1067. Deuxième Partie : La célébration du mystère chrétien
Dans le Symbole de la foi, l’Église confesse le mystère de la Trinité Sainte et son " dessein bienveillant " (Ep 1, 9) sur toute la création : le Père accomplit le " mystère de sa volonté " en donnant son Fils Bien-aimé et son Esprit Saint pour le salut du monde et pour la gloire de son Nom. Tel est le Mystère du Christ (cf. Ep 3, 4), révélé et réalisé dans l’histoire selon un plan, une " disposition " sagement ordonnée que S. Paul appelle " l’Économie du Mystère " (Ep 3, 9) et que la tradition patristique appellera " l’Économie du Verbe incarné " ou " l’Économie du salut ".
" Cette œuvre de la rédemption des hommes et de la parfaite glorification de Dieu, à quoi avaient préludé les grandes œuvres divines dans le peuple de l’Ancien Testament, le Christ Seigneur l’a accomplie principalement par le mystère pascal de sa bienheureuse passion, de sa résurrection du séjour des morts et de sa glorieuse ascension ; mystère pascal par lequel ‘en mourant il a détruit notre mort, et en ressuscitant il a restauré la vie’. Car c’est du côté du Christ endormi sur la croix qu’est né ‘l’admirable sacrement de l’Église tout entière’ " (SC 5). C’est pourquoi, dans la Liturgie, l’Église célèbre principalement le Mystère pascal par lequel le Christ a accompli l’œuvre de notre salut.
1068. C’est ce Mystère du Christ que l’Église annonce et célèbre dans sa Liturgie, afin que les fidèles en vivent et en témoignent dans le monde :
En effet, la liturgie, par laquelle, surtout dans le divin sacrifice de l’Eucharistie, " s’exerce l’œuvre de notre rédemption ", contribue au plus haut point à ce que les fidèles, par leur vie, expriment et manifestent aux autres le Mystère du Christ et la nature authentique de la véritable Église (SC 2).
1069. Le mot " Liturgie " signifie originellement " œuvre publique ", " service de la part de/et en faveur du peuple ". Dans la tradition chrétienne il veut signifier que le Peuple de Dieu prend part à " l’œuvre de Dieu " (cf. Jn 17, 4). Par la Liturgie le Christ, notre Rédempteur et Grand Prêtre, continue dans son Église, avec elle et par elle, l’œuvre de notre rédemption :
1070. Le mot " Liturgie " dans le Nouveau Testament est employé pour désigner non seulement la célébration du culte divin (cf. Ac 13, 2 ; Lc 1, 23), mais aussi l’annonce de l’Évangile (cf. Rm 15, 16 ; Ph 2, 14-17 et 2, 30) et la charité en acte (cf. Rm 15, 27 ; 2 Co 9, 12 ; Ph 2, 25). Dans toutes ces situations, il s’agit du service de Dieu et des hommes. Dans la célébration liturgique, l’Église est servante, à l’image de son Seigneur, l’unique " Liturge " (cf. He 8, 2 et 6), participant à son sacerdoce (culte) prophétique (annonce) et royale (service de charité) :
C’est donc à juste titre que la liturgie est considérée comme l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus-Christ, exercice dans lequel la sanctification de l’homme est signifiée par des signes sensibles et est réalisée d’une manière propre à chacun d’eux, dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus-Christ, c’est-à-dire par le Chef et par ses membres. Par suite, toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église, est l’action sacrée par excellence dont nulle autre action de l’Église ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré (SC 7).
1071. La Liturgie comme source de Vie
Œuvre du Christ, la Liturgie est aussi une action de son Église. Elle réalise et manifeste l’Église comme signe visible de la Communion de Dieu et des hommes par le Christ. Elle engage les fidèles dans la Vie nouvelle de la communauté. Elle implique une participation " consciente, active et fructueuse " de tous (SC 11).
1072. " La Liturgie n’épuise pas tout l’agir ecclésial " (SC 9) : elle doit être précédée par l’évangélisation, la foi et la conversion ; elle peut alors porter ses fruits dans la vie des fidèles : la Vie nouvelle selon l’Esprit, l’engagement dans la mission de l’Église et le service de son Unité.
1073. La Liturgie est aussi participation à la prière du Christ, adressée au Père dans l’Esprit Saint. En elle toute prière chrétienne trouve sa source et son terme. Par la Liturgie, l’homme intérieur est enraciné et fondé (cf. Ep 3, 16-17) dans " le grand amour dont le Père nous a aimés " (Ep 2, 4) dans son Fils Bien-aimé. C’est la même " merveille de Dieu " qui est vécu et intériorisé par toute prière, " en tout temps, dans l’Esprit " (Ep 6, 18).
1074. " La Liturgie est le sommet auquel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa vigueur " (SC 10). Elle est donc le lieu privilégié de la catéchèse du Peuple de Dieu. " La catéchèse est intrinsèquement reliée à toute l’action liturgique et sacramentelle, car c’est dans les Sacrements, et surtout dans l’Eucharistie, que le Christ Jésus agit en plénitude pour la transformation des hommes " (Jean-Paul II, CT 23).
1075. La catéchèse liturgique vise à introduire dans le Mystère du Christ (elle est " mystagogie "), en procédant du visible à l’invisible, du signifiant au signifié, des " sacrements " aux " mystères ". Une telle catéchèse est du ressort des catéchismes locaux et régionaux. Le présent catéchisme, qui se veut au service de toute l’Église, dans la diversité de ses rites et de ses cultures (cf. SC 3-4), présentera ce qui est fondamental et commun à toute l’Église concernant la Liturgie comme mystère et comme célébration (première Section) puis les sept sacrements et les sacramentaux (deuxième Section).
1076. Le jour de la Pentecôte, par l’effusion de l’Esprit Saint, l’Église est manifestée au monde (cf. SC 6 ; LG 2). Le don de l’Esprit inaugure un temps nouveau dans la " dispensation du Mystère " : le temps de l’Église, durant lequel le Christ manifeste, rend présent et communique son œuvre de salut par la Liturgie de Son Église, " jusqu’à ce qu’Il vienne " (1 Co 11, 26). Durant ce temps de l’Église, le Christ vit et agit désormais dans Son Église et avec elle d’une manière nouvelle, propre à ce temps nouveau. Il agit par les Sacrements ; c’est cela que la Tradition commune de l’Orient et de l’Occident appelle " l’Économie sacramentelle " ; celle-ci consiste en la communication (ou " dispensation ") des fruits du Mystère pascal du Christ dans la célébration de la liturgie " sacramentelle " de l’Église.
C’est pourquoi il importe de mettre d’abord en lumière cette " dispensation sacramentelle " (Chapitre premier). Ainsi apparaîtront plus clairement la nature et les aspects essentiels de la célébration liturgique (Chapitre deuxième).
1077. Le mystère pascal dans le temps de ÉGLISE
La Liturgie – œuvre de la Sainte Trinité
I. Le Père, Source et Fin de la Liturgie
" Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux Cieux, dans le Christ. C’est ainsi qu’il nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, déterminant d’avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus-Christ. Tel fut le bon plaisir de sa volonté, à la louange de gloire de sa grâce, dont Il nous a gratifiés dans le Bien-aimé " (Ep 1, 3-6).
1078. Bénir est une action divine qui donne la vie et dont le Père est la source. Sa bénédiction est à la fois parole et don (bene-dictio, eu-logia). Appliquée à l’homme, ce terme signifiera l’adoration et la remise à son Créateur dans l’action de grâce.
1079. Du commencement jusqu’à la consommation des temps, toute l’œuvre de Dieu est bénédiction. Du poème liturgique de la première création aux cantiques de la Jérusalem céleste, les auteurs inspirés annoncent le Dessein du salut comme une immense bénédiction divine.
1080. Dès le commencement, Dieu bénit les êtres vivants, spécialement l’homme et la femme. L’alliance avec Noé et avec tous les êtres animés renouvelle cette bénédiction de fécondité, malgré le péché de l’homme par lequel le sol est " maudit ". Mais c’est à partir d’Abraham que la bénédiction divine pénètre l’histoire des hommes, qui allait vers la mort, pour la faire remonter à la vie, à sa source : par la foi du " père des croyants " qui accueille la bénédiction est inaugurée l’histoire du salut.
1081. Les bénédictions divines se manifestent en événements étonnants et sauveurs : la naissance d’Isaac, la sortie d’Égypte (Pâque et Exode), le don de la Terre promise, l’élection de David, la Présence de Dieu dans le temple, l’exil purificateur et le retour d’un " petit Reste ". La Loi, les Prophètes et les Psaumes qui tissent la liturgie du Peuple élu, à la fois rappellent ces bénédictions divines et y répondent par les bénédictions de louange et d’action de grâce.
1082. Dans la liturgie de l’Église, la bénédiction divine est pleinement révélée et communiquée : le Père est reconnu et adoré comme la Source et la Fin de toutes les bénédictions de la création et du salut ; dans Son Verbe, incarné, mort et ressuscité pour nous, il nous comble de Ses bénédictions, et par Lui il répand en nos cœurs le Don qui contient tous les dons : l’Esprit Saint.
1083. On comprend alors la double dimension de la Liturgie chrétienne comme réponse de foi et d’amour aux " bénédictions spirituelles " dont le Père nous gratifie. D’une part, l’Église, unie à son Seigneur et " sous l’action de l’Esprit Saint " (Lc 10, 21), bénit le Père " pour son Don ineffable " (2 Co 9, 15) par l’adoration, la louange et l’action de grâces. D’autre part, et jusqu’à la consommation du Dessein de Dieu, l’Église ne cesse d’offrir au Père " l’offrande de ses propres dons " et de l’implorer d’envoyer l’Esprit Saint sur celle-ci, sur elle-même, sur les fidèles et sur le monde entier, afin que par la communion à la mort et à la résurrection du Christ-Prêtre et par la puissance de l’Esprit, ces bénédictions divines portent des fruits de vie " à la louange de gloire de sa grâce " (Ep 1, 6).
1084. II. L’œuvre du Christ dans la liturgie
" Assis à la droite du Père " et répandant l’Esprit Saint en son Corps qui est l’Église, le Christ agit désormais par les sacrements, institués par Lui pour communiquer sa grâce. Les sacrements sont des signes sensibles (paroles et actions), accessibles à notre humanité actuelle. Ils réalisent efficacement la grâce qu’ils signifient en vertu de l’action du Christ et par la puissance de l’Esprit Saint.
1085. Dans la Liturgie de l’Église le Christ signifie et réalise principalement son Mystère pascal. Durant sa vie terrestre, Jésus annonçait par son enseignement et anticipait par ses actes son Mystère pascal. Quand son Heure est venue (cf. Jn 13, 1 ; 17, 1), il vit l’unique événement de l’histoire qui ne passe pas : Jésus meurt, est enseveli, ressuscite d’entre les morts et est assis à la droite du Père " une fois pour toutes " (Rm 6, 10 ; He 7, 27 ; 9, 12). C’est un événement réel, advenu dans notre histoire, mais il est unique : tous les autres événements de l’histoire arrivent une fois, puis ils passent, engloutis dans le passé. Le Mystère pascal du Christ, par contre, ne peut pas rester seulement dans le passé, puisque par sa Mort il a détruit la mort, et que tout ce que le Christ est, et tout ce qu’Il a fait et souffert pour tous les hommes, participe de l’éternité divine et surplombe ainsi tous les temps et y est rendu présent. L’Événement de la Croix et de la Résurrection demeure et attire tout vers la Vie.
1086. ... dès l’Église des Apôtres ...
" De même que le Christ fut envoyé par le Père, ainsi lui-même envoya ses apôtres, remplis de l’Esprit Saint, non seulement pour que, prêchant l’Évangile à toute créature, ils annoncent que le Fils de Dieu, par sa mort et par sa résurrection, nous a délivrés du pouvoir de Satan ainsi que de la mort, et nous a transférés dans le Royaume de son Père, mais aussi afin qu’ils exercent cette œuvre de salut qu’ils annonçaient, par le Sacrifice et les sacrements autour desquels gravite toute la vie liturgique " (SC 6).
1087. Ainsi, le Christ ressuscité, en donnant l’Esprit Saint aux Apôtres, leur confie son pouvoir de sanctification (cf. Jn 20, 21-23) : ils deviennent signes sacramentels du Christ. Par la puissance du même Esprit Saint, ils confient ce pouvoir à leurs successeurs. Cette " succession apostolique " structure toute la vie liturgique de l’Église ; elle est elle-même sacramentelle, transmise par le sacrement de l’Ordre.
1088. ... est présent dans la Liturgie terrestre ...
" Pour l’accomplissement d’une si grande œuvre " – la dispensation ou communication de son œuvre de salut, – " le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le Sacrifice de la Messe, et dans la personne du ministre, ‘le même offrant maintenant par le ministère des prêtres qui s’offrit alors Lui-même sur la Croix’ et, au plus haut point, sous les espèces eucharistiques. Il est là présent par sa vertu dans les sacrements, au point que lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ Lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car c’est Lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les Saintes Écritures. Enfin il est là présent lorsque l’Église prie et chante les psaumes, Lui qui a promis : ‘Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux’ (Mt 18, 20) " (SC 7).
1089. " Pour l’accomplissement de cette grande œuvre par laquelle Dieu est parfaitement glorifié et les hommes sanctifiés, le Christ s’associe toujours l’Église, Son Épouse bien-aimée, qui L’invoque comme son Seigneur et qui passe par Lui pour rendre son culte au Père Éternel " (SC 7).
1090. ... qui participe à la Liturgie céleste
" Dans la liturgie terrestre nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem à laquelle nous tendons comme des voyageurs, où le Christ siège à la droite de Dieu, comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle ; avec toute l’armée de la milice céleste, nous chantons au Seigneur l’hymne de gloire ; en vénérant la mémoire des saints, nous espérons partager leur société ; nous attendons comme Sauveur notre Seigneur Jésus Christ, jusqu’à ce que lui-même se manifeste, lui qui est notre vie, et alors nous serons manifestés avec lui dans la gloire " (SC 8 ; cf. LG 50).
1091. III. L’Esprit Saint et l’Église dans la liturgie
Dans la Liturgie l’Esprit Saint est le pédagogue de la foi du Peuple de Dieu, l’artisan des " chefs-d’œuvre de Dieu " que sont les sacrements de la Nouvelle Alliance. Le désir et l’œuvre de l’Esprit au cœur de l’Église est que nous vivions de la vie du Christ ressuscité. Quand il rencontre en nous la réponse de foi qu’il a suscitée, il se réalise une véritable coopération. Par elle, la Liturgie devient l’œuvre commune de l’Esprit Saint et de l’Église.
1092. Dans cette dispensation sacramentelle du mystère du Christ, l’Esprit Saint agit de la même manière que dans les autres temps de l’Économie du salut : il prépare l’Église à rencontrer son Seigneur ; il rappelle et manifeste le Christ à la foi de l’assemblée ; il rend présent et actualise le mystère du Christ par sa puissance transformante ; enfin, l’Esprit de Communion unit l’Église à la vie et à la mission du Christ.
1093. L’Esprit Saint prépare à accueillir le Christ
L’Esprit Saint accomplit dans l’Économie sacramentelle les figures de l’Ancienne Alliance. Puisque l’Église du Christ était " admirablement préparée dans l’histoire du peuple d’Israël et dans l’Ancienne Alliance " (LG 2), la Liturgie de l’Église garde comme une partie intégrante et irremplaçable, en les faisant siens, des éléments du culte de l’Ancienne Alliance :
– principalement la lecture de l’Ancien Testament ;
– et surtout la mémoire des événements sauveurs et des réalités significatives qui ont trouvé leur accomplissement dans le mystère du Christ (la Promesse et l’Alliance, l’Exode et la Pâque, le Royaume et le Temple, l’Exil et le Retour).
1094. C’est sur cette harmonie des deux Testaments (cf. DV 14-16) que s’articule la catéchèse pascale du Seigneur (cf. Lc 24, 13-49), puis celle des Apôtres et des Pères de l’Église. Cette catéchèse dévoile ce qui demeurait caché sous la lettre de l’Ancien Testament : le mystère du Christ. Elle est appelée " typologique " parce qu’elle révèle la nouveauté du Christ à partir des " figures " (types) qui l’annonçaient dans les faits, les paroles, et les symboles de la première Alliance. Par cette relecture dans l’Esprit de Vérité à partir du Christ, les figures sont dévoilés (cf. 2 Co 3, 14-16). Ainsi, le déluge et l’arche de Noé préfiguraient le salut par le Baptême (cf. 1 P 3, 21), la Nuée et la traversée de la Mer Rouge également, et l’eau du rocher était la figure des dons spirituels du Christ (cf. 1 Co 10, 1-6) ; la manne au désert préfigurait l’Eucharistie, " le vrai Pain du Ciel " (Jn 6, 48).
1095. C’est pourquoi l’Église, spécialement lors des temps de l’Avent, du Carême et surtout dans la nuit de Pâques, relit et revit tous ces grands événements de l’histoire du salut dans l’" aujourd’hui " de sa Liturgie. Mais cela exige aussi que la catéchèse aide les fidèles à s’ouvrir à cette intelligence " spirituelle " de l’Économie du salut, telle que la Liturgie de l’Église la manifeste et nous la fait vivre.
1096. Liturgie juive et liturgie chrétienne. Une meilleure connaissance de la foi et de la vie religieuse du peuple juif, telles qu’elles sont professées et vécues encore maintenant, peut aider à mieux comprendre certains aspects de la liturgie chrétienne. Pour les juifs et pour les chrétiens l’Écriture Sainte est une part essentielle de leurs liturgies : pour la proclamation de la Parole de Dieu, la réponse à cette Parole, la prière de louange et d’intercession pour les vivants et les morts, le recours à la miséricorde divine. La liturgie de la Parole, dans sa structure propre, trouve son origine dans la prière juive. La prière des Heures et autres textes et formulaires liturgiques y ont leurs parallèles, ainsi que les formules mêmes de nos prières les plus vénérables, dont le Pater. Les prières eucharistiques s’inspirent aussi de modèles de la tradition juive. Le rapport entre liturgie juive et liturgie chrétienne, mais aussi la différence de leurs contenus, sont particulièrement visibles dans les grandes fêtes de l’année liturgique, comme la Pâque. Les chrétiens et les juifs célèbrent la Pâque : Pâque de l’histoire, tendue vers l’avenir chez les juifs ; Pâque accomplie dans la mort et la résurrection du Christ chez les chrétiens, bien que toujours en attente de la consommation définitive.
1097. Dans la Liturgie de la Nouvelle Alliance, toute action liturgique, spécialement la célébration de l’Eucharistie et des sacrements, est une rencontre entre le Christ et l’Église. L’assemblée liturgique tient son unité de la " Communion de l’Esprit Saint " qui rassemble les enfants de Dieu dans l’unique Corps du Christ. Elle dépasse les affinités humaines, raciales, culturelles et sociales.
1098. L’Assemblée doit se préparer à rencontrer son Seigneur, être " un peuple bien disposé ". Cette préparation des cœurs est l’œuvre commune de l’Esprit Saint et de l’Assemblée, en particulier de ses ministres. La grâce de l’Esprit Saint cherche à éveiller la foi, la conversion du cœur et l’adhésion à la volonté du Père. Ces dispositions sont présupposées à l’accueil des autres grâces offertes dans la célébration elle-même et aux fruits de Vie nouvelle qu’elle est destinée à produire ensuite.
1099. L’Esprit Saint rappelle le Mystère du Christ
L’Esprit et l’Église coopèrent à manifester le Christ et son œuvre de salut dans la Liturgie. Principalement dans l’Eucharistie, et analogiquement dans les autres sacrements, la Liturgie est Mémorial du Mystère du salut. L’Esprit Saint est la mémoire vivante de l’Église (cf. Jn 14, 26).
1100. La Parole de Dieu. L’Esprit Saint rappelle d’abord à l’assemblée liturgique le sens de l’événement du salut en donnant vie à la Parole de Dieu qui est annoncée pour être reçue et vécue :
Dans la célébration de la liturgie, la sainte Écriture a une importance extrême. C’est d’elle que sont tirés les textes que l’on lit et que l’homélie explique, ainsi que les psaumes que l’on chante ; c’est sous son inspiration et dans son élan que les prières, les oraisons et les hymnes liturgiques ont jailli, et c’est d’elle aussi que les actions et les symboles reçoivent leur signification (SC 24).
1101. C’est l’Esprit Saint qui donne aux lecteurs et aux auditeurs selon les dispositions de leurs cœurs, l’intelligence spirituelle de la Parole de Dieu. A travers les paroles, les actions et les symboles qui forment la trame d’une célébration, Il met les fidèles et les ministres en relation vivante avec le Christ, Parole et Image du Père, afin qu’ils puissent faire passer dans leur vie le sens de ce qu’ils entendent, contemplent et font dans la célébration.
1102. " C’est la Parole du salut qui nourrit la foi dans le cœur des chrétiens : c’est elle qui donne naissance et croissance à la communion des chrétiens " (PO 4). L’annonce de la Parole de Dieu ne s’arrête pas à un enseignement : elle appelle la réponse de foi, comme consentement et engagement, en vue de l’Alliance entre Dieu et son peuple. C’est encore l’Esprit Saint qui donne la grâce de la foi, la fortifie et la fait croître dans la communauté. L’assemblée liturgique est d’abord Communion dans la foi.
1103. L’Anamnèse. La célébration liturgique se réfère toujours aux interventions salvifiques de Dieu dans l’histoire. " L’Économie de la révélation se fait par des actions et des paroles, étroitement liées entre elles... Les paroles proclament les œuvres et font découvrir le mystère qui s’y trouve contenu " (DV 2). Dans la Liturgie de la Parole l’Esprit Saint " rappelle " à l’Assemblée tout ce que le Christ a fait pour nous. Selon la nature des actions liturgiques et les traditions rituelles des Églises, une célébration " fait mémoire " des merveilles de Dieu dans une Anamnèse plus ou moins développée. L’Esprit Saint, qui éveille ainsi la mémoire de l’Église, suscite alors l’action de grâces et la louange (Doxologie).
1104. L’Esprit Saint actualise le Mystère du Christ
La Liturgie chrétienne non seulement rappelle les événements qui nous ont sauvés, elle les actualise, les rend présents. Le Mystère pascal du Christ est célébré, il n’est pas répété ; ce sont les célébrations qui se répètent ; en chacune d’elle survient l’effusion de l’Esprit Saint qui actualise l’unique Mystère.
1105. L’Épiclèse (" invocation-sur ") est l’intercession en laquelle le prêtre supplie le Père d’envoyer l’Esprit Sanctificateur pour que les offrandes deviennent le corps et le sang du Christ et qu’en les recevant les fidèles deviennent eux-mêmes une vivante offrande à Dieu.
1106. Avec l’Anamnèse, l’Épiclèse est au cœur de chaque célébration sacramentelle, plus particulièrement de l’Eucharistie :
Tu demandes comment le pain devient Corps du Christ, et le vin ... Sang du Christ ? Moi, je te dis : le Saint-Esprit fait irruption et accomplit cela qui surpasse toute parole et toute pensée... Qu’il te suffise d’entendre que c’est par le Saint-Esprit, de même que c’est de la Sainte Vierge et par le Saint-Esprit que le Seigneur, par lui-même et en lui-même, assuma la chair (S. Jean Damascène, f. o. 4, 13 : PG 94, 1142A).
1107. La puissance transformante de l’Esprit Saint dans la Liturgie hâte la venue du Royaume et la consommation du mystère du salut. Dans l’attente et dans l’espérance il nous fait réellement anticiper la communion plénière de la Trinité Sainte. Envoyé par le Père qui exauce l’Épiclèse de l’Église, l’Esprit donne la vie à ceux qui l’accueillent, et constitue pour eux, dès maintenant, " les arrhes " de leur héritage (cf. Ep 1, 14 ; 2 Co 1, 22).
1108. Le terme de la mission de l’Esprit Saint dans toute action liturgique est de mettre en communion avec le Christ pour former son Corps. L’Esprit Saint est comme la sève de la Vigne du Père qui porte son fruit dans les sarments (cf. Jn 15, 1-17 ; Ga 5, 22). Dans la Liturgie se réalise la coopération la plus intime de l’Esprit Saint et de l’Église. Lui, l’Esprit de Communion, demeure indéfectiblement dans l’Église, et c’est pourquoi l’Église est le grand sacrement de la Communion divine qui rassemble les enfants de Dieu dispersés. Le fruit de l’Esprit dans la Liturgie est inséparablement Communion avec la Trinité Sainte et Communion fraternelle (cf. 1 Jn 1, 3-7).
1109. L’Épiclèse est aussi la prière pour le plein effet de la communion de l’assemblée au mystère du Christ. " La grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit " (2 Co 13, 13) doit demeurer toujours avec nous et porter des fruits au delà de la célébration eucharistique. L’Église prie donc le Père d’envoyer l’Esprit Saint pour qu’il fasse de la vie des fidèles une vivante offrande à Dieu par la transformation spirituelle à l’image du Christ, le souci de l’unité de l’Église et la participation à sa mission par le témoignage et le service de la charité.
1113. Le Mystère Pascal dans les Sacrements de ÉGLISE
Toute la vie liturgique de l’Église gravite autour du Sacrifice eucharistique et des sacrements (cf. SC 6). Il y a dans l’Église sept sacrements : le Baptême, la Confirmation ou Chrismation, l’Eucharistie, la Pénitence, l’Onction des malades, l’Ordre, le Mariage (cf. DS 860 ; 1310 ; 1601). Dans cet Article, il s’agit de ce qui est commun aux sept sacrements de l’Église, du point de vue doctrinal. Ce qui leur est commun sous l’aspect de la célébration sera exposé au Chapitre II, et ce qui est propre à chacun d’eux fera l’objet de la Section II.
1114. " Attachés à la doctrine des saintes Écritures, aux traditions apostoliques ... et au sentiment unanime des Pères ", nous professons que " les sacrements de la Loi nouvelle ont tous été institués par notre Seigneur Jésus-Christ " (DS 1600-1601).
1115. Les paroles et les actions de Jésus durant sa vie cachée et son ministère publique étaient déjà salvifiques. Elles anticipaient la puissance de son mystère pascal. Elles annonçaient et préparaient ce qu’il allait donner à l’Église lorsque tout serait accompli. Les mystères de la vie du Christ sont les fondements de ce que, désormais, par les ministres de son Église, le Christ dispense dans les sacrements, car " ce qui était visible en notre Sauveur est passé dans ses mystères " (S. Léon le Grand, serm. 74, 2 : PL 54, 398A).
1116. " Forces qui sortent " du Corps du Christ (cf. Lc 5, 17 ; 6, 19 ; 8, 46), toujours vivant et vivifiant, actions de l’Esprit Saint à l’œuvre dans son Corps qui est l’Église, les sacrements sont " les chefs-d’œuvre de Dieu " dans la nouvelle et éternelle Alliance.
1117. Par l’Esprit qui la conduit " dans la vérité tout entière " (Jn 16, 13), l’Église a reconnu peu à peu ce trésor reçu du Christ et en a précisé la " dispensation ", comme elle l’a fait pour le canon des saintes Écritures et la doctrine de la foi, en fidèle intendante des mystères de Dieu (cf. Mt 13, 52 ; 1 Co 4, 1). Ainsi, l’Église a discernée au cours des siècles que, parmi ses célébrations liturgiques il y en a sept qui sont, au sens propre du terme, des sacrements institués par le Seigneur
1118. Les sacrements sont " de l’Église " en ce double sens qu’ils sont " par elle " et " pour elle ". Ils sont " par l’Église " car celle-ci est le sacrement de l’action du Christ opérant en elle grâce à la mission de l’Esprit Saint. Et ils sont " pour l’Église ", ils sont ces " sacrements qui font l’Église " (S. Augustin, civ. 22, 17 ; cf. S. Thomas d’A., s. th. 3, 64, 2, ad 3), puisqu’ils manifestent et communiquent aux hommes, surtout dans l’Eucharistie, le Mystère de la Communion du Dieu Amour, Un en trois Personnes.
1119. Formant avec le Christ-Tête " comme une unique personne mystique " (Pie XII, enc. " Mystici Corporis "), l’Église agit dans les sacrements comme " communauté sacerdotale ", " organiquement structurée " (LG 11) : Par le Baptême et la Confirmation, le peuple sacerdotal est rendu apte à célébrer la Liturgie ; d’autre part, certains fidèles, " revêtus d’un Ordre sacré, sont établis au nom du Christ pour paître l’Église par la parole et la grâce de Dieu " (LG 11).
1120. Le ministère ordonné ou sacerdoce ministériel (LG 10) est au service du sacerdoce baptismal . Il garantit que, dans les sacrements, c’est bien le Christ qui agit par l’Esprit Saint pour l’Église. La mission de salut confiée par le Père à son Fils incarné est confiée aux Apôtres et par eux à leurs successeurs : ils reçoivent l’Esprit de Jésus pour agir en son nom et en sa personne (cf. Jn 20, 21-23 ; Lc 24, 47 ; Mt 28, 18-20). Ainsi, le ministre ordonné est le lien sacramentel qui relie l’action liturgique à ce qu’ont dit et fait les Apôtres, et, par eux, à ce qu’a dit et fait le Christ, source et fondement des sacrements.
1121. Les trois sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Ordre confèrent, en plus de la grâce, un caractère sacramentel ou " sceau " par lequel le chrétien participe au sacerdoce du Christ et fait partie de l’Église selon des états et des fonctions diverses. Cette configuration au Christ et à l’Église, réalisé par l’Esprit, est indélébile (Cc. Trente : DS 1609), elle demeure pour toujours dans le chrétien comme disposition positive pour la grâce, comme promesse et garantie de la protection divine et comme vocation au culte divin et au service de l’Église. Ces sacrements ne peuvent donc jamais être réitérés.
1122. Le Christ a envoyé ses Apôtres afin que " en son Nom, ils proclament à toutes les nations la conversion en vue de la rémission des péchés " (Lc 24, 47). " De toutes les nations faîtes des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit " (Mt 28, 19). La mission de baptiser, donc la mission sacramentelle, est impliquée dans la mission d’évangéliser, parce que le sacrement est préparé par la Parole de Dieu et par la foi qui est consentement à cette Parole :
Le Peuple de Dieu est rassemblé d’abord par la Parole du Dieu vivant... La proclamation de la Parole est indispensable au ministère sacramentel, puisqu’il s’agit des sacrements de la foi et que celle-ci a besoin de la Parole pour naître et se nourrir (PO 4).
1123. " Les sacrements ont pour fin de sanctifier les hommes, d’édifier le Corps du Christ, enfin de rendre le culte à Dieu ; mais, à titre de signes, ils ont aussi un rôle d’enseignement. Non seulement ils supposent la foi, mais encore, par les paroles et par les choses, ils la nourrissent, ils la fortifient, ils l’expriment ; c’est pourquoi ils sont dits sacrements de la foi " (SC 59).
1124. La foi de l’Église est antérieure à la foi du fidèle, qui est invité à y adhérer. Quand l’Église célèbre les sacrements, elle confesse la foi reçue des Apôtres. De là, l’adage ancien : "Lex orandi, lex credendi " (ou : " Legem credendi lex statuat supplicandi ", selon Prosper d’Aquitaine, ep. 217 : PL 45, 1031) [Ve siècle]). La loi de la prière est la loi de la foi, l’Église croit comme elle prie. La Liturgie est un élément constituant de la sainte et vivante Tradition (cf. DV 8).
1125. C’est pourquoi aucun rite sacramentel ne peut être modifié ou manipulé au gré du ministre ou de la communauté. Même l’autorité suprême dans l’Église ne peut changer la liturgie à son gré, mais seulement dans l’obéissance de la foi et dans le respect religieux du mystère de la liturgie.
1126. Par ailleurs, puisque les sacrements expriment et développent la Communion de foi dans l’Église, la lex orandi est l’un des critères essentiels du dialogue qui cherche à restaurer l’unité des chrétiens (cf. UR 2 et 15).
1127. Célébrés dignement dans la foi, les sacrements confèrent la grâce qu’ils signifient (cf. Cc. Trente : DS 1605 et 1606). Ils sont efficaces parce qu’en eux le Christ lui-même est à l’œuvre : c’est Lui qui baptise, c’est Lui qui agit dans ses sacrements afin de communiquer la grâce que le sacrement signifie. Le Père exauce toujours la prière de l’Église de son Fils qui, dans l’épiclèse de chaque sacrement, exprime sa foi en la puissance de l’Esprit. Comme le feu transforme en lui tout ce qu’il touche, l’Esprit Saint transforme en Vie divine ce qui est soumis à sa puissance.
1128. C’est là le sens de l’affirmation de l’Église (cf. Cc. Trente : DS 1608) : les sacrements agissent ex opere operato (littéralement : " par le fait même que l’action est accomplie "), c’est-à-dire en vertu de l’œuvre salvifique du Christ, accomplie une fois pour toutes. Il s’en suit que " le sacrement n’est pas réalisé par la justice de l’homme qui le donne ou le reçoit, mais par la puissance de Dieu " (S. Thomas d’A., s. th. 3, 68, 8). Dès lors qu’un sacrement est célébré conformément à l’intention de l’Église, la puissance du Christ et de son Esprit agit en lui et par lui, indépendamment de la sainteté personnelle du ministre. Cependant, les fruits des sacrements dépendent aussi des dispositions de celui qui les reçoit.
1129. L’Église affirme que pour les croyants les sacrements de la Nouvelle Alliance sont nécessaires au salut (cf. Cc. Trente : DS 1604). La " grâce sacramentelle " est la grâce de l’Esprit Saint donnée par le Christ et propre à chaque sacrement. L’Esprit guérit et transforme ceux qui le reçoivent en les conformant au Fils de Dieu. Le fruit de la vie sacramentelle, c’est que l’Esprit d’adoption déifie (cf. 2 P 1, 4) les fidèles en les unissant vitalement au Fils unique, le Sauveur.
1130. V. Les sacrements de la vie éternelle
L’Église célèbre le Mystère de son Seigneur " jusqu’à ce qu’il vienne " et que " Dieu soit tout en tous " (1 Co 11, 26 ; 15, 28). Dès l’âge apostolique la Liturgie est attirée vers son terme par le gémissement de l’Esprit dans l’Église : " Marana Tha ! " (1 Co 16, 22). La liturgie participe ainsi au désir de Jésus : " J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous (...) jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le Royaume de Dieu " (Lc 22, 15-16). Dans les sacrements du Christ, l’Église reçoit déjà les arrhes de son héritage, elle participe déjà à la vie éternelle, tout en " attendant la bienheureuse espérance et l’avènement de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, le Christ Jésus " (Tt 2, 13). " L’Esprit et l’Épouse disent : Viens ! ... Viens, Seigneur Jésus ! " (Ap 22, 17. 20).
S. Thomas résume ainsi les différentes dimensions du signe sacramentel : " Le sacrement est le signe qui remémore ce qui a précédé, à savoir la passion du Christ ; qui met en évidence ce qui s’opère en nous par la passion du Christ, à savoir la grâce ; qui pronostique, je veux dire qui annonce à l’avance la Gloire à venir " (S. th. 3, 60, 3).
1131. Les sacrements sont des signes efficaces de la grâce, institués par le Christ et confiées à l’Église, par lesquelles la vie divine nous est dispensée. Les rites visibles sous lesquels les sacrements sont célébrés, signifient et réalisent les grâces propres de chaque sacrement. Ils portent fruit en ceux qui les reçoivent avec les dispositions requises.
1114. " Attachés à la doctrine des saintes Écritures, aux traditions apostoliques ... et au sentiment unanime des Pères ", nous professons que " les sacrements de la Loi nouvelle ont tous été institués par notre Seigneur Jésus-Christ " (DS 1600-1601).
1115. Les paroles et les actions de Jésus durant sa vie cachée et son ministère publique étaient déjà salvifiques. Elles anticipaient la puissance de son mystère pascal. Elles annonçaient et préparaient ce qu’il allait donner à l’Église lorsque tout serait accompli. Les mystères de la vie du Christ sont les fondements de ce que, désormais, par les ministres de son Église, le Christ dispense dans les sacrements, car " ce qui était visible en notre Sauveur est passé dans ses mystères " (S. Léon le Grand, serm. 74, 2 : PL 54, 398A).
1116. " Forces qui sortent " du Corps du Christ (cf. Lc 5, 17 ; 6, 19 ; 8, 46), toujours vivant et vivifiant, actions de l’Esprit Saint à l’œuvre dans son Corps qui est l’Église, les sacrements sont " les chefs-d’œuvre de Dieu " dans la nouvelle et éternelle Alliance.
1117. Par l’Esprit qui la conduit " dans la vérité tout entière " (Jn 16, 13), l’Église a reconnu peu à peu ce trésor reçu du Christ et en a précisé la " dispensation ", comme elle l’a fait pour le canon des saintes Écritures et la doctrine de la foi, en fidèle intendante des mystères de Dieu (cf. Mt 13, 52 ; 1 Co 4, 1). Ainsi, l’Église a discernée au cours des siècles que, parmi ses célébrations liturgiques il y en a sept qui sont, au sens propre du terme, des sacrements institués par le Seigneur
1118. Les sacrements sont " de l’Église " en ce double sens qu’ils sont " par elle " et " pour elle ". Ils sont " par l’Église " car celle-ci est le sacrement de l’action du Christ opérant en elle grâce à la mission de l’Esprit Saint. Et ils sont " pour l’Église ", ils sont ces " sacrements qui font l’Église " (S. Augustin, civ. 22, 17 ; cf. S. Thomas d’A., s. th. 3, 64, 2, ad 3), puisqu’ils manifestent et communiquent aux hommes, surtout dans l’Eucharistie, le Mystère de la Communion du Dieu Amour, Un en trois Personnes.
1119. Formant avec le Christ-Tête " comme une unique personne mystique " (Pie XII, enc. " Mystici Corporis "), l’Église agit dans les sacrements comme " communauté sacerdotale ", " organiquement structurée " (LG 11) : Par le Baptême et la Confirmation, le peuple sacerdotal est rendu apte à célébrer la Liturgie ; d’autre part, certains fidèles, " revêtus d’un Ordre sacré, sont établis au nom du Christ pour paître l’Église par la parole et la grâce de Dieu " (LG 11).
1121. Les trois sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Ordre confèrent, en plus de la grâce, un caractère sacramentel ou " sceau " par lequel le chrétien participe au sacerdoce du Christ et fait partie de l’Église selon des états et des fonctions diverses. Cette configuration au Christ et à l’Église, réalisé par l’Esprit, est indélébile (Cc. Trente : DS 1609), elle demeure pour toujours dans le chrétien comme disposition positive pour la grâce, comme promesse et garantie de la protection divine et comme vocation au culte divin et au service de l’Église. Ces sacrements ne peuvent donc jamais être réitérés.
1122. Le Christ a envoyé ses Apôtres afin que " en son Nom, ils proclament à toutes les nations la conversion en vue de la rémission des péchés " (Lc 24, 47). " De toutes les nations faîtes des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit " (Mt 28, 19). La mission de baptiser, donc la mission sacramentelle, est impliquée dans la mission d’évangéliser, parce que le sacrement est préparé par la Parole de Dieu et par la foi qui est consentement à cette Parole :
Le Peuple de Dieu est rassemblé d’abord par la Parole du Dieu vivant... La proclamation de la Parole est indispensable au ministère sacramentel, puisqu’il s’agit des sacrements de la foi et que celle-ci a besoin de la Parole pour naître et se nourrir (PO 4).
1123. " Les sacrements ont pour fin de sanctifier les hommes, d’édifier le Corps du Christ, enfin de rendre le culte à Dieu ; mais, à titre de signes, ils ont aussi un rôle d’enseignement. Non seulement ils supposent la foi, mais encore, par les paroles et par les choses, ils la nourrissent, ils la fortifient, ils l’expriment ; c’est pourquoi ils sont dits sacrements de la foi " (SC 59).
1124. La foi de l’Église est antérieure à la foi du fidèle, qui est invité à y adhérer. Quand l’Église célèbre les sacrements, elle confesse la foi reçue des Apôtres. De là, l’adage ancien : "Lex orandi, lex credendi " (ou : " Legem credendi lex statuat supplicandi ", selon Prosper d’Aquitaine, ep. 217 : PL 45, 1031) [Ve siècle]). La loi de la prière est la loi de la foi, l’Église croit comme elle prie. La Liturgie est un élément constituant de la sainte et vivante Tradition (cf. DV 8).
1125. C’est pourquoi aucun rite sacramentel ne peut être modifié ou manipulé au gré du ministre ou de la communauté. Même l’autorité suprême dans l’Église ne peut changer la liturgie à son gré, mais seulement dans l’obéissance de la foi et dans le respect religieux du mystère de la liturgie.
1126. Par ailleurs, puisque les sacrements expriment et développent la Communion de foi dans l’Église, la lex orandi est l’un des critères essentiels du dialogue qui cherche à restaurer l’unité des chrétiens (cf. UR 2 et 15).
1127. Célébrés dignement dans la foi, les sacrements confèrent la grâce qu’ils signifient (cf. Cc. Trente : DS 1605 et 1606). Ils sont efficaces parce qu’en eux le Christ lui-même est à l’œuvre : c’est Lui qui baptise, c’est Lui qui agit dans ses sacrements afin de communiquer la grâce que le sacrement signifie. Le Père exauce toujours la prière de l’Église de son Fils qui, dans l’épiclèse de chaque sacrement, exprime sa foi en la puissance de l’Esprit. Comme le feu transforme en lui tout ce qu’il touche, l’Esprit Saint transforme en Vie divine ce qui est soumis à sa puissance.
1128. C’est là le sens de l’affirmation de l’Église (cf. Cc. Trente : DS 1608) : les sacrements agissent ex opere operato (littéralement : " par le fait même que l’action est accomplie "), c’est-à-dire en vertu de l’œuvre salvifique du Christ, accomplie une fois pour toutes. Il s’en suit que " le sacrement n’est pas réalisé par la justice de l’homme qui le donne ou le reçoit, mais par la puissance de Dieu " (S. Thomas d’A., s. th. 3, 68, 8). Dès lors qu’un sacrement est célébré conformément à l’intention de l’Église, la puissance du Christ et de son Esprit agit en lui et par lui, indépendamment de la sainteté personnelle du ministre. Cependant, les fruits des sacrements dépendent aussi des dispositions de celui qui les reçoit.
1129. L’Église affirme que pour les croyants les sacrements de la Nouvelle Alliance sont nécessaires au salut (cf. Cc. Trente : DS 1604). La " grâce sacramentelle " est la grâce de l’Esprit Saint donnée par le Christ et propre à chaque sacrement. L’Esprit guérit et transforme ceux qui le reçoivent en les conformant au Fils de Dieu. Le fruit de la vie sacramentelle, c’est que l’Esprit d’adoption déifie (cf. 2 P 1, 4) les fidèles en les unissant vitalement au Fils unique, le Sauveur.
1129. L’Église affirme que pour les croyants les sacrements de la Nouvelle Alliance sont nécessaires au salut (cf. Cc. Trente : DS 1604). La " grâce sacramentelle " est la grâce de l’Esprit Saint donnée par le Christ et propre à chaque sacrement. L’Esprit guérit et transforme ceux qui le reçoivent en les conformant au Fils de Dieu. Le fruit de la vie sacramentelle, c’est que l’Esprit d’adoption déifie (cf. 2 P 1, 4) les fidèles en les unissant vitalement au Fils unique, le Sauveur.
2003. La grâce est d’abord et principalement le don de l’Esprit qui nous justifie et nous sanctifie. Mais la grâce comprend aussi les dons que l’Esprit nous accorde pour nous associer à son œuvre, pour nous rendre capables de collaborer au salut des autres et à la croissance du Corps du Christ, l’Église. Ce sont les grâces sacramentelles, dons propres aux différents sacrements. Ce sont en outre les grâces spéciales appelés aussi " charismes " suivant le terme grec employé par S. Paul, et qui signifie faveur, don gratuit, bienfait (cf. LG 12). Quel que soit leur caractère, parfois extraordinaire, comme le don des miracles ou des langues, les charismes sont ordonnés à la grâce sanctifiante, et ont pour but le bien commun de l’Église. Ils sont au service de la charité qui édifie l’Église (cf. 1 Co 12).
1130. V. Les sacrements de la vie éternelle
L’Église célèbre le Mystère de son Seigneur " jusqu’à ce qu’il vienne " et que " Dieu soit tout en tous " (1 Co 11, 26 ; 15, 28). Dès l’âge apostolique la Liturgie est attirée vers son terme par le gémissement de l’Esprit dans l’Église : " Marana Tha ! " (1 Co 16, 22). La liturgie participe ainsi au désir de Jésus : " J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous (...) jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le Royaume de Dieu " (Lc 22, 15-16). Dans les sacrements du Christ, l’Église reçoit déjà les arrhes de son héritage, elle participe déjà à la vie éternelle, tout en " attendant la bienheureuse espérance et l’avènement de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, le Christ Jésus " (Tt 2, 13). " L’Esprit et l’Épouse disent : Viens ! ... Viens, Seigneur Jésus ! " (Ap 22, 17. 20).
S. Thomas résume ainsi les différentes dimensions du signe sacramentel : " Le sacrement est le signe qui remémore ce qui a précédé, à savoir la passion du Christ ; qui met en évidence ce qui s’opère en nous par la passion du Christ, à savoir la grâce ; qui pronostique, je veux dire qui annonce à l’avance la Gloire à venir " (S. th. 3, 60, 3).
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