813. " Le mystère sacré de l’Unité de l’Église " (UR 2)
L’Église est une de par sa source : " De ce mystère, le modèle suprême et le principe est dans la trinité des personnes l’unité d’un seul Dieu Père, et Fils, en ‘l’Esprit Saint " (UR 2). L’Église est une de par son Fondateur : " Car le Fils incarné en personne a réconcilié tous les hommes avec Dieu par sa Croix, rétablissant l’unité de tous en un seul Peuple et un seul Corps " (GS 78, §3). L’Église est une de par son " âme " : " L’Esprit Saint qui habite dans les croyants, qui remplit et régit toute l’Église, réalise cette admirable communion des fidèles et les unit tous si intimement dans le Christ, qu’il est le principe de l’Unité de l’Église " (UR 2). Il est donc de l’essence même de l’Église d’être une :
Quel étonnant mystère ! Il y a un seul Père de l’univers, un seul Logos de l’univers et aussi un seul Esprit Saint, partout identique ; il y a aussi une seule vierge devenue mère, et j’aime l’appeler l’Église (S. Clément d’Alexandrie, pæd. 1, 6).
814. Dès l’origine, cette Église une se présente cependant avec une grande diversité qui provient à la fois de la variété des dons de Dieu et de la multiplicité des personnes qui les reçoivent. Dans l’unité du Peuple de Dieu se rassemblent les diversités des peuples et des cultures. Entre les membres de l’Église existe une diversité de dons, de charges, de conditions et de modes de vie ; " au sein de la communion de l’Église il existe légitimement des Églises particulières, jouissant de leurs traditions propres " (LG 13). La grande richesse de cette diversité ne s’oppose pas à l’unité de l’Église. Cependant, le péché et le poids de ses conséquences menacent sans cesse le don de l’unité. Aussi l’apôtre doit-il exhorter à " garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix " (Ep 4, 3).
815. Quels sont ces liens de l’unité ? " Par-dessus tout [c’est] la charité, qui est le lien de la perfection " (Col 3, 14). Mais l’unité de l’Église pérégrinante est assurée aussi par des liens visibles de communion :
– la profession d’une seule foi reçue des apôtres ;
– la célébration commune du culte divin, surtout des sacrements ;
– la succession apostolique par le sacrement de l’ordre, maintenant la concorde fraternelle de la famille de Dieu (cf. UR 2 ; LG 14 ; CIC, can. 205).
914. " L’état de vie constitué par la profession des conseils évangéliques, s’il ne concerne pas la structure hiérarchique de l’Église, appartient cependant sans conteste à sa vie et à sa sainteté " (LG 44).
915. Conseils évangéliques, vie consacrée
Les conseils évangéliques sont, dans leur multiplicité, proposés à tout disciple du Christ. La perfection de la charité à laquelle tous les fidèles sont appelés comporte pour ceux qui assument librement l’appel à la vie consacrée, l’obligation de pratiquer la chasteté dans le célibat pour le Royaume, la pauvreté et l’obéissance. C’est la profession de ces conseils dans un état de vie stable reconnu par l’Église, qui caractérise la " vie consacrée " à Dieu (cf. LG 42-43 ; PC 1).
916. L’état de la vie consacrée apparaît dès lors comme l’une des manières de connaître une consécration " plus intime ", qui s’enracine dans le Baptême et dédie totalement à Dieu (cf. PC 5). Dans la vie consacrée, les fidèles du Christ se proposent, sous la motion de l’Esprit Saint, de suivre le Christ de plus près, de se donner à Dieu aimé par-dessus tout et, poursuivant la perfection de la charité au service du Royaume, de signifier et d’annoncer dans l’Église la gloire du monde à venir (cf. CIC, can. 573).
946. Paragraphe 5. La communion des saints
Après avoir confessé " la sainte Église catholique ", le Symbole des apôtres ajoute " la communion des saints ". Cet article est, d’une certaine façon, une explicitation du précédent : " Qu’est-ce que l’Église sinon l’assemblée de tous les saints ? " (Nicétas, symb. 10 : PL 52, 871B). La communion des saints est précisément l’Église.
947. " Puisque tous les croyants forment un seul corps, le bien des uns est communiqué aux autres (...) Il faut de la sorte croire qu’il existe une communion des biens dans l’Église. Mais le membre le plus important est le Christ, puisqu’Il est la tête (...) Ainsi, le bien du Christ est communiqué à tous les membres, et cette communication se fait par les sacrements de l’Église " (S. Thomas d’A., symb. 13). " Comme cette Église est gouvernée par un seul et même Esprit, tous les biens qu’elle a reçus deviennent nécessairement un fonds commun " (Catech. R. 1, 10, 24).
948. Le terme " communion des saints " a dès lors deux significations, étroitement liées : " communion aux choses saintes, sancta " et " communion entre les personnes saintes, sancti ".
" Sancta sanctis ! (Ce qui est saint pour ceux qui sont saints) " est proclamé par le célébrant dans la plupart des liturgies orientales lors de l’élévation des saints Dons avant le service de la communion. Les fidèles (sancti) sont nourris du Corps et du Sang du Christ (sancta) afin de croître dans la communion de l’Esprit Saint (Koinônia) et de la communiquer au monde.
949. I. La communion des biens spirituels
Dans la communauté primitive de Jérusalem, les disciples " se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières " (Ac 2, 42) :
La communion dans la foi. La foi des fidèles est la foi de l’Église reçue des apôtres, trésor de vie qui s’enrichit en étant partagé.
950. La communion des sacrements. " Le fruit de tous les sacrements appartient à tous. Car les sacrements, et surtout le Baptême qui est comme la porte par laquelle les hommes entrent dans l’Église, sont autant de liens sacrés qui les unissent tous et les attachent à Jésus-Christ. La communion des saints, c’est la communion des sacrements (...). Le nom de communion peut s’appliquer à chacun d’eux, car chacun d’eux nous unit à Dieu (...). Mais ce nom convient mieux à l’Eucharistie qu’à tout autre, parce que c’est elle principalement qui consomme cette communion " (Catech. R. 1, 10, 24).
951. La communion des charismes : Dans la communion de l’Église, l’Esprit Saint " distribue aussi parmi les fidèles de tous ordres (...) les grâces spéciales " pour l’édification de l’Église (LG 12). Or, " à chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun " (1 Co 12, 7).
952. " Ils mettaient tout en commun " (Ac 4, 32) : " Tout ce que le vrai chrétien possède, il doit le regarder comme un bien qui lui est commun avec tous, et toujours il doit être prêt et empressé à venir au secours de l’indigent et de la misère du prochain " (Catech. R. 1, 10, 27). Le chrétien est un administrateur des biens du Seigneur (cf. Lc 16, 1. 3).
953. La communion de la charité : dans la sanctorum communio " nul d’entre nous ne vit pour soi-même, comme nul ne meurt pour soi-même " (Rm 14, 7). " Un membre souffre-t-il ? tous les membres souffrent avec lui. Un membre est-il à l’honneur ? tous les membres prennent part à sa joie. Or vous êtes le Corps du Christ, et membres chacun pour sa part " (1 Co 12, 26-27). " La charité ne cherche pas ce qui est à elle " (1 Co 13, 5 ; cf. 10, 24). Le moindre de nos actes fait dans la charité retentit au profit de tous, dans cette solidarité avec tous les hommes, vivants ou morts, qui se fonde sur la communion des saints. Tout péché nuit à cette communion.
1322. La Sainte Eucharistie achève l’initiation chrétienne. Ceux qui ont été élevés à la dignité du sacerdoce royal par le baptême et configurés plus profondément au Christ par la confirmation, ceux-là, par le moyen de l’Eucharistie, participent avec toute la communauté au sacrifice même du Seigneur.
1323. " Notre Sauveur, à la dernière Cène, la nuit où il était livré, institua le sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang pour perpétuer le sacrifice de la croix au long des siècles, jusqu’à ce qu’il vienne, et pour confier à l’Église, son Épouse bien-aimée, le mémorial de sa mort et de sa résurrection : sacrement de l’amour, signe de l’unité, lien de la charité, banquet pascal dans lequel le Christ est reçu en nourriture, l’âme est comblée de grâce et le gage de la gloire future nous est donné " (SC 47).
1789. Quelques règles s’appliquent dans tous les cas :
– Il n’est jamais permis de faire le mal pour qu’il en résulte un bien.
– La " règle d’or " : " Tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux " (Mt 7, 12 ; cf. Lc 6, 31 ; Tb 4, 15).
– La charité passe toujours par le respect du prochain et de sa conscience : " En parlant contre les frères et en blessant leur conscience ..., c’est contre le Christ que vous péchez " (1 Co 8, 12). " Ce qui est bien, c’est de s’abstenir... de tout ce qui fait buter ou tomber ou faiblir ton frère " (Rm 14, 21).
1813. Les vertus théologales fondent, animent et caractérisent l’agir moral du chrétien. Elles informent et vivifient toutes les vertus morales. Elles sont infusées par Dieu dans l’âme des fidèles pour les rendre capables d’agir comme ses enfants et de mériter la vie éternelle. Elles sont le gage de la présence et de l’action du Saint Esprit dans les facultés de l’être humain. Il y a trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité (cf. 1 Co 13, 13).
1817. L’espérance est la vertu théologale par laquelle nous désirons comme notre bonheur le Royaume des cieux et la Vie éternelle, en mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en prenant appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit. " Gardons indéfectible la confession de l’espérance, car celui qui a promis est fidèle " (He 10, 23). " Cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par la grâce du Christ, nous obtenions en espérance l’héritage de la vie éternelle " (Tt 3, 6-7).
1818. La vertu d’espérance répond à l’aspiration au bonheur placée par Dieu dans le cœur de tout homme ; elle assume les espoirs qui inspirent les activités des hommes ; elle les purifie pour les ordonner au Royaume des cieux ; elle protège du découragement ; elle soutient en tout délaissement ; elle dilate le cœur dans l’attente de la béatitude éternelle. L’élan de l’espérance préserve de l’égoïsme et conduit au bonheur de la charité.
1819. L’espérance chrétienne reprend et accomplit l’espérance du peuple élu qui trouve son origine et son modèle dans l’espérance d’Abraham comblé en Isaac des promesses de Dieu et purifié par l’épreuve du sacrifice (cf. Gn 17, 4-8 ; 22, 1-18). " Espérant contre toute espérance, il crut et devint ainsi père d’une multitude de peuples " (Rm 4, 18).
1820. L’espérance chrétienne se déploie dès le début de la prédication de Jésus dans l’annonce des béatitudes. Les béatitudes élèvent notre espérance vers le Ciel comme vers la nouvelle Terre promise ; elles en tracent le chemin à travers les épreuves qui attendent les disciples de Jésus. Mais par les mérites de Jésus Christ et de sa passion, Dieu nous garde dans " l’espérance qui ne déçoit pas " (Rm 5, 5). L’espérance est " l’ancre de l’âme ", sûre et ferme, " qui pénètre ... là où est entré pour nous, en précurseur, Jésus " (He 6, 19-20). Elle est aussi une arme qui nous protège dans le combat du salut : " Revêtons la cuirasse de la foi et de la charité, avec le casque de l’espérance du salut " (1 Th 5, 8). Elle nous procure la joie dans l’épreuve même : " avec la joie de l’espérance, constants dans la tribulation " (Rm 12, 12). Elle s’exprime et se nourrit dans la prière, tout particulièrement dans celle du Pater, résumé de tout ce que l’espérance nous fait désirer.
1821. Nous pouvons donc espérer la gloire du ciel promise par Dieu à ceux qui l’aiment (cf. Rm 8, 28-30) et font sa volonté (cf. Mt 7, 21). En toute circonstance, chacun doit espérer, avec la grâce de Dieu, " persévérer jusqu’à la fin " (cf. Mt 10, 22 ; cf. Cc. Trente : DS 1541) et obtenir la joie du ciel, comme l’éternelle récompense de Dieu pour les bonnes œuvres accomplies avec la grâce du Christ. Dans l’espérance l’Église prie que " tous les hommes soient sauvés " (1 Tm 2, 4). Elle aspire à être, dans la gloire du ciel, unie au Christ, son Epoux :
Espère, ô mon âme, espère. Tu ignores le jour et l’heure. Veille soigneusement, tout passe avec rapidité, quoique ton impatience rende douteux ce qui est certain, et long un temps bien court. Songe que plus tu combattras, plus tu prouveras l’amour que tu portes à ton Dieu, et plus tu te réjouiras un jour avec ton Bien-Aimé, dans un bonheur et un ravissement qui ne pourront jamais finir (Ste. Thérèse de Jésus, excl. 15, 3).
1886. II. La Conversion et la Société
La société est indispensable à la réalisation de la vocation humaine. Pour atteindre ce but il faut que soit respectée la juste hiérarchie des valeurs qui " subordonne les dimensions physiques et instinctives aux dimensions intérieures et spirituelles " (CA 36) :
La vie en société doit être considérée avant tout comme une réalité d’ordre spirituel. Elle est, en effet, échange de connaissances dans la lumière de la vérité, exercice de droits et accomplissement des devoirs, émulation dans la recherche du bien moral, communion dans la noble jouissance du beau en toutes ses expressions légitimes, disposition permanente à communiquer à autrui le meilleur de soi-même et aspiration commune à un constant enrichissement spirituel. Telles sont les valeurs qui doivent animer et orienter l’activité culturelle, la vie économique, l’organisation sociale, les mouvements et les régimes politiques, la législation et toutes les autres expressions de la vie sociale dans sa continuelle évolution (PT 35).
1887. L’inversion des moyens et des fins (cf. CA 41), qui aboutit à donner valeur de fin ultime à ce qui n’est que moyen d’y concourir, ou à considérer des personnes comme de purs moyens en vue d’un but, engendre des structures injustes qui " rendent ardue et pratiquement impossible une conduite chrétienne, conforme aux commandements du Divin Législateur " (Pie XII, discours 1er juin 1941).
1888. Il faut alors faire appel aux capacités spirituelles et morales de la personne et à l’exigence permanente de sa conversion intérieure, afin d’obtenir des changements sociaux qui soient réellement à son service. La priorité reconnue à la conversion du cœur n’élimine nullement, elle impose, au contraire, l’obligation d’apporter aux institutions et aux conditions de vie, quand elles provoquent le péché, les assainissements convenables pour qu’elles se conforment aux normes de la justice, et favorisent le bien au lieu d’y faire obstacle (cf. LG 36).
1889. Sans le secours de la grâce, les hommes ne sauraient " découvrir le sentier, souvent étroit, entre la lâcheté qui cède au mal et la violence qui, croyant le combattre, l’aggrave " (CA 25). C’est le chemin de la charité, c’est-à-dire de l’amour de Dieu et du prochain. La charité représente le plus grand commandement social. Elle respecte autrui et ses droits. Elle exige la pratique de la justice et seule nous en rend capables. Elle inspire une vie de don de soi : " Qui cherchera à conserver sa vie la perdra, et qui la perdra la sauvera " (Lc 17, 33).
1965. III. La Loi nouvelle ou Loi évangélique
La Loi nouvelle ou Loi évangélique est la perfection ici-bas de la loi divine, naturelle et révélée. Elle est l’œuvre du Christ et s’exprime particulièrement dans le Sermon sur la montagne. Elle est aussi l’œuvre de l’Esprit Saint et, par lui, elle devient la loi intérieure de la charité : " Je conclurai avec la maison d’Israël une alliance nouvelle ... Je mettrai mes lois dans leur pensée, je les graverai dans leur cœur, et je serai leur Dieu et ils seront mon peuple " (He 8, 8-10 ; cf. Jr 31, 31-34).
1966. La Loi nouvelle est la grâce du Saint-Esprit donnée aux fidèles par la foi au Christ. Elle opère par la charité, elle use du Sermon du Seigneur pour nous enseigner ce qu’il faut faire, et des sacrements pour nous communiquer la grâce de le faire :
Celui qui voudra méditer avec piété et perspicacité le Sermon que notre Seigneur a prononcé sur la montagne, tel que nous le lisons dans l’Evangile de Saint Matthieu, y trouvera, sans aucun doute, la charte parfaite de la vie chrétienne ... Ce Sermon contient tous les préceptes propres à guider la vie chrétienne (S. Augustin, serm. Dom. 1, 1 : PL 34, 1229-1231).
1967. La Loi évangélique " accomplit " (cf. Mt 5, 17-19), affine, dépasse et mène à sa perfection la Loi ancienne. Dans les " Béatitudes ", elle accomplit les promesses divines en les élevant et les ordonnant au " Royaume des cieux ". Elle s’adresse à ceux qui sont disposés à accueillir avec foi cette espérance nouvelle : les pauvres, les humbles, les affligés, les cœurs purs, les persécutés à cause du Christ, traçant ainsi les voies surprenantes du Royaume.
1968. La Loi évangélique accomplit les commandements de la Loi. Le Sermon du Seigneur, loin d’abolir ou de dévaluer les prescriptions morales de la Loi ancienne, en dégage les virtualités cachées et en fait surgir de nouvelles exigences : il en révèle toute la vérité divine et humaine. Il n’ajoute pas de préceptes extérieurs nouveaux, mais il va jusqu’à réformer la racine des actes, le cœur, là où l’homme choisit entre le pur et l’impur (cf. Mt 15, 18-19), où se forment la foi, l’espérance et la charité, et avec elles, les autres vertus. L’Evangile conduit ainsi la loi à sa plénitude par l’imitation de la perfection du Père céleste (cf. Mt 5, 48), par le pardon des ennemis et la prière pour les persécuteurs, à l’instar de la générosité divine (cf. Mt 5, 44).
1969. La Loi nouvelle pratique les actes de la religion : l’aumône, la prière et le jeûne, en les ordonnant au " Père qui voit dans le secret ", à l’encontre du désir " d’être vu des hommes " (cf. Mt 6, 1-6 ; 16-18). Sa prière est le " Notre Père " (Mt 6, 9-13).
1970. La Loi évangélique comporte le choix décisif entre " les deux voies " (cf. Mt 7, 13-14) et la mise en pratique des paroles du Seigneur (cf. Mt 7, 21-27) ; elle se résume dans la règle d’or : " Ainsi, tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : voilà la Loi et les Prophètes " (Mt 7, 12 ; cf. Lc 6, 31).
Toute la Loi évangélique tient dans le " commandement nouveau " de Jésus (Jn 13, 34), de nous aimer les uns les autres comme Il nous a aimés (cf. Jn 15, 12).
1971. Au Sermon du Seigneur il convient de joindre la catéchèse morale des enseignements apostoliques, comme Rm 12-15 ; 1 Co 12-13 ; Col 3-4 ; Ep 4-5 ; etc. Cette doctrine transmet l’enseignement du Seigneur avec l’autorité des apôtres, notamment par l’exposé des vertus qui découlent de la foi au Christ et qu’anime la charité, le principal don de l’Esprit Saint. " Que votre charité soit sans feinte ... Que l’amour fraternel vous lie d’affection ... avec la joie de l’espérance, constants dans la tribulation, assidus à la prière, prenant part aux besoins des saints, avides de donner l’hospitalité " (Rm 12, 9-12). Cette catéchèse nous apprend aussi à traiter les cas de conscience à la lumière de notre relation au Christ et à l’Église (cf. Rm 14 ; 1 Co 5-10).
1972. La Loi nouvelle est appelée une loi d’amour parce qu’elle fait agir par l’amour qu’infuse l’Esprit Saint plutôt que par la crainte ; une loi de grâce, parce qu’elle confère la force de la grâce pour agir par le moyen de la foi et des sacrements ; une loi de liberté (cf. Jc 1, 25 ; 2, 12) parce qu’elle nous libère des observances rituelles et juridiques de la Loi ancienne, nous incline à agir spontanément sous l’impulsion de la charité, et nous fait enfin passer de la condition du serviteur " qui ignore ce que fait son Maître " à celle d’ami du Christ, " car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître " (Jn 15, 15), ou encore à la condition de fils héritier (cf. Ga 4, 1-7. 21-31 ; Rm 8, 15).
2006. Le terme " mérite " désigne, en général, la rétribution due par une communauté ou une société pour l’action d’un de ses membres éprouvée comme un bienfait ou un méfait, digne de récompense ou de sanction. Le mérite ressort à la vertu de justice conformément au principe de l’égalité qui la régit.
2007. A l’égard de Dieu, il n’y a pas, au sens d’un droit strict, de mérite de la part de l’homme. Entre Lui et nous l’inégalité est sans mesure, car nous avons tout reçu de Lui, notre Créateur.
2008. Le mérite de l’homme auprès de Dieu dans la vie chrétienne provient de ce que Dieu a librement disposé d’associer l’homme à l’œuvre de sa grâce. L’action paternelle de Dieu est première par son impulsion, et le libre agir de l’homme est second en sa collaboration, de sorte que les mérites des œuvres bonnes doivent être attribués à la grâce de Dieu d’abord, au fidèle ensuite. Le mérite de l’homme revient, d’ailleurs, lui-même à Dieu, car ses bonnes actions procèdent dans le Christ, des prévenances et des secours de l’Esprit Saint.
2009. L’adoption filiale, en nous rendant participants par grâce à la nature divine, peut nous conférer, suivant la justice gratuite de Dieu, un véritable mérite. C’est là un droit par grâce, le plein droit de l’amour, qui nous fait " cohéritiers " du Christ et dignes d’obtenir l’ "héritage promis de la vie éternelle " (Cc. Trente : DS 1546). Les mérites de nos bonnes œuvres sont des dons de la bonté divine (cf. Cc. Trente : DS 1548). " La grâce a précédé ; maintenant on rend ce qui est dû ... Les mérites sont des dons de Dieu " (S. Augustin, serm. 298, 4-5 : PL 38, 1367).
2010. L’initiative appartenant à Dieu dans l’ordre de la grâce, personne ne peut mériter la grâce première, à l’origine de la conversion, du pardon et de la justification. Sous la motion de l’Esprit Saint et de la charité, nous pouvons ensuite mériter pour nous-mêmes et pour autrui les grâces utiles pour notre sanctification, pour la croissance de la grâce et de la charité, comme pour l’obtention de la vie éternelle. Les biens temporels eux-mêmes, comme la santé, l’amitié, peuvent être mérités suivant la sagesse de Dieu. Ces grâces et ces biens sont l’objet de la prière chrétienne. Celle-ci pourvoit à notre besoin de la grâce pour les actions méritoires.
2012. " Avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien ... Ceux que d’avance, il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils pour qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères. Ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés. Ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés. Ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés " (Rm 8, 28-30).
2013. " L’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur rang et leur état " (LG 40). Tous sont appelés à la sainteté : " Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait " (Mt 5, 48) :
Les fidèles doivent appliquer les forces qu’ils ont reçues selon la mesure du don du Christ, à obtenir cette perfection, afin qu’ ... accomplissant en tout la volonté du Père, ils soient avec toute leur âme voués à la gloire de Dieu et au service du prochain. Ainsi la sainteté du peuple de Dieu s’épanouit en fruits abondants, comme en témoigne avec éclat l’histoire de l’Église par la vie de tant de saints (LG 40).
2014. Le progrès spirituel tend à l’union toujours plus intime avec le Christ. Cette union s’appelle " mystique ", parce qu’elle participe au mystère du Christ par les sacrements – " les saints mystères " – et, en Lui, au mystère de la Sainte Trinité. Dieu nous appelle tous à cette intime union avec lui, même si des grâces spéciales ou des signes extraordinaires de cette vie mystique sont seulement accordés à certains en vue de manifester le don gratuit fait à tous.
2015. Le chemin de la perfection passe par la croix. Il n’y a pas de sainteté sans renoncement et sans combat spirituel (cf. 2 Tm 4). Le progrès spirituel implique l’ascèse et la mortification qui conduisent graduellement à vivre dans la paix et la joie des béatitudes :
Celui qui monte ne s’arrête jamais d’aller de commencement en commencement par des commencements qui n’ont pas de fin. Jamais celui qui monte n’arrête de désirer ce qu’il connaît déjà (S. Grégoire de Nysse, hom. in Cant. 8 : PG 44, 941C).
2016. Les enfants de notre mère la Sainte Église espèrent justement la grâce de la persévérance finale et la récompense de Dieu leur Père pour les bonnes œuvres accomplies avec sa grâce en communion avec Jésus (cf. Cc. Trente : DS 1576). Gardant la même règle de vie, les croyants partagent la " bienheureuse espérance " de ceux que la miséricorde divine rassemble dans la " Cité sainte, la Jérusalem nouvelle qui descend du Ciel d’auprès de Dieu, prête comme une épouse parée pour son Epoux " (Ap 21, 2).
2083. Jésus a résumé les devoirs de l’homme envers Dieu par cette parole : " Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit " (Mt 22, 37 ; cf. Lc 10, 27 : " ... toutes tes forces "). Celle-ci fait immédiatement écho à l’appel solennel : " Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique " (Dt 6, 4-5).
Dieu a aimé le premier. L’amour du Dieu Unique est rappelé dans la première des " dix paroles ". Les commandements explicitent ensuite la réponse d’amour que l’homme est appelé à donner à son Dieu.
Je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude. Tu n’auras pas d’autres dieux que moi. Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux là-haut, ou sur la terre ici-bas, ou dans les eaux en dessous de la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces images ni ne les serviras (Ex 20, 2-5 ; cf. Dt 5, 6-9).
Il est écrit : " C’est le Seigneur, ton Dieu, que tu adoreras, et à Lui seul tu rendras un culte " (Mt 4, 10).
2084. I. " Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras "
Dieu se fait connaître en rappelant son action toute-puissante, bienveillante et libératrice dans l’histoire de celui auquel il s’adresse : " Je t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude ". La première parole contient le premier commandement de la loi : " Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras ... Vous n’irez pas à la suite d’autres dieux " (Dt 6, 13-14). Le premier appel et la juste exigence de Dieu est que l’homme l’accueille et l’adore.
2085. Le Dieu unique et vrai révèle d’abord sa gloire à Israël (cf. Ex 19, 16-25 ; 24, 15-18). La révélation de la vocation et de la vérité de l’homme est liée à la révélation de Dieu. L’homme a la vocation de manifester Dieu par son agir en conformité avec sa création " à l’image et à la ressemblance de Dieu " :
Il n’y aura jamais d’autre Dieu, Tryphon, et il n’y en a pas eu d’autre, depuis les siècles ... que celui qui a fait et ordonné l’univers. Nous ne pensons pas que notre Dieu soit différent du vôtre. Il est le même qui a fait sortir vos pères d’Égypte " par sa main puissante et son bras élevé ". Nous ne mettons pas nos espérances en quelque autre, il n’y en a pas, mais dans le même que vous, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (S. Justin, dial. 11, 1).
2086. " Le premier des préceptes embrasse la foi, l’espérance et la charité. Qui dit Dieu, en effet, dit un être constant, immuable, toujours le même, fidèle, parfaitement juste. D’où il suit que nous devons nécessairement accepter ses Paroles, et avoir en lui une foi et une confiance entières. Il est tout-puissant, clément, infiniment porté à faire du bien. Qui pourrait ne pas mettre en lui toutes ses espérances ? Et qui pourrait ne pas l’aimer en contemplant les trésors de bonté et de tendresse qu’il a répandus sur nous ? De là cette formule que Dieu emploie dans la Sainte Écriture soit au commencement, soit à la fin de ses préceptes : ‘Je suis le Seigneur’ " (Catech. R. 3, 2, 4).
2087. Notre vie morale trouve sa source dans la foi en Dieu qui nous révèle son amour. S. Paul parle de l’ "obéissance de la foi " (Rm 1, 5 ; 16, 2) comme de la première obligation. Il fait voir dans la " méconnaissance de Dieu " le principe et l’explication de toutes les déviations morales (cf. Rm 1, 18-32). Notre devoir à l’égard de Dieu est de croire en Lui et de Lui rendre témoignage.
2088. Le premier commandement nous demande de nourrir et de garder avec prudence et vigilance notre foi et de rejeter tout ce qui s’oppose à elle. Il y a de diverses manières de pécher contre la foi :
Le doute volontaire portant sur la foi néglige ou refuse de tenir pour vrai ce que Dieu a révélé et que l’Église propose à croire. Le doute involontaire désigne l’hésitation à croire, la difficulté de surmonter les objections liées à la foi ou encore l’anxiété suscitée par l’obscurité de celle-ci. S’il est délibérément cultivé, le doute peut conduire à l’aveuglement de l’esprit.
2089. L’incrédulité est la négligence de la vérité révélée ou le refus volontaire d’y donner son assentiment. " L’hérésie est la négation obstinée, après la réception du baptême, d’une vérité qui doit être crue de foi divine et catholique, ou le doute obstiné sur cette vérité. L’apostasie est le rejet total de la foi chrétienne. Le schisme est le refus de la soumission au Souverain Pontife ou de communion avec les membres de l’Église qui lui sont soumis " (CIC, can. 751).
2090. Lorsque Dieu se révèle et appelle l’homme, celui-ci ne peut répondre pleinement à l’amour divin par ses propres forces. Il doit espérer que Dieu lui donnera la capacité de l’aimer en retour et d’agir conformément aux commandements de la charité. L’espérance est l’attente confiante de la bénédiction divine et de la vision bienheureuse de Dieu ; elle est aussi la crainte d’offenser l’amour de Dieu et de provoquer le châtiment.
2091. Le premier commandement vise aussi les péchés contre l’espérance, qui sont le désespoir et la présomption :
Par le désespoir, l’homme cesse d’espérer de Dieu son salut personnel, les secours pour y parvenir ou le pardon de ses péchés. Il s’oppose à la Bonté de Dieu, à sa Justice – car le Seigneur est fidèle à ses promesses -, et à sa Miséricorde.
2092. Il y deux sortes de présomption. Ou bien, l’homme présume de ses capacités (espérant pouvoir se sauver sans l’aide d’en Haut), ou bien il présume de la toute-puissance ou de la miséricorde divines (espérant obtenir son pardon sans conversion et la gloire sans mérite).
2093. La foi dans l’amour de Dieu enveloppe l’appel et l’obligation de répondre à la charité divine par un amour sincère. Le premier commandement nous ordonne d’aimer Dieu par-dessus tout et toutes les créatures pour Lui et à cause de Lui (cf. Dt 6, 4-5).
2094. On peut pécher de diverses manières contre l’amour de Dieu : L’indifférence néglige ou refuse la considération de la charité divine ; elle en méconnaît la prévenance et en dénie la force. L’ingratitude omet ou récuse de reconnaître la charité divine et de lui rendre en retour amour pour amour. La tiédeur est une hésitation ou une négligence à répondre à l’amour divin, elle peut impliquer le refus de se livrer au mouvement de la charité. L’acédie ou paresse spirituelle va jusqu’à refuser la joie qui vient de Dieu et à prendre en horreur le bien divin. La haine de Dieu vient de l’orgueil. Elle s’oppose à l’amour de Dieu dont elle nie la bonté et qu’elle prétend maudire comme celui qui prohibe les péchés et qui inflige les peines.
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