apôtres qu’Il avait choisis en leur donnant mandat d’annoncer l’Évangile : " Allez, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde " (Mt 28, 19-20). Forts de cette mission, les apôtres " s’en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux et confirmant la Parole par les signes qui l’accompagnaient " (Mc 16, 20).
3. Ceux qui à l’aide de Dieu ont accueilli l’appel du Christ et y ont librement répondu, ont été à leur tour pressés par l’amour du Christ d’annoncer partout dans le monde la Bonne Nouvelle. Ce trésor reçu des apôtres a été gardé fidèlement par leurs successeurs. Tous les fidèles du Christ sont appelés à le transmettre de génération en génération, en annonçant la foi, en la vivant dans le partage fraternel et en la célébrant dans la liturgie et la prière (cf. Ac 2, 42).
4. Très tôt on a appelé catéchèse l’ensemble des efforts entrepris dans l’Église pour faire des disciples, pour aider les hommes à croire que Jésus est le Fils de Dieu afin que, par la foi, ils aient la vie en son nom, pour les éduquer et les instruire dans cette vie et construire ainsi le Corps du Christ (cf. CT 1).
5. " La catéchèse est une éducation de la foi des enfants, des jeunes et des adultes, qui comprend spécialement un enseignement de la doctrine chrétienne, donné en général de façon organique et systématique, en vue d’initier à la plénitude de la vie chrétienne " (CT 18).
6. Sans se confondre avec eux, la catéchèse s’articule sur un certain nombre d’éléments de la mission pastorale de l’Église, qui ont un aspect catéchétique, qui préparent la catéchèse ou qui en découlent : première annonce de l’Évangile ou prédication missionnaire pour susciter la foi ; recherche des raisons de croire ; expérience de vie chrétienne ; célébration des sacrements ; intégration dans la communauté ecclésiale ; témoignage apostolique et missionnaire (cf. CT 18).
7. " La catéchèse est liée intimement à toute la vie de l’Église. Non seulement l’extension géographique et l’augmentation numérique mais aussi, et davantage encore, la croissance intérieure de l’Église, sa correspondance avec le dessein de Dieu, dépendent essentiellement d’elle " (CT 13).
8. Les périodes de renouveau de l’Église sont aussi des temps forts de la catéchèse. Ainsi voit-on à la grande époque des Pères de l’Église de saints évêques y consacrer une part importante de leur ministère. Tels sont S. Cyrille de Jérusalem et S. Jean Chrysostome, S. Ambroise et S. Augustin, et bien d’autres Pères dont les œuvres catéchétiques demeurent des modèles.
9. Le ministère de la catéchèse puise des énergies toujours nouvelles dans les Conciles. Le Concile de Trente constitue à cet égard un exemple à souligner : il a donné à la catéchèse une priorité dans ses constitutions et ses décrets ; il est à l’origine du Catéchisme Romain qui porte aussi son nom et constitue une œuvre de premier ordre comme abrégé de la doctrine chrétienne ; il a suscité dans l’Église une organisation remarquable de la catéchèse ; il a entraîné, grâce à de saints évêques et théologiens tels S. Pierre Canisius, S. Charles Borromée, S. Toribio de Mogrovejo, S. Robert Bellarmin, la publication de nombreux catéchismes.
10. Il n’est pas étonnant, dès lors, que, dans le mouvement à la suite du deuxième Concile du Vatican (considéré par le Pape Paul VI comme le grand catéchisme des temps modernes), la catéchèse de l’Église ait de nouveau attiré l’attention. Le " Directoire général de la Catéchèse " de 1971, les sessions du Synode des évêques consacrées à l’évangélisation (1974) et à la catéchèse (1977), les exhortations apostoliques qui leur correspondent, " Evangelii nuntiandi " (1975) et " Catechesi tradendæ " (1979), en témoignent. La session extraordinaire du Synode des évêques de 1985 demanda " que soit rédigé un catéchisme ou compendium de toute la doctrine catholique tant sur la foi que sur la morale " (rapport final II B a 4). Le Saint-Père, Jean Paul II, a fait sien ce vœu émis par le Synode des évêques en reconnaissant que " ce désir répond tout à fait à un vrai besoin de l’Église universelle et des Églises particulières " (Discours 7 décembre 1985). Il mit tout en œuvre pour la réalisation de ce vœu des pères du Synode.
11. III. Le but et les destinataires de ce Catéchisme
Ce Catéchisme a pour but de présenter un exposé organique et synthétique des contenus essentiels et fondamentaux de la doctrine catholique tant sur la foi que sur la morale, à la lumière du Concile Vatican II et de l’ensemble de la Tradition de l’Église. Ses sources principales sont l’Écriture Sainte, les saints Pères, la liturgie et le Magistère de l’Église. Il est destiné à servir " comme un point de référence pour les catéchismes ou compendia qui sont composés dans les divers pays " (Synode des Évêques 1985, rapport final II B a 4).
12. Ce Catéchisme est destiné principalement aux responsables de la catéchèse : en premier lieu aux évêques, en tant que docteurs de la foi et pasteurs de l’Église. Il leur est offert comme instrument dans l’accomplissement de leur charge d’enseigner le Peuple de Dieu. A travers les évêques, il s’adresse aux rédacteurs de catéchismes, aux prêtres et aux catéchistes. Il sera aussi d’utile lecture pour tous les autres fidèles chrétiens.
13. IV. La structure de ce Catéchisme
Le plan de ce Catéchisme s’inspire de la grande tradition des catéchismes qui articulent la catéchèse autour de quatre " piliers " : la profession de la foi baptismale (le Symbole), les sacrements de la foi, la vie de la foi (les Commandements), la prière du croyant (le Notre Père).
14. Première partie : La profession de la foi
Ceux qui par la foi et le Baptême appartiennent au Christ doivent confesser leur foi baptismale devant les hommes (cf. Mt 10, 32 ; Rm 10, 9). Pour cela, le Catéchisme expose d’abord en quoi consiste la Révélation par laquelle Dieu s’adresse et se donne à l’homme, et la foi, par laquelle l’homme répond à Dieu (première section). Le symbole de la foi résume les dons que Dieu fait à l’homme comme Auteur de tout bien, comme Rédempteur, comme Sanctificateur et les articule autour des " trois chapitres " de notre Baptême – la foi en un seul Dieu : le Père Tout-puissant, le Créateur ; et Jésus-Christ, son Fils, notre Seigneur et Sauveur ; et l’Esprit Saint, dans la Sainte Église (deuxième section).
15. Deuxième partie : Les sacrements de la foi
La deuxième partie du Catéchisme expose comment le salut de Dieu, réalisé une fois pour toutes par le Christ Jésus et par l’Esprit Saint, est rendu présent dans les actions sacrées de la liturgie de l’Église (première section), particulièrement dans les sept sacrements (deuxième section).
16. Troisième partie : La vie de la foi
La troisième partie du Catéchisme présente la fin ultime de l’homme, créé à l’image de Dieu : la béatitude, et les chemins pour y parvenir : par un agir droit et libre, avec l’aide de la loi et de la grâce de Dieu (première section) ; par un agir qui réalise le double commandement de la charité, déployé dans les dix Commandements de Dieu (deuxième section).
17. Quatrième partie : La prière dans la vie de la foi
La dernière partie du Catéchisme traite du sens et de l’importance de la prière dans la vie des croyants (première section). Elle s’achève sur un bref commentaire des sept demandes de la prière du Seigneur (deuxième section). En elles, en effet, nous trouvons la somme des biens que nous devons espérer et que notre Père céleste veut nous accorder.
18. V. Indications pratiques pour l’usage de ce Catéchisme
Ce Catéchisme est conçu comme un exposé organique de toute la foi catholique. Il faut donc le lire comme une unité. De nombreux renvois en marge du texte (numéros en italique se référant à d’autres paragraphes traitant du même sujet) et l’index thématique à la fin du volume permettent de voir chaque thème dans son lien avec l’ensemble de la foi.
19. Souvent, les textes de l’Écriture Sainte ne sont pas cités littéralement mais avec la seule indication de leur référence (par " cf. ") en note. Pour une intelligence approfondie de tels passages il convient de se reporter aux textes eux-mêmes. Ces références bibliques sont un instrument de travail pour la catéchèse.
20. L’emploi des petits caractères pour certains passages indique qu’il s’agit de remarques de type historique, apologétique ou d’exposés doctrinaux complémentaires.
21. Les citations, en petits caractères, de sources patristiques, liturgiques, magistérielles ou hagiographiques sont destinées à enrichir l’exposé doctrinal. Souvent ces textes ont été choisis en vue d’un usage directement catéchétique.
22. A la fin de chaque unité thématique, une série de textes brefs résument en des formules ramassées l’essentiel de l’enseignement. Ces " En bref " ont pour but de donner des suggestions à la catéchèse locale pour des formules synthétiques et mémorisables.
23. VI. Les adaptations nécessaires
L’accent de ce Catéchisme porte sur l’exposé doctrinal. En effet, il veut aider à approfondir la connaissance de la foi. Par là même il est orienté vers la maturation de cette foi, son enracinement dans la vie et son rayonnement dans le témoignage (cf. CT 20-22 ; 25).
24. Par sa finalité même, ce Catéchisme ne se propose pas de réaliser les adaptations de l’exposé et des méthodes catéchétiques exigées par les différences de cultures, d’âges, de maturité spirituelle, de situations sociales et ecclésiales de ceux à qui s’adresse la catéchèse. Ces adaptations indispensables relèvent des catéchismes appropriés, et plus encore de ceux qui instruisent les fidèles :
Celui qui enseigne doit " se faire tout à tous " (1 Co 9, 22), pour gagner tout le monde à Jésus-Christ. (...) Surtout qu’il ne s’imagine pas qu’une seule sorte d’âmes lui soit confiée, et que par conséquent il lui est loisible d’enseigner et de former également tous les fidèles à la vraie piété, avec une seule et même méthode et toujours la même ! Qu’il sache bien que les uns sont en Jésus-Christ comme des enfants nouvellement nés, d’autres comme des adolescents, quelques-uns enfin, comme en possession de toutes leurs forces. (...) Ceux qui sont appelés au ministère de la prédication doivent, en transmettant l’enseignement des mystères, de la foi et des règles des mœurs, proportionner leurs paroles à l’esprit et à l’intelligence de leurs auditeurs (Catech. R. préface 11).
25. Pour conclure cette présentation, il est opportun de rappeler ce principe pastoral qu’énonce le Catéchisme Romain :
Toute la finalité de la doctrine et de l’enseignement doit être placée dans l’amour qui ne finit pas. Car on peut bien exposer ce qu’il faut croire, espérer ou faire ; mais surtout on doit toujours faire apparaître l’Amour de Notre Seigneur afin que chacun comprenne que tout acte de vertu parfaitement chrétien n’a pas d’autre origine que l’Amour et pas d’autre terme que l’Amour (Catech. R. préface 10).
142. Par sa révélation, " provenant de l’immensité de sa charité, Dieu, qui est invisible s’adresse aux hommes comme à ses amis et converse avec eux pour les inviter à entrer en communion avec lui et les recevoir en cette communion " (DV 2). La réponse adéquate à cette invitation est la foi.
143. Par la foi l’homme soumet complètement son intelligence et sa volonté à Dieu. De tout son être l’homme donne son assentiment à Dieu révélateur (cf. DV 5). L’Écriture Sainte appelle " obéissance de la foi " cette réponse de l’homme au Dieu qui révèle (cf. Rm 1, 5 ; 16, 26).
144. Obéir (ob-audire) dans la foi, c’est se soumettre librement à la parole écoutée, parce que sa vérité est garantie par Dieu, la Vérité même. De cette obéissance, Abraham est le modèle que nous propose l’Écriture Sainte. La Vierge Marie en est la réalisation la plus parfaite.
145. Abraham – " le père de tous les croyants "
L’Épître aux Hébreux, dans le grand éloge de la foi des ancêtres, insiste particulièrement sur la foi d’Abraham : " Par la foi, Abraham obéit à l’appel de partir vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait " (He 11, 8 ; cf. Gn 12, 1-4). Par la foi, il a vécu en étranger et en pèlerin dans la Terre promise (cf. Gn 23, 4). Par la foi, Sara reçut de concevoir le fils de la promesse. Par la foi enfin, Abraham offrit son fils unique en sacrifice (cf. He 11, 17).
146. Abraham réalise ainsi la définition de la foi donnée par l’épître aux Hébreux : " La foi est la garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas " (He 11, 1). " Abraham eut foi en Dieu, et ce lui fut compté comme justice " (Rm 4, 3 ; cf. Gn 15, 6). Grâce à cette " foi puissante " (Rm 4, 20), Abraham est devenu " le père de tous ceux qui croiraient " (Rm 4, 11. 18 ; cf. Gn 15, 5).
147. De cette foi, l’Ancien Testament est riche en témoignages. L’Épître aux Hébreux proclame l’éloge de la foi exemplaire des anciens " qui leur a valu un bon témoignage " (He 11, 2. 39). Pourtant, " Dieu prévoyait pour nous un sort meilleur " : la grâce de croire en son Fils Jésus, " le chef de notre foi, qui la mène à la perfection " (He 11, 40 ; 12, 2).
148. Marie – " Bienheureuse celle qui a cru "
La Vierge Marie réalise de la façon la plus parfaite l’obéissance de la foi. Dans la foi, Marie accueillit l’annonce et la promesse apportées par l’ange Gabriel, croyant que " rien n’est impossible à Dieu " (Lc 1, 37 ; cf. Gn 18, 14), et donnant son assentiment : " Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole " (Lc 1, 38). Élisabeth la salua : " Bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur " (Lc 1, 45). C’est pour cette foi que toutes les générations la proclameront bienheureuse (cf. Lc 1, 48).
149. Pendant toute sa vie, et jusqu’à sa dernière épreuve (cf. Lc 2, 35), lorsque Jésus, son fils, mourut sur la croix, sa foi n’a pas vacillé. Marie n’a pas cessé de croire " en l’accomplissement " de la parole de Dieu. Aussi bien, l’Église vénère-t-elle en Marie la réalisation la plus pure de la foi.
150. II. " Je sais en qui j’ai mis ma foi " (2 Tm 1, 12)
La foi est d’abord une adhésion personnelle de l’homme à Dieu ; elle est en même temps, et inséparablement, l’assentiment libre à toute la vérité que Dieu a révélé. En tant qu’adhésion personnelle à Dieu et assentiment à la vérité qu’il a révélé, la foi chrétienne diffère de la foi en une personne humaine. Il est juste et bon de se confier totalement en Dieu et de croire absolument ce qu’Il dit. Il serait vain et faux de mettre une telle foi en une créature (cf. Jr 17, 5-6 ; Ps 40, 5 ; 146, 3-4).
Croire en Jésus-Christ, le Fils de Dieu
151. Pour le chrétien, croire en Dieu, c’est inséparablement croire en Celui qu’Il a envoyé, " son Fils bien-aimé " en qui Il a mis toute sa complaisance (cf. Mc 1, 11) ; Dieu nous a dit de L’écouter (cf. Mc 9, 7). Le Seigneur Lui-même dit à ses disciples : " Croyez en Dieu, croyez aussi en moi " (Jn 14, 1). Nous pouvons croire en Jésus-Christ parce qu’Il est Lui-même Dieu, le Verbe fait chair : " Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, Lui, L’a fait connaître " (Jn 1, 18). Parce qu’il " a vu le Père " (Jn 6, 46), Il est seul à Le connaître et à pouvoir Le révéler (cf. Mt 11, 27).
152. On ne peut pas croire en Jésus-Christ sans avoir part à son Esprit. C’est l’Esprit Saint qui révèle aux hommes qui est Jésus. Car " nul ne peut dire : ‘Jésus est Seigneur’, que sous l’action de l’Esprit Saint " (1 Co 12, 3). " L’Esprit sonde tout, jusqu’aux profondeurs de Dieu (...) Nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu " (1 Co 2, 10-11). Dieu seul connaît Dieu tout entier. Nous croyons en l’Esprit Saint parce qu’il est Dieu.
L’Église ne cesse de confesser sa foi en un seul Dieu, Père, Fils et Esprit Saint.
153. III. Les caractéristiques de la foi
Lorsque S. Pierre confesse que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, Jésus lui déclare que cette révélation ne lui est pas venue " de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux " (Mt 16, 17 ; cf. Ga 1, 15 ; Mt 11, 25). La foi est un don de Dieu, une vertu surnaturelle infuse par Lui. " Pour prêter cette foi, l’homme a besoin de la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que des secours intérieurs du Saint-Esprit. Celui-ci touche le cœur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne ‘à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité’ " (DV 5).
154. Croire n’est possible que par la grâce et les secours intérieurs du Saint-Esprit. Il n’en est pas moins vrai que croire est un acte authentiquement humain. Il n’est contraire ni à la liberté ni à l’intelligence de l’homme de faire confiance à Dieu et d’adhérer aux vérités par lui révélées. Déjà dans les relations humaines il n’est pas contraire à notre propre dignité de croire ce que d’autres personnes nous disent sur elles-mêmes et sur leurs intentions, et de faire confiance à leurs promesses (comme, par exemple, lorsqu’un homme et une femme se marient), pour entrer ainsi en communion mutuelle. Dès lors, il est encore moins contraire à notre dignité de " présenter par la foi la soumission plénière de notre intelligence et de notre volonté au Dieu qui révèle " (Cc. Vatican I : DS 3008) et d’entrer ainsi en communion intime avec Lui.
155. Dans la foi, l’intelligence et la volonté humaines coopèrent avec la grâce divine : " Croire est un acte de l’intelligence adhérant à la vérité divine sous le commandement de la volonté mue par Dieu au moyen de la grâce " (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 2, 9 ; cf. Cc. Vatican I : DS 3010).
156. Le motif de croire n’est pas le fait que les vérités révélées apparaissent comme vraies et intelligibles à la lumière de notre raison naturelle. Nous croyons " à cause de l’autorité de Dieu même qui révèle et qui ne peut ni se tromper ni nous tromper ". " Néanmoins, pour que l’hommage de notre foi fût conforme à la raison, Dieu a voulu que les secours intérieurs du Saint-Esprit soient accompagnés des preuves extérieures de sa Révélation " (ibid., DS 3009). C’est ainsi que les miracles du Christ et des saints (cf. Mc 16, 20 ; He 2, 4), les prophéties, la propagation et la sainteté de l’Église, sa fécondité et sa stabilité " sont des signes certains de la Révélation, adaptés à l’intelligence de tous ", des " motifs de crédibilité " qui montrent que l’assentiment de la foi n’est " nullement un mouvement aveugle de l’esprit " (Cc. Vatican I : DS 3008-3010).
157. La foi est certaine, plus certaine que toute connaissance humaine, parce qu’elle se fonde sur la Parole même de Dieu, qui ne peut pas mentir. Certes, les vérités révélées peuvent paraître obscures à la raison et à l’expérience humaines, mais " la certitude que donne la lumière divine est plus grande que celle que donne la lumière de la raison naturelle " (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 171, 5, obj. 3). " Dix mille difficultés ne font pas un seul doute " (Newman, apol.).
158. " La foi cherche à comprendre " (S. Anselme, prosl. proœm. : PL 153, 225A) : il est inhérent à la foi que le croyant désire mieux connaître Celui en qui il a mis sa foi, et mieux comprendre ce qu’Il a révélé ; une connaissance plus pénétrante appellera à son tour une foi plus grande, de plus en plus embrasée d’amour. La grâce de la foi ouvre " les yeux du cœur " (Ep 1, 18) pour une intelligence vive des contenus de la Révélation, c’est-à-dire de l’ensemble du dessein de Dieu et des mystères de la foi, de leur lien entre eux et avec le Christ, centre du mystère révélé. Or, pour " rendre toujours plus profonde l’intelligence de la Révélation, l’Esprit Saint ne cesse, par ses dons, de rendre la foi plus parfaite " (DV 5). Ainsi, selon l’adage de S. Augustin (serm. 43, 7, 9 : PL 38, 258), " je crois pour comprendre et je comprends pour mieux croire ".
159. Foi et science. " Bien que la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais y avoir de vrai désaccord entre elles. Puisque le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi a fait descendre dans l’esprit humain la lumière de la raison, Dieu ne pourrait se nier lui-même ni le vrai contredire jamais le vrai " (Cc. Vatican I : DS 3017). " C’est pourquoi la recherche méthodique, dans tous les domaines du savoir, si elle est menée d’une manière vraiment scientifique et si elle suit les normes de la morale, ne sera jamais réellement opposée à la foi : les réalités profanes et celles de la foi trouvent leur origine dans le même Dieu. Bien plus, celui qui s’efforce, avec persévérance et humilité, de pénétrer les secrets des choses, celui-là, même s’il n’en a pas conscience, est comme conduit par la main de Dieu, qui soutient tous les êtres et les fait ce qu’ils sont " (GS 36, § 2).
160. Pour être humaine, " la réponse de la foi donnée par l’homme à Dieu doit être volontaire ; en conséquence, personne ne doit être contraint à embrasser la foi malgré soi. Par sa nature même, en effet, l’acte de foi a un caractère volontaire " (DH 10 ; cf. CIC, can. 748, § 2). " Dieu, certes, appelle l’homme à le servir en esprit et vérité ; si cet appel oblige l’homme en conscience, il ne le contraint pas. (...) Cela est apparu au plus haut point dans le Christ Jésus " (DH 11). En effet, le Christ a invité à la foi et à la conversion, il n’y a nullement contraint. " Il a rendu témoignage à la vérité, mais il n’a pas voulu l’imposer par la force à ses contradicteurs. Son royaume (...) s’étend grâce à l’amour par lequel le Christ, élevé sur la croix, attire à lui tous les hommes " (DH 11).
161. Croire en Jésus-Christ et en Celui qui l’a envoyé pour notre salut est nécessaire pour obtenir ce salut (cf. Mc 16, 16 ; Jn 3, 36 ; 6, 40 e.a.). " Parce que ‘sans la foi (...) il est impossible de plaire à Dieu’ (He 11, 6) et d’arriver à partager la condition de ses fils, personne jamais ne se trouve justifié sans elle et personne à moins qu’il n’ait ‘persévéré en elle jusqu’à la fin’ (Mt 10, 22 ; 24, 13), n’obtiendra la vie éternelle " (Cc. Vatican I : DS 3012 ; cf. Cc. Trente : DS 1532).
162. La foi est un don gratuit que Dieu fait à l’homme. Ce don inestimable, nous pouvons le perdre ; S. Paul en avertit Timothée : " Combats le bon combat, possédant foi et bonne conscience ; pour s’en être affranchis, certains ont fait naufrage dans la foi " (1 Tm 1, 18-19). Pour vivre, croître et persévérer jusqu’à la fin dans la foi nous devons la nourrir par la Parole de Dieu ; nous devons implorer le Seigneur de l’augmenter (cf. Mc 9, 24 ; Lc 17, 5 ; 22, 32) ; elle doit " agir par la charité " (Ga 5, 6 ; cf. Jc 2, 14-26), être portée par l’espérance (cf. Rm 15, 13) et être enracinée dans la foi de l’Église.
163. La foi – commencement de la vie éternelle
La foi nous fait goûter comme à l’avance, la joie et la lumière de la vision béatifique, but de notre cheminement ici-bas. Nous verrons alors Dieu " face à face " (1 Co 13, 12), " tel qu’Il est " (1 Jn 3, 2). La foi est donc déjà le commencement de la vie éternelle :
Tandis que dès maintenant nous contemplons les bénédictions de la foi, comme un reflet dans un miroir, c’est comme si nous possédions déjà les choses merveilleuses dont notre foi nous assure qu’un jour nous en jouirons (S. Basile, Spir. 15, 36 : PG 32, 132 ; cf. S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 4, 1).
164. Maintenant, cependant, " nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision " (2 Co 5, 7), et nous connaissons Dieu " comme dans un miroir, d’une manière confuse, (...), imparfaite " (1 Co 13, 12). Lumineuse par Celui en qui elle croit, la foi est vécue souvent dans l’obscurité. La foi peut être mise à l’épreuve. Le monde en lequel nous vivons semble souvent bien loin de ce que la foi nous assure ; les expériences du mal et de la souffrance, des injustices et de la mort paraissent contredire la Bonne Nouvelle, elles peuvent ébranler la foi et devenir pour elle une tentation.
165. C’est alors que nous devons nous tourner vers les témoins de la foi : Abraham, qui crut, " espérant contre toute espérance " (Rm 4, 18) ; la Vierge Marie qui, dans " le pèlerinage de la foi " (LG 58), est allée jusque dans la " nuit de la foi " (Jean-Paul II, RM 18) en communiant à la souffrance de son Fils et à la nuit de son tombeau ; et tant d’autres témoins de la foi : " Enveloppés d’une si grande nuée de témoins, nous devons rejeter tout fardeau et le péché qui nous assiège et courir avec constance l’épreuve qui nous est proposée, fixant nos yeux sur le chef de notre foi, qui la mène à la perfection, Jésus " (He 12, 1-2).
159. Foi et science. " Bien que la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais y avoir de vrai désaccord entre elles. Puisque le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi a fait descendre dans l’esprit humain la lumière de la raison, Dieu ne pourrait se nier lui-même ni le vrai contredire jamais le vrai " (Cc. Vatican I : DS 3017). " C’est pourquoi la recherche méthodique, dans tous les domaines du savoir, si elle est menée d’une manière vraiment scientifique et si elle suit les normes de la morale, ne sera jamais réellement opposée à la foi : les réalités profanes et celles de la foi trouvent leur origine dans le même Dieu. Bien plus, celui qui s’efforce, avec persévérance et humilité, de pénétrer les secrets des choses, celui-là, même s’il n’en a pas conscience, est comme conduit par la main de Dieu, qui soutient tous les êtres et les fait ce qu’ils sont " (GS 36, § 2).
166. La foi est un acte personnel : la réponse libre de l’homme à l’initiative de Dieu qui se révèle. Mais la foi n’est pas un acte isolé. Nul ne peut croire seul, comme nul ne peut vivre seul. Nul ne s’est donné la foi à lui-même comme nul ne s’est donné la vie à lui-même. Le croyant a reçu la foi d’autrui, il doit la transmettre à autrui. Notre amour pour Jésus et pour les hommes nous pousse à parler à autrui de notre foi. Chaque croyant est ainsi comme un maillon dans la grande chaîne des croyants. Je ne peux croire sans être porté par la foi des autres, et par ma foi, je contribue à porter la foi des autres.
167. " Je crois " (Symbole des Apôtres) : c’est la foi de l’Église professée personnellement par chaque croyant, principalement lors du baptême. " Nous croyons " (Symbole de Nicée-Constantinople, dans l’original grec) : c’est la foi de l’Église confessée par les évêques assemblés en Concile ou, plus généralement, par l’assemblée liturgique des croyants. " Je crois " : c’est aussi l’Église, notre Mère, qui répond à Dieu par sa foi et qui nous apprend à dire : " Je crois ", " Nous croyons ".
168. I. " Regarde, Seigneur, la foi de ton Église "
C’est d’abord l’Église qui croit, et qui ainsi porte, nourrit et soutient ma foi. C’est d’abord l’Église qui, partout, confesse le Seigneur (" C’est toi que par tout l’univers la Sainte Église proclame son Seigneur ", chantons-nous dans le " Te Deum "), et avec elle et en elle, nous sommes entraînés et amenés à confesser, nous aussi : " Je crois ", " Nous croyons ". C’est par l’Église que nous recevons la foi et la vie nouvelle dans le Christ par le baptême. Dans le " Rituale Romanum ", le ministre du baptême demande au catéchumène : " Que demandes-tu à l’Église de Dieu ? " Et la réponse : " La foi ". " Que te donne la foi ? " " La vie éternelle " (OICA 75 et 247).
169. Le salut vient de Dieu seul ; mais parce que nous recevons la vie de la foi à travers l’Église, celle-ci est notre mère : " Nous croyons l’Église comme la mère de notre nouvelle naissance, et non pas en l’Église comme si elle était l’auteur de notre salut " (Faustus de Riez, Spir. 1, 2 : CSEL 21, 104). Parce qu’elle est notre mère, elle est aussi l’éducatrice de notre foi.
170. Nous ne croyons pas en des formules, mais dans les réalités qu’elles expriment et que la foi nous permet de " toucher ". " L’acte (de foi) du croyant ne s’arrête pas à l’énoncé, mais à la réalité (énoncée) " (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 1, 2, ad 2). Cependant, ces réalités, nous les approchons à l’aide des formulations de la foi. Celles-ci permettent d’exprimer et de transmettre la foi, de la célébrer en communauté, de l’assimiler et d’en vivre de plus en plus.
171. L’Église qui est " la colonne et le soutien de la vérité " (1 Tm 3, 15), garde fidèlement " la foi transmise aux saints une fois pour toutes " (Jude 3). C’est elle qui garde la mémoire des Paroles du Christ, c’est elle qui transmet de génération en génération la confession de foi des apôtres. Comme une mère qui apprend à ses enfants à parler, et par là même à comprendre et à communiquer, l’Église, notre Mère, nous apprend le langage de la foi pour nous introduire dans l’intelligence et la vie de la foi.
172. Depuis des siècles, à travers tant de langues, cultures, peuples et nations, l’Église ne cesse de confesser sa foi unique, reçue d’un seul Seigneur, transmise par un seul baptême, enracinée dans la conviction que tous les hommes n’ont qu’un seul Dieu et Père (cf. Ep 4, 4-6). S. Irénée de Lyon, témoin de cette foi, déclare :
173. " En effet, l’Église, bien que dispersée dans le monde entier jusqu’aux extrémités de la terre, ayant reçu des apôtres et de leurs disciples la foi (...) garde [cette prédication et cette foi] avec soin, comme n’habitant qu’une seule maison, elle y croit d’une manière identique, comme n’ayant qu’une seule âme et qu’un seul cœur, et elle les prêche, les enseigne et les transmet d’une voix unanime, comme ne possédant qu’une seule bouche " (hær. 1, 10, 1-2).
174. " Car, si les langues diffèrent à travers le monde, le contenu de la Tradition est un et identique. Et ni les Églises établies en Germanie n’ont d’autre foi ou d’autre Tradition, ni celles qui sont chez les Ibères, ni celles qui sont chez les Celtes, ni celles de l’Orient, de l’Égypte, de la Libye, ni celles qui sont établies au centre du monde... " (ibid. 1, 10, 1-2) " Le message de l’Église est donc véridique et solide, puisque c’est chez elle qu’un seul chemin de salut apparaît à travers le monde entier " (ibid., 5, 20, 1).
175. " Cette foi que nous avons reçue de l’Église, nous la gardons avec soin, car sans cesse, sous l’action de l’Esprit de Dieu, telle un dépôt de grand prix renfermé dans un vase excellent, elle rajeunit et fait rajeunir le vase même qui la contient " (ibid., 3, 24, 1).
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